Originaire du Jiangxi, diplômé de l’École militaire du Hubei, Deng Zuyu participe au Mouvement de protection de la Constitution (hufa yundong 護法運動) de Sun Yat-sen et à l’Expédition du Nord (beifa 北伐). Vice-commandant en chef du VIe corps de l’Armée nationale révolutionnaire, il dirige par la suite le bureau des Affaires générales des chemins de fer de Nanxun au Jiangxi, siège dans le Comité d’épuration du GMD au Jiangsu et sert comme chef du bureau de Sûreté publique de Wuxi. Durant la « décennie de Nankin », il participe aux côtés de Chen Qun au mouvement anti-Jiang Jieshi de Hu Hanmin.
En 1938, Deng intègre le Gouvernement réformé (weixin zhengfu 維新政府) comme chef du bureau des Affaires générales du ministère de l’Intérieur que dirige Chen Qun. Sous le gouvernement de Wang Jingwei, il est l’un des responsables du ministère de la Police (jingzhengbu 警政部) et prend la direction de l’École centrale des officiers de police (zhongyang jingguan xuexiao 中央警官學校). Lors de la création du gouvernement provincial du Jiangxi en 1943, il occupe brièvement le poste de gouverneur de mai à décembre. Il siège également dans plusieurs comités comme celui des Affaires militaires (junshi weiyuanhui 軍事委員會).
Arrêté à Nankin en novembre 1945, il est condamné à une peine de 14 ans de prison en février 1948. Ses juges expliquent leur clémence par le fait que, d’après le témoignage du magistrat du district de Xingzi, Xia Wei 夏煒, Deng a obtenu la libération de plus de 120 résistants durant son mandat de gouverneur. Il s’est, de plus, rendu aux autorités nationalistes, ce qui joue en sa faveur. On ne connaît pas la date ni les circonstances de sa mort.
Sources : Xu Youchun 2007, p. 2377 ; SWHB, p. 1059-1098 ; Li Wenbin 1993, p. 167 sqq.
[alias Dai Pentian 戴盆天 et Dai Pengtian 戴鵬天 ou Dai Pengfu 戴鵬夫]
Originaire de Danyang (Jiangsu), Dai Yingfu sort diplômé de la 3e École normale du Jiangsu en 1917. Sous l’influence du Mouvement du 4 mai 1919, il s’associe avec des enseignants de Danyang pour diffuser la « nouvelle culture ». Suite à une annonce parue au printemps 1924 dans le Minguo ribao 民國日報 (Le Républicain), il adhère au GMD. Soutenu par Hu Hanmin et Mao Zedong, Dai intègre le Bureau du GMD à Shanghai. Il participe au développement du parti dans le Jiangsu, notamment dans son district d’origine où il fonde un bureau local début 1925. Au cours de l’été et alors que le Front uni bat son plein, il devient membre du PCC, sur la recommandation de Yun Daiying 惲代英 (1895-1931) et de Hou Shaoqiu 侯紹裘 (1896-1927). À la fondation du Bureau provincial du GMD au Jiangsu, en août 1925, Dai prend la tête du Département des paysans chargé de la mobilisation dans les campagnes.
En 1926, le seigneur de la guerre Sun Chuanfang 孫傳芳 (1885-1935) lance un mandat d’arrêt contre lui. Peu après, il est arrêté par Li Baozhang 李寶璋 mais donne un faux nom (He Zhuxuan 何竹軒) et retrouve la liberté le 12 octobre 1926. Il part alors pour le Jiangsu-Nord afin d’y poursuivre l’implantation clandestine du GMD. Si l’on en croit ses souvenirs sur cette période, rédigés dans une prison communiste en 1957, Dai échappe à l’épuration d’avril 1927 en se cachant. Il semble plus probable qu’il fasse partie des transfuges ayant choisi le camp nationaliste. On retrouve en effet sa trace en 1931, lorsque Ding Mocun le présente à l’un des bras droits de Jiang Jieshi, Chen Lifu, qui cherche alors à étendre l’influence de ses services secrets dans les milieux universitaires. Dai reprend son métier d’enseignant dans des universités prestigieuses comme le Zhongguo gongxue 中國公學 (China College) de Shanghai. Durant la « décennie de Nankin », il travaille également dans l’administration, en tant que secrétaire du Quartier général de la garnison de Shanghai (jingbei siling bu 警備司令部) et chef du bureau de l’Agriculture et des Mines dans le gouvernement provincial du Jiangsu.
Lorsqu’il rejoint le Mouvement pour la paix de Wang Jingwei en 1939, il commence à se faire appeler Dai Yingfu et non plus Dai Pengtian. Fort de son expérience d’avant-guerre, il est l’une des principales chevilles ouvrières du GMD « orthodoxe », en tant qu’adjoint de Mei Siping au Département central d’organisation (zuzhibu 組織部). Il participe à l’absorption des autres organisations de Chine centrale dans le GMD à travers la branche chinoise du Mouvement pour la Ligue d’Asie orientale (dongya lianmeng 東亞聯盟), dont il devient administrateur lors de sa fondation en février 1941. À la formation du gouvernement de Wang Jingwei en mars 1940, Dai est nommé vice-ministre de l’Éducation, d’abord chargé des affaires politiques (zhengwu cizhang 政務次長), puis, à partir d’août, des affaires courantes (changwu cizhang 常務次長) ; poste qu’il conserve jusqu’en août 1942. Selon Jin Xiongbai, Dai surveille les hommes de Ding Mocun pour le compte de Zhou Fohai. La mobilisation du monde éducatif est l’une des priorités du nouveau régime qui espère ainsi consolider son implantation dans la société. Pour lutter contre les idées anti-japonaises, très répandues parmi les enseignants et les élèves, la police politique de Ding Mocun et Li Shiqun s’emploie à éradiquer les cellules communistes et nationalistes présentes dans les établissements scolaires tandis que Dai Yingfu est chargé de la mobilisation. Le 9 juin 1940, il prend la tête de l’Association chinoise pour la reconstruction de l’éducation (Zhongguo jiaoyu jianshe xiehui 中國教育建設協會), dont il confie l’administration à des hommes issus de son ministères comme Xu Gongmei 徐公美 et Shao Wujiu 邵嗚九. Comptant environ 1800 membres composés pour l’essentiel de bureaucrates et de directeurs d’écoles primaires et secondaires, cette organisation établie des branches dont la direction est cumulée par les chefs des bureaux de l’éducation de l’administration locale. Outre la publication de la revue Jiaoyu jianshe 教育建設, l’Association chinoise pour la reconstruction de l’éducation organise toutes sortes d’activités, parmi lesquelles des voyages d’observation au Japon. Dai Yingfu se voit également confier la présidence du Comité préparatoire de l’Université centrale (zhongyang daxue 中央大學). Par la suite, il siège au Comité des affaires politiques du Yuan exécutif et participe au Mouvement des nouveaux citoyens comme vice-président de son Comité de promotion (xin guomin yundong cujin weiyuanhui 新國民運動促進委員會).
Après la guerre, Dai n’écope que de douze ans de prison, ce qui laisse penser qu’il a trouvé de l’aide chez ses anciens camarades de la clique CC. Comme les autres collaborateurs condamnés à des peines légères, il bénéficie de l’amnistie de 1948. Il reste à Shanghai, où il enseigne dans une école primaire. Arrêté par les autorités communistes en 1955, Dai est condamné à la prison à vie comme « contre-révolutionnaire historique » (lishi fangeming 歷史反革命). Il rédige plusieurs wenshi ziliao durant sa détention. Celui consacré au Mouvement des nouveaux citoyens est signé Dai Yingfu, tandis que d’autres portant sur sa vie avant la collaboration sont écrits sous le nom de Dai Pengtian. Dai décède en prison quatorze ans plus tard.
Sources : Xu Youchun 2007, p. 2677 ; Dai Pengtian 1987, 1995 ; ZKD, p. 724-725 ; WKS, p. 65 ; MZN, p. 1096 ; ZMSD, p. 1912 ; Dai Yingfu 1989 ; Ōsawa 2019, p. 698-699.
Né à Wujin (act. Changzhou) dans le Jiangsu, jinshi 進士 des examens mandarinaux en 1890, Dong Kang se spécialise dans le droit pénal. Après un passage au Bureau des peines (xingbu 刑部), il assiste Shen Jiaben 沈家本 (1840-1913) dans la réforme du système judiciaire. En 1912, il part achever sa formation au Japon. De retour en Chine en 1914, il occupe les plus hautes fonctions judiciaires sous le gouvernement Beiyang, notamment comme président de la Cour suprême de justice (daliyuan 大理院). En 1926, Dong prend la tête de l’Université de Shanghai (Shanghai daxue 上海大學).
Au mois de décembre de la même année, alors que le GMD vient de lancer l’Expédition du Nord, le seigneur de la guerre Sun Chuanfang 孫傳芳 (1885-1935) émet un mandat d’arrêt contre Dong Kang et neuf autres dirigeants de l’Union Anhui-Jiangsu-Zhejiang (Wan-Su-Zhe sansheng lianhehui 皖蘇浙三省聯合會) qui cherche à s’émanciper du contrôle imposé par Sun. Après s’être réfugié quelques mois au Japon, Dong retourne à Shanghai où il se consacre à l’enseignement et au métier d’avocat. Le Gouvernement nationaliste ne tarde pas à faire appel à lui. Membre de la Conférence de l’urgence nationale (guonan huiyi 國難會議) convoquée en novembre 1931, Dong est nommé à la tête de la Haute Cour de Canton en 1932, avant de se voir confier l’encadrement de la formation des agents du ministère de la Justice.
En décembre 1937, Dong est recruté par l’occupant japonais pour diriger le Comité judiciaire (sifa weiyuanhui 司法委員會), l’un des trois principaux organes formant le Gouvernement provisoire (linshi zhengfu 臨時政府) de Pékin. À la formation du gouvernement de Wang Jingwei en mars 1940, il continue à siéger dans les instances pékinoises du Conseil des affaires politiques de Chine du Nord (Huabei zhengwu weiyuanhui 華北政務委員會), tout en obtenant un siège purement honorifique à Nankin, au sein du Comité gouvernemental (guomin zhengfu weiyuanhui 國民政府委員會). Arrêté au lendemain de la guerre, Dong est soigné à l’Hôpital allemand de Pékin où il décède en 1947 avant d’avoir pu être jugé.
Sources : Xu Youchun 2007, p. 1960 ; SSY, p. 168 sq.
Originaire de Liuhe (Jiangsu), Dong Xiujia étudie à l’Université Tsing Hua (qinghua xuexiao 清華學校), avant de partir en 1918 aux États-Unis où il suit des cours d’administration urbaine à l’Université du Michigan puis à l’Université de Californie. De retour en Chine, il enseigne et dirige un bureau dans la municipalité provisoire de Wusong (Shanghai). En 1925, il devient conseiller au sein de la mairie de Shanghai. À partir de 1928, il travaille pour l’administration de Wuhan et dirige la planification urbaine de la ville. En 1931, il revient en Chine centrale comme membre du Yuan législatif et responsable des Travaux publics dans le gouvernement provincial du Jiangsu où il a Zhou Fohai pour collègue.
Dong publie avant-guerre des dizaines d’ouvrages sur l’administration urbaine, dont certains sont traduits en japonais. Il contribue ainsi à diffuser en Chine un discours global sur la planification urbaine en prônant, par exemple, l’aménagement de cités-jardins afin de répondre aux besoins en matière de logement et d’hygiène. Contrairement à beaucoup de technocrates de son époque, il ne perd pour autant pas de vue la manière dont la population perçoit ces grands travaux en analysant comment ils la perturbent. Réformateur enthousiaste, il voit dans la ville un moyen de transformer la société chinoise en profondeur. Rejetant l’idéal agrarien traditionnel, il considère que la culture urbaine oblige les hommes à coopérer pour pouvoir coexister dans le même espace, à l’opposé du repli sur soi des campagnes.
Au début de l’occupation, il change son nom en Dong Zhenxing 董振興 pour travailler comme secrétaire général du Bureau des impôts de la région Jiangsu-Zhejiang-Anhui présidé par Shao Shijun. Il reprend son vrai nom quand il commence à travailler pour le gouvernement de Wang Jingwei. Dong dirige notamment le bureau des Finances (caizhengting 財政廳) du gouvernement municipal du Jiangsu de mai 1940 à octobre 1943. Il occupe le même poste dans le gouvernement de l’Anhui à la fin de l’année 1941. Outre de nombreuses aventures galantes qui auraient poussé sa femme à demander dans son testament à être enterrée avec ses bijoux pour que ses rivales n’en profitent pas, Dong est accusé dans les témoignages d’après-guerre de s’être enrichi avec l’aide de son gendre, Chen Wenyuan 陳文元. Responsable des impôts, il gagne au Jiangsu le surnom de « prévaricateur en chef » (zong sougua 總搜刮). Dong continue, par ailleurs, à écrire sur son domaine de prédilection, notamment dans la revue Difang xingzheng 地方行政 (Administration locale) lancée en octobre 1943 par Chen Gongbo. Il disparaît à la fin de la guerre sans laisser de traces.
Sources : MRDC, p. 1273 ; WKS, p. 142 ; Strand 2001, p. 233, 114 ; Stapleton 2000, p. 97 ; Kuaihuolin ; Shidaifeng ; Jipu zhoukan ; DX, n°1.
Avec son frère ennemi Li Shiqun, Ding Mocun est le principal dirigeant des services de sécurité du régime de Wang Jingwei. Natif de Changde (Hunan), il débute sa carrière politique comme membre du PCC à Wuhan avant de rejoindre le GMD. Il connaît dans les années 1930 une ascension rapide au sein des services secrets nationalistes grâce à son appartenance à la clique CC. En 1932, il est nommé au Bureau des enquêtes du Comité des affaires militaires qui devient, en 1935, le Bureau d’enquêtes et de statistiques (tongji diaochaju 統計調查局), plus connu par son abréviation Zhongtong 中統. Il sert alors sous les ordres de Chen Lifu 陳立夫 (1900-2001) aux côtés de Dai Li 戴笠 (1897-1946) et de Xu Enceng 徐恩曾 (1896-1985). La scission des services en août 1938 entre Zhongtong et Juntong 軍統 entraîne la suppression de son bureau. En outre, il est accusé par Dai Li de corruption.
Il quitte alors Wuhan pour Shanghai où il s’allie avec Li Shiqun pour convaincre les autorités d’occupation de leur confier l’organisation d’un service de sécurité. Après avoir suscité un mélange de désintérêt et de méfiance chez leurs interlocuteurs japonais, ils finissent par rencontrer Doihara Kenji en février 1939 qui cherche justement à développer une structure dédiée à la protection du Mouvement pour la paix de Wang Jingwei. Mettant son expertise au service de la police militaire japonaise (kenpeitai 憲兵隊) incapable de prévenir les nombreuses attaques perpétrées par les agents de Chongqing contre les collaborateurs, Ding leur offre l’organigramme de la résistance anti-japonaise à Shanghai. Après que leur plan a été approuvé par Tokyo le 10 février 1939, Ding et Li reçoivent de l’argent et des armes. À la même époque, ils approchent le groupe de Wang Jingwei par le biais de Zhou Fohai, originaire de la même région du Hunan que Ding et, lui aussi, membre de la clique CC dans les années 1930.
Bien qu’opposé à cette alliance avec Ding auquel il n’a pas pardonné ses attaques contre la clique réorganisationniste (gaizupai 改組派), Wang Jingwei est contraint de l’approuver. Le poids considérable que prend rapidement cette police secrète trouve son origine dans cette relation initiale : c’est elle qui engendre le nouveau gouvernement central plutôt que l’inverse. L’organisation de Ding et Li débute ses activités en avril 1939. Elle prend plusieurs noms mais c’est sous celui de « n°76 », comme le numéro de la Jessfield Road de Shanghai où est installé son siège, qu’elle est restée tristement célèbre à l’instar de la rue Lauriston. En créant le n°76, qui se montre très efficace contre les services de Chongqing, dont il recrute plusieurs agents, Ding Mocun devient une cible privilégiée de ces derniers. En décembre 1939, il est victime d’une tentative d’assassinat après avoir été séduit par l’espionne Zheng Pingru 鄭蘋如 (1918-1940). Les circonstances rocambolesques et tragiques de cette opération ont inspiré la nouvelle Se, Jie 色戒 (Lust, Caution) d’Eileen Chang (Zhang Ailing 張愛玲, 1920-1995), adaptée à l’écran en 2007 par Ang Lee 李安.
Dès cette époque, Ding Mocun et Li Shiqun rivalisent pour contrôler la police secrète du régime. Plus séducteur que Ding, Li prend l’avantage dans cette lutte qui se cristallise, en février 1940, autour de la création du ministère de la Police (jingzhengbu 警政部) dans lequel doivent être intégrés les services spéciaux. Alors que Ding est pressenti pour le diriger, Li intrigue contre lui auprès de ses patrons japonais. Cherchant à apaiser ce conflit qui menace l’existence du nouveau régime, Zhou Fohai fait nommer Li vice-ministre. En contrepartie, Ding se voit confier le ministère des Affaires sociales (shehuibu 社會部), qui a pour mission de mobiliser la société en faveur du Mouvement pour la paix. Usant de ces moyens pour développer sa propre faction au sein des organes locaux du régime, Ding suscite des dissensions avec les lieutenants de Zhou Fohai et la colère des conseillers japonais. La relation entre Ding et Li s’envenime définitivement après la mort de Ding Shijun 丁時俊, frère cadet du premier, lors d’une rixe avec un Russe blanc dans un dancing de Nankin, le Da shijie wuting 大世界舞廳, le 24 mai 1940. Ding accuse Li Shiqun, qui se défausse sur Su Chengde, auquel Ding n’a pas pardonné son ralliement à Li. Devenu tout puissant à la tête du Comité de pacification rurale (qingxiang weiyuanhui 清鄉委員會), Li empêche les activités du ministère des Affaires sociales dans le Jiangsu. La rivalité de Ding avec Li se poursuit jusqu’à l’assassinat de ce dernier en 1943.
Après la suppression du ministère des Affaires sociales lors du remaniement d’août 1941, Ding Mocun prend la tête du Comité de direction des mouvements sociaux (shehui yundong zhidao weiyuanhui 社會運動指導委員會). Dépendant du Yuan exécutif, ce comité poursuit la politique corporatiste du ministère dont il est issu. En janvier 1943, il fusionne avec le Comité de secours aux sinistrés (zhenwu weiyuanhui 賑務委員會) pour former le ministère du Bien-être social (shehui fuli bu 社會福利部) dirigé par Ding jusqu’à la fin de la guerre. Ce dernier ambitionne d’en faire un équivalent chinois du ministère de la Santé et du Bien-être (Kōseishō 厚生省), créé en 1938 pour administrer l’État-providence japonais. Ding est parallèlement nommé ministre des Communications (1941-43), puis gouverneur du Zhejiang en mai 1945. Dès 1943, le chef du Juntong, Dai Li, entre en contact avec Ding, qui communique secrètement avec Chongqing grâce aux différents postes radio qu’il a installés à Nankin, Shanghai et Hangzhou.
À la veille de la capitulation japonaise, Chen Lifu envoie un courrier à Ding dans lequel il lui promet la vie sauve s’il aide le retour du GMD en empêchant la Nouvelle 4e armée (PCC) de s’emparer de la région avant les troupes nationalistes et en contrôlant les armées fantoches. À son arrivée à Hangzhou, le général Gu Zhutong 顧祝同 (1893-1987) lui dit d’attendre ses ordres, mais Ding quitte la ville. Repéré par un journaliste, il suscite l’embarras du gouvernement de Jiang Jieshi accusé dans la presse de collusion avec les « traîtres ». Arrêté par le Juntong, Ding est condamné à mort en février 1947 et fusillé cinq mois plus tard.
Source : Martin 2001, p. 97 sqq. ; WKS, p. 66-68 ; JACAR B02030602600 ; Wakeman 2003, p. 526 ; SWHB, p. 647-835 ; Huang Qingzhong 1979 ; ZR, p. 299-300 ; Howard 2022 ; MZN, p. 1085-1086 ; Luo Junqiang 2010, p. 55.
Shinatsū 支那通 (spécialiste de la Chine) le plus célèbre et le plus honni de sa génération, Doihara systématise la stratégie consistant à provoquer des incidents afin de mettre sur pied des organisations pro-japonaises, gagnant au passage le surnom de « Lawrence de Mandchourie ».
En poste durant de nombreuses années en Chine à partir de 1913, il participe à l’assassinat de Zhang Zuolin 張作霖 (1875-1928) en 1928, à l’Incident de Mukden en 1931, puis au recrutement de Puyi 溥儀 (1906-1967) pour le placer à la « tête » du Manzhouguo 滿洲國 (État de Mandchourie). Promu général de brigade (shōshō 少将) en 1932, Doihara orchestre l’expansion de la zone d’influence japonaise en Chine du Nord, notamment à la suite de l’accord Qin-Doihara (Doihara-Shin Tokujun kyōtei 土肥原・秦徳純協定) signé le 27 juin 1935. Alors chef du Bureau des services spéciaux (tokumubu 特務部) de Fengtian (Mukden, act. Shenyang), Doihara cherche à contrer la politique centralisatrice du Gouvernement nationaliste de Nankin. Dans ce but, il pousse les principaux dirigeants de cinq provinces septentrionales (Chahar, Suiyuan, Shanxi, Hebei, Shandong), tels que le seigneur de la guerre Yan Xishan 閻錫山 (1883-1960), à faire sécession de Nankin en formant un gouvernement autonome. Les difficultés de ces potentats locaux à s’entendre entre eux et, surtout, les efforts politiques et financiers déployés par le Gouvernement nationaliste pour s’assurer de leur fidélité font échouer cette entreprise. Doihara doit se rabattre sur Yin Rugeng, qui, le 25 novembre 1935, proclame la sécession de vingt-deux districts (xian 縣) – la zone démilitarisée et quatre districts voisins – sous la direction d’un Conseil autonome anticommuniste du Hebei oriental (Jidong fangong zizhi weiyuanhui 冀東反共自治委員會).
Mais Doihara espère rallier des dirigeants de plus grande envergure, notamment le général Song Zheyuan 宋哲元 (1885-1940). Il compte faire de Song la pièce maîtresse du mouvement d’autonomie en Chine du Nord, malgré le soutien affiché par ce dernier au gouvernement central. Jugeant qu’un régime autonome dirigé par Song est préférable au fantoche Yin Rugeng, Nankin autorise la création d’un Conseil des affaires politiques du Hebei-Chahar (Ji-Cha zhengwu weiyuanhui 冀察政務委員會) qui est inauguré en catimini à Beiping (Pékin) le 18 décembre 1935. Il compte parmi ses membres les deux principaux futurs présidents du Conseil des affaires politiques de Chine du Nord (Wang Kemin et Wang Yitang), ainsi que des collaborateurs notables tels que Men Zhizhong et Xia Suchu. Des négociations s’engagent début 1936 entre les militaires japonais et Song Zheyuan. Chaque partie espère une fusion des deux organisations, mais pour des raisons différentes : Doihara souhaite consolider l’autonomie de la Chine du Nord à travers une structure politique unique placée sous tutelle japonaise, tandis que Song vise la suppression du Conseil autonome anticommuniste du Hebei oriental. En mars 1936, Doihara déclare à la presse japonaise : “Le Japon ne cherche pas à établir un second Manzhouguo en Chine du Nord, qui serait complètement autonome par rapport à Nankin mais vise à faire de la région un test pour un rapprochement sino-japonais réel grâce à la coopération économique et militaire“. Dans les faits, Doihara ne renonce à aucun moyen – trafic d’opium compris – pour soustraire la région à la souveraineté chinoise. L’échec des négociations avec Song Zheyuan précipite celui de la politique de morcellement en Chine du Nord, dont l’abandon s’impose à partir du départ de Doihara – muté à Tokyo en mars 1936 – avant d’être officialisé en janvier 1937.
Le morcellement intervient pourtant quelques mois plus tard, après l’invasion de la Chine propre débutée à l’été 1937. Un an plus tard, le gouvernement japonais cherche à rationaliser l’État d’occupation en centralisant les gouvernements collaborateurs régionaux mis en place par les différentes armées d’occupation durant les premiers mois de la guerre. Cette centralisation doit se faire dans le cadre d’un « nouveau gouvernement central chinois » (Shina shin chūo seifu 支那新中央政府) alors conçu selon un modèle confédéral, afin de ne pas remettre en cause le pouvoir local des officiers japonais et de leurs clients chinois. Dans le même temps, une série d’opérations vise à déstabiliser le Gouvernement nationaliste de Chongqing en ralliant des figures chinoises à la cause de l’occupant. La supervision de ces opérations est centralisée, le 26 juillet 1938, sous la direction d’un Comité spécial pour la Chine (taishi tokubetsu iinkai 対支特別委員会) rattaché directement au Conseil des cinq ministres (goshō kaigi 五相会議) et dirigé par Doihara Kenji. Le 5 août 1938, Hata Shunroku note au sujet de ce comité qu’il a été imposé d’en haut et ne manquera donc pas de provoquer des frictions. De fait, la volonté du gouvernement japonais de centraliser, ne serait-ce qu’en apparence, l’État d’occupation n’est pas partagée par ses représentants en Chine même. Outre Doihara, ce comité compte dans ses rangs la crème des Shinatsū (spécialiste de la Chine) avec Banzai Rihachirō 坂西利八郎 (1871-1950) et Shibayama Kenshirō, ainsi que le vice-amiral Tsuda Shizue 津田静枝 (1883-1964).
Ce comité a avant tout une fonction de conseil, tandis que les opérations de subversion en Chine sont pilotées par une organisation connue sous le nom d’ « Agence Doihara » (Doihara kikan 土肥原機関). Elle est souvent confondue avec l’« Agence du bambou » (take kikan 竹機関), du nom de code de l’opération visant Wu Peifu (infra), bien que la seconde ne soit, semble-t-il, qu’une branche de la première. Doihara reçoit un ordre de mission du premier ministre Konoe Fumimaro lui demandant de mettre toute son énergie à préparer l’établissement du nouveau gouvernement et ordonnant à l’Armée régionale de Chine du Nord (kita Shina hōmengun 北支那方面軍) et à l’Armée expéditionnaire de Chine centrale (naka Shina hakengun 中支那派遣軍) de coopérer secrètement avec lui. La première étape de ce projet centralisateur consiste dans la fondation, le 22 septembre 1938, d’un Conseil d’union (Zhonghua minguo lianhe weiyuanhui 中華民國聯合委員會). En dépit des pouvoirs qui lui sont conférés, Doihara échoue à obtenir de l’Armée du Guandong (Kantō-gun 関東軍) qu’elle autorise la participation du Mengjiang 蒙疆 (Gouvernement autonome de Mongolie) dans le Conseil d’union au sein duquel ne sont représentés que le Gouvernement provisoire (linshi zhengfu 臨時政府) de Pékin et le Gouvernement réformé (weixin zhengfu 維新政府) de Nankin.
Parallèlement à ses efforts pour obtenir que les collaborateurs déjà en place coopèrent entre eux, Doihara cherche à recruter une personnalité de premier plan capable d’offrir au futur gouvernement confédéral un semblant de légitimité. Il jette son dévolu sur une vieille connaissance : le seigneur de la guerre retraité Wu Peifu 吳佩孚 (1874-1939). Les premières tentatives japonaises pour rallier Wu remontent à 1929. Considérant à l’époque qu’il est « le meilleur candidat dans l’histoire de la Chine contemporaine pour maintenir l’ordre politique en Chine », Doihara pense à lui en 1935 pour prendre la tête de son mouvement autonomiste de Chine du Nord. Les émissaires de Doihara reprennent contact avec Wu durant l’été 1938 pour lui proposer de travailler de concert avec Tang Shaoyi 唐紹儀 (1862-1938) au rétablissement de la paix. Sans opposer un refus catégorique, Wu cherche à gagner du temps en exigeant de pouvoir recruter une armée de 300 000 hommes dirigée par lui, ainsi que le retrait des troupes japonaises de Chine et le renoncement du Japon à toute ingérence dans son futur gouvernement. Ces conditions sont immédiatement rejetées par le général Kita Seiichi, patron du Gouvernement provisoire.
En dépit des manœuvres dilatoires de Wu Peifu, Doihara reste confiant. En apparence, son plan fonctionne comme prévu : fin janvier 1939, les dirigeants du Gouvernement provisoire et du Gouvernement réformé organisent une Association pour la paix et le salut national (heping jiuguo hui 和平救國會) qui nomme Wu Peifu chef d’un Comité de pacification (suijing weiyuanhui 綏靖委員會) devant s’établir à Kaifeng. En réalité, Doihara n’est pas parvenu à obtenir un accord clair de la part de Wu qui, au même moment, cherche à rassurer Chongqing sur ses intentions. Sous la pression, Wu finit par accepter de tenir une conférence de presse le 31 janvier 1939 au cours de laquelle il est censé annoncer sa collaboration avec l’occupant. L’événement se solde par un fiasco : au lieu de prononcer la déclaration prévue, préalablement distribuée aux journalistes par les hommes de Doihara, dans laquelle il accepte humblement la position qui lui est offerte, Wu Peifu affirme qu’il ne s’engagera pas plus avant tant qu’il n’aura pas obtenu du Japon un pouvoir réel et l’autorisation de s’installer avec ses troupes à “Beiping” (appellation de Pékin utilisée par les autorités de Chongqing).
Cet échec est d’abord celui de Doihara, dont l’empressement à imposer l’« Opération Wu Peifu » a provoqué de vives tensions entre son agence et les autorités d’occupation, qui voient en elle une attaque contre les gouvernements de Pékin et de Nankin. Le projet de gouvernement confédéral défendu par ces dernières pour maintenir le statu quo diffère de l’opération dirigée par Doihara. Dominé par une conception « nordiste » fondée sur la doctrine du bunji gassaku 分治合作 (administration séparée et coopération), le premier vise à assurer une forte autonomie au Gouvernement provisoire, à défaut d’obtenir une centralisation au seul profit de Pékin. La seconde trouve, au contraire, son origine dans la volonté chez Banzai Rihachirō, membre du Comité spécial pour la Chine de Doihara et mentor de ce dernier, de construire une Chine unifiée sous un chef étroitement « conseillé ».
À la mauvaise volonté de Wu Peifu et des autorités d’occupation vient s’ajouter un autre obstacle de taille pour le projet de Doihara : l’arrivée à Shanghai en mai 1939 de Wang Jingwei, lequel refuse catégoriquement de traiter avec celui dont il a combattu les visées au milieu des années 1930. Doihara tente bien de sauver ce qui peut l’être de son plan. Lors de la visite de Gao Zongwu à Tokyo en février 1939 pour transmettre le projet de gouvernement central élaboré par le groupe de Wang Jingwei, Doihara laisse entendre à Hata Shunroku que Wu Peifu et Wang pourraient se partager la Chine ; l’un gouvernant le nord du pays, l’autre le sud. Toutefois, le projet d’un « ticket » Wang-Wu fait long feu. Avant même qu’une dent infectée n’emporte le « maréchal de jade » le 4 décembre 1939, l’opération le visant a été enterrée à Tokyo. Dès le 19 mars, rapporte Hata dans son journal, le gouvernement décide de muter Doihara et de confier le projet de nouveau gouvernement central à Kagesa Sadaaki. C’est désormais l’ « Opération Wang Jingwei » qui est prioritaire.
Après un bref passage au Manzhouguo, où il dirige la 5e armée (1939-1940), Doihara occupe essentiellement des postes honorifiques, notamment comme Inspecteur de la formation militaire (kyōiku sōkan 教育総監). Jugé comme criminel de guerre de classe A par le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient, il est exécuté le 23 décembre 1948 dans l’enceinte de la prison de Sugamo.
Sources : KSDJ ; Kahn 1978 ; Guo Guiru et al. 2007, p. 41 sqq., 65 ; 177 ; Chen Lan 2014 ; IMTFE {49, 268-269} ; HSN, p. 150, 155, 188 sq., 194 sq. ; JACAR B02030549900 ; Tobe 1999, p. 206 ; Blakeney 1945, p. 108 sq. ; Wou 1978, p. 246 sqq. ; Asahi, 1er fév., 1939 (soir) ; Boyle 1972, p. 162.