Natif de Yongjia (Zhejiang), fils d’un avocat réputé, Mei Siping est un étudiant brillant. Diplômé en sciences politiques de l’Université de Pékin, il travaille comme éditeur aux Presses commerciales de Shanghai (Shanghai shangwu yinshuguan 上海商務印書館), avant d’entrer au gouvernement où il devient un jeune cadre de la clique CC, tout en enseignant dans plusieurs universités. Bien qu’il occupe des postes subalternes, il est remarqué par Jiang Jieshi. Magistrat du district de Jiangning 江寧 (Jiangsu), il y dirige la mise en place d’une zone expérimentale de gouvernement autonome censée servir de modèle à la politique de modernisation des campagnes du GMD.
Au début de la guerre, alors qu’il loge chez son ami Zhou Fohai, Mei fait partie de ce que Hu Shi appelle le « club du ton bas » (didiao julebu 低調俱樂部) ; un salon de dirigeants nationalistes inquiets des conséquences de la guerre de résistance, dont plusieurs habitués suivront Wang Jingwei dans la collaboration. Envoyé par le Comité des affaires militaires (junshi weiyuanhui 軍事委員會) à Hong Kong, il dirige avec Lin Baisheng l’Association de recherche en art et littérature (yiwen yanjiuhui 藝文研究會) qui sert de couverture à la propagande anticommuniste dirigée depuis Hankou par Zhou Fohai et Tao Xisheng, eux-mêmes chapeautés par Wang Jingwei.
C’est dans le cadre de ces activités qu’il participe en 1938 aux premiers contacts avec des émissaires japonais au côté de Gao Zongwu. Contraint de soigner sa tuberculose au retour de son voyage secret au Japon en juillet, ce dernier est remplacé par Mei dans les discussions avec les Japonais, qui rechignent à traiter avec un homme qu’ils ne connaissent pas et qui ne parle pas leur langue. Rapidement, toutefois, Imai Takeo et Kagesa Sadaaki développent une véritable admiration pour Mei, alors même que leur méfiance à l’égard de Gao va croissant. Fin octobre, Mei rapporte à Chongqing le projet d’accord avec le Japon. Après avoir reçu le feu vert de Zhou Fohai et, semble-t-il, de Wang Jingwei, Mei prend part avec Gao, en novembre, aux négociations du Chongguangtang à Shanghai, à l’issue desquelles un accord organisant la défection de Wang est signé. Il repart pour faire son rapport à Zhou et Wang le 26 novembre.
Après la défection de ce dernier, Mei assiste Lin Baisheng à Hong Kong avant de participer aux préparatifs du futur régime à Shanghai dans la seconde moitié de l’année 1939. Au sein du groupe de Wang Jingwei, il compte parmi les anciens de la clique CC, réunis autour de Zhou Fohai, qui ne tardent pas à s’émanciper et à rivaliser entre eux. S’appuyant sur sa propre faction composée de Shen Erqiao, Wang Minzhong 王敏中 et Cai Pei, Mei bâtit son pouvoir personnel depuis son poste de ministre de l’Industrie et du commerce (gongshangbu buzhang 工商部部長). Il occupe également brièvement, en 1941, le poste de gouverneur du Zhejiang, avant de le laisser en août 1941 à Fu Shiyue, originaire de la même région du Zhejiang que lui.
Dans une longue lettre envoyée à Wang Jingwei en novembre 1941, Mei se plaint des attaques menées contre lui par Ding Mocun et menace de démissionner. Ses rapports avec Wang sont distants même si ce dernier apprécie ses talents de bureaucrate-né et son sens de la répartie. Un jour qu’il l’interroge après que Li Shiqun l’a calomnié, Mei répond à Wang en citant l’une de ses propres formules ce qui lui permet de l’emporter. Une autre affaire plus embarrassante vient cependant entamer le crédit de Mei. Une certaine Mlle Yang, traductrice du japonais au ministère de l’Intérieur et future épouse de Zhou Longxiang, avec qui Mei entretient alors une liaison, écrit une lettre à Wang Jingwei dans laquelle elle menace de porter plainte pour viol contre Mei. Très pointilleux sur les mœurs, Wang est pris d’une grande colère mais décide d’étouffer le scandale en demandant à Zhou Fohai de lui verser 40 000 yuans tirés des fonds publics. Dès lors, Mei se voit affubler du sobriquet de Xiangsheng gongsi du nom d’une société de taxis bien connue dont le numéro de téléphone est 40000.
L’opposition entre l’entourage de Wang et Mei Siping se cristallise autour du contrôle des revenus du trafic d’opium. Le monopole de ce trafic est contrôlé par la Société de bienfaisance Hongji (hongji shantang 宏濟善堂) créée par le Kōa-in 興亜院 en 1939. Celle-ci verse notamment plusieurs millions de yuans chaque mois à Mei Siping. Ce monopole est remis en cause fin 1943 par Chen Gongbo et Lin Baisheng qui font pression sur les Japonais en mobilisant la jeunesse. En février 1944, la Société Hongji est supprimée et son activité transférée à un Bureau général d’interdiction de l’opium (jinyan zongju 禁煙總局) rattaché au ministère de l’Intérieur (neizhengbu 內政部) que dirige Mei Siping depuis septembre 1943. Une bataille rangée débute alors au sein du ministère entre Mei et son vice-ministre Yuan Yuquan pour le contrôle du Bureau. Proche de Chen Gongbo, désormais numéro un du régime, Yuan dénonce les agissements de Mei. Chen finit par trancher en transférant les compétences du Bureau sous l’autorité du Comité des affaires militaires (junshi weiyuanhui 軍事委員會) en novembre 1944, privant ainsi Mei Siping de tout pouvoir en la matière.
Arrêté par le Juntong 軍統 en septembre 1945, Mei est condamné à mort en mai 1946 et fusillé à Nankin le 14 septembre de la même année. L’un de ses fils, Mei Shaoguang 梅紹光, s’exile au Japon sous le pseudonyme de Huang Shaoguang 黃紹光. Réduit à la misère, il se suicide dans le dortoir du YMCA de Yokohama où il séjournait.
Sources : Zhou Hong 1993 ; Merkel-Hess 2015, p. 120 ; Shao Minghuang 1993 ; Boyle 1972, p. 381 ; Hu Lancheng 2009, p. 216 ; WKS, p. 149, 313 ; AH 118-010100-0025-084 ; Brook 2000 ; SWHB, p. 388-467 ; Iwai 1983, p. 281.