Originaire de Zhuoxian (Hebei), Feng Shuluan grandit à Pékin, où il fréquente assidûment les salles d’opéra de la ville à la suite de son aîné Feng Xiaoyin 馮小隱, qui a déjà acquis une certaine réputation comme spécialiste du genre. Feng Shuluan s’installe à Shanghai en 1912. Les critiques de théâtre qu’il publie dans de nombreux journaux ont une grande influence dans le milieu. Il est également l’auteur de pièces et de romans signés de son nom de plume Monsieur Ma’er 馬兒先生 (jeu de mot à partir de son nom de famille).

À une exception près, les notices biographiques à son sujet ne mentionnent jamais son parcours pendant la guerre. Pourtant, il fait peu de doute que le même Feng Shuluan ait servi dans les gouvernements de collaboration en Chine centrale. Les postes qu’il occupe laissent penser qu’il était lié à Chen Qun. Feng débute sa carrière de collaborateur en mai 1938 comme chef de bureau au ministère de l’Intérieur du Gouvernement réformé (weixin zhengfu 維新政府) puis comme chef du bureau du Cadastre (dizhengsi 地政司) dans le même ministère sous le gouvernement de Wang Jingwei. En mai 1941, il est nommé magistrat du district de Runie (Jiangsu) et publie dans le Xianzheng yanjiu 縣政研究 (Études sur l’administration de district) un journal de voyage décrivant le trajet qu’il effectue pour prendre ses fonctions. Son nom apparaît une dernière fois en avril 1942 lorsqu’il est exclu de la formation accélérée des magistrats de district du ministère de l’Intérieur (xianren xianzhang xunlianban 現任縣長訓練班) pour avoir fumé de l’opium. Il meurt au plus tôt en 1944 et, au plus tard, en 1946.

Sources : Hao Xingqin 2015 ; Zhongguo xiqu zhi 1996, p. 866 ; MZN, p. 1025, 1073 ; Pan Min 2006, p. 178 ; XY 3/5 ; JR 26/4/42.

Originaire de Shunde (Guangdong), Feng Jie étudie à l’École normale supérieure du Guangdong (guoli guangdong gaodeng shifan xuexiao 國立廣東高等師範學校) puis à l’Université Meiji 明治大学 (Tokyo). À son retour en Chine, il enseigne à l’Université Zhongshan (Canton) avant d’occuper successivement les postes de secrétaire du bureau provincial du GMD et de chef de section dans le Comité des affaires militaires du gouvernement de Canton puis de Wuhan au moment de l’Expédition du Nord. Pendant la « décennie de Nankin », il travaille pour le Gouvernement nationaliste à Tianjin et à Canton.

Proche de Wang Jingwei et de Lin Baisheng, Feng les suit dans la collaboration comme membre du bureau cantonais du GMD projaponais et chef du bureau shanghaien du ministère de la Propagande (xuanchuanbu 宣傳部). En septembre 1941, Lin Baisheng envoie Feng Jie pour prendre le contrôle du Suzhou Xinbao 蘇州新報 (Nouvelles de Suzhou), qui avait été fondé le 1er août 1938 par le Gouvernement réformé (weixin zhengfu 維新政府) à partir du Subao 蘇報 (Journal de Suzhou). Le 10 octobre 1941, il est rebaptisé Jiangsu ribao 江蘇日報 (Quotidien du Jiangsu). Directement contrôlé par le ministère de Lin Baisheng, ce journal joue un rôle important, à partir de 1942, dans la diffusion de la propagande du Mouvement des nouveaux citoyens (xin guomin yundong 新國民運動).

Celui-ci est particulièrement actif à Suzhou qui était déjà la capitale de la Campagne de pacification rurale (qingxiang yundong 清鄉運動). Feng Jie est membre du Comité pour la promotion du Mouvement des nouveaux citoyens (xin guomin yundong cujin weiyuanhui 新國民運動促進委員會) dirigé par Lin Baisheng qui organise des campagnes de masse s’attaquant notamment aux fumeries d’opium. Condamné comme traître après la capitulation japonaise, Feng écope d’une peine légère de six années de prison. On perd ensuite sa trace, mais il est probable qu’il ait été libéré avant 1949.

Sources : ZMSD, p. 589 ; ZKD, p. 289-290, 312.

S’il n’est pas le conseiller japonais le plus important du gouvernement de Wang Jingwei, Fukuda Takeo est celui qui a eu la plus belle carrière après-guerre. Diplômé en droit de l’Université impériale de Tokyo, Fukuda devient haut fonctionnaire au ministère des Finances (ookurashō 大蔵省). En poste au Budget lorsque débute la guerre sino-japonaise, il est souvent amené à traiter des affaires de l’armée et à se rendre dans les différentes villes occupées par le Japon sur le continent. En 1938, notamment, il mène une enquête en Chine du Nord. En mai 1941, il est envoyé en Indochine française.

C’est à cette époque qu’il est « invité » par le gouvernement de Wang Jingwei à servir comme conseiller économique. Placé sous les ordres d’Aoki Kazuo, Fukuda est nommé à la tête des finances. Il est rattaché au bureau Asie orientale du ministère des Affaires étrangères (gaimushō tōakyoku 外務省東亜局), ce qui lui permet de figurer parmi les employés de l’ambassade du Japon en Chine ; un moyen pour Tokyo de sauver la face de Nankin qui ne veut pas apparaître comme un régime fantoche. Fukuda trouve à se loger dans une grande résidence avec terrain de golf, qu’il partage avec d’autres fonctionnaires détachés du ministère des Finances. À l’en croire, sa mission comme conseiller ne consiste pas seulement à renforcer le régime de Nankin, mais également à veiller à ce que l’armée ne s’ingère pas trop dans ses affaires.

Après la fondation, fin 1942, du ministère de la Grande Asie orientale (daitōashō 大東亜省), dont Aoki prend la direction, Fukuda est rappelé au ministère des Finances. Le remplaçant d’Aoki comme conseiller économique suprême, Ishiwata Sōtarō 石渡荘太郎 (1891-1950), s’oppose à sa mutation au prétexte que Fukuda serait un élément indispensable au régime de Nankin. Bien que son transfert à Tokyo soit déjà acté, Ishiwata parvient à retenir Fukuda jusqu’en juin 1943. Wang Jingwei, lui-même, n’est pas favorable à cette mutation. Selon Fukuda, c’est en lui que Wang a le plus confiance parmi tous les conseillers nippons, à tel point qu’il le consulte pour toutes sortes de sujets. Peu avant son départ pour Tokyo, Wang organise un banquet en son honneur et lui dédicace un poème calligraphié par ses soins, ainsi qu’une carte de remerciement. Flatté par cette prévenance, dont il croit être le premier bénéficiaire, Fukuda déchante lorsque Inukai Ken lui apprend que tous les conseillers reçoivent une carte similaire sur laquelle est écrit « n°1 ». Dans ses mémoires, Fukuda affirme néanmoins qu’Aoki et d’autres conseillers de sa connaissance n’ont pas eu droit à de tels égards. En 1944, il rend visite à Wang alors hospitalisé à Nagoya.

De retour dans son administration d’origine, Fukuda connaît une promotion rapide, favorisée par la nomination d’Ishiwata au poste de ministre en février 1944. En septembre 1945, il organise le déménagement des bureaux du ministère des Finances, réquisitionnés par l’occupant américain. Nommé chef du bureau du Budget en 1947, il démissionne l’année suivante en raison du scandale Shōwa Denkō 昭和電工 ; numéro un des engrais impliqué dans une vaste affaire de corruption. Fukuda n’en poursuit pas moins une riche carrière. Député à la Chambre des représentants à partir de 1952, il est nommé ministre de l’Agriculture en 1959, des Finances en 1965 et des Affaires étrangères en 1971. Après avoir pris la tête du Parti libéral-démocrate (jimintō 自民党), il occupe le poste de premier ministre de décembre 1976 à décembre 1978. Outre Koizumi Jun’ichirō 小泉純一郎 (1942-), premier ministre de 2001 à 2006, dont Fukuda est le mentor, il est le père de Fukuda Yasuo 福田康夫 (1936-), qui occupe cette charge entre 2007 et 2008. Fukuda Takeo est l’auteur de mémoires publiés cinq ans après sa mort sous le titre Kaiko kujūnen 回顧九十年 (Retour sur les neuf décennies de ma vie), dont quelques pages portent sur son expérience de conseiller à Nankin pendant la guerre.

Sources : NKJRJ, p. 439 ; KSDJ ; Fukuda 2008, p. 21 sqq. ; Wikipedia.

Étudiant à demeure (shosei 書生) à la légation de Pékin à partir de 1889, Funatsu Tatsuichirō se forme au chinois avant de suivre l’ambassadeur Ōtori Keisuke 大鳥圭介 (1833-1911) à Séoul où il apprend le coréen. Après avoir réussi en 1895 l’examen des étudiants à l’étranger du ministère des Affaires étrangères (gaimushō ryūgakusei shiken 外務省留学生試験), il est détaché auprès du ministère de l’Armée durant la première guerre sino-japonaise. En 1896, Funatsu devient chancelier (shokisei 書記生) au sein du consulat de Zhifu 芝罘 (Shandong), avant de retourner à Tokyo l’année suivante. Hormis un passage aux États-Unis, il fait l’essentiel de sa carrière diplomatique en Chine, enchaînant, à partir de 1904, des postes consulaires dans le port ouvert de Niuzhuang 牛莊 (act. Yingkou 營口), à Nankin, Hong Kong, Shanghai et Fengjian. Son excellent niveau de chinois et son expertise lui valent de s’imposer comme un intermédiaire indispensable des relations sino-japonaises durant une période marquée par l’avènement de la République de Chine. Il noue notamment des liens de confiance avec Sun Yat-sen.   

En septembre 1926, Funatsu quitte le Gaimushō pour prendre la tête de l’Association de l’industrie des filatures de coton japonaises en Chine (zaika nihon bōseki dōgyōkai 在華日本紡績同業会) formée l’année précédente. Il a pour mission de mettre ses talents de diplomates au service d’une industrie durement touchée par les mouvements sociaux de l’année 1925 ayant abouti au Mouvement du 30 mai (wusa yundong 五卅運動). Durant cette période, il participe aux conférence de Kyoto (1929) et Shanghai (1931) de l’Institute of Pacific Relations (Taiheiyō mondai chōsa-kai 太平洋問題調査会), une organisation non gouvernementale financée par la Fondation Rockefeller. L’invasion de la Mandchourie fin 1931 et l’Incident de Shanghai début 1932 raidissent encore plus les relations sino-japonaises, notamment sur le plan économique avec la multiplication des campagnes de boycott des produits japonais. Dans ce contexte, Funatsu met sur pied l’Association du commerce sino-japonais (Nitchū bōeki kyōkai 日中貿易協会) afin de faciliter la diplomatie économique entre les deux pays. Surnommée l’ « Agence Funatsu » (Funatsu kikan 船津機関), cette organisation est présidée par les banquiers Zhou Zuomin 周作民 (1884-1955) et Kodama Kenji 児玉謙次 (1871-1954).

En tant qu’ancien diplomate rompu au terrain chinois sans n’être plus lié au gouvernement, Funatsu a le profil parfait pour jouer les émissaires informels au début de la guerre. Alors qu’il est de retour au Japon en raison des problèmes de santé de son épouse, Ishii Itarō et Ishiwara Kanji lui demandent de se rendre à Shanghai le 4 août 1937 pour reprendre contact avec son ami Gao Zongwu, qu’il rencontre le 9 août, afin de sonder le Gouvernement nationaliste dans l’espoir d’un règlement rapide du conflit. Ce fragile canal de communication est court-circuité par une initiative similaire de l’ambassadeur en Chine Kawagoe Shigeru 川越茂 (1881-1969) et interrompu brutalement après l’« Incident Ōyama » (Ōyama jiken 大山事件), le 9 août, au cours duquel le lieutenant de la Marine Ōyama Isao 大山勇夫 est tué lors d’un accrochage avec des soldats chinois à Shanghai.  Si cette opération échoue, elle annonce l’implication de Gao dans les discussions secrètes qui aboutissent à la défection de Wang Jingwei en décembre 1938.

En 1939, à l’occasion du cinquantième anniversaire de son arrivée en Chine, Funatsu démissionne de son poste de président de l’Association de l’industrie des filatures de coton japonaises en Chine. Il devient alors conseiller économique auprès de la municipalité spéciale de Shanghai et du gouvernement de Nankin. Par la suite, il participe à d’autres tentatives de négociations avec Chongqing, notamment pour le compte de Matsuoka Yōsuke 松岡洋右 (1880-1946) lors de l’”opération Sen” (Sen kōsaku 銭工作) visant Qian Yongming 錢永銘 (1885-1958) en octobre 1940, aux côtés de Tajiri Akiyoshi et de Nishi Yoshiaki. Il a laissé un témoignage à ce sujet intitulé Nanka kōshō shippai nikki 南華交渉失敗日記 (Journal sur l’échec des négociations en Chine méridionale), dans lequel il affirme que l’Opération Sen aurait pu mettre un terme au conflit. À la fin de la guerre, Funatsu organise le rapatriement des Japonais vivant en Chine en tant que membre de l’Association autonome des Japonais d’outre-mer (Nikkyō jichikai 日僑自治会).

Sources : NKJRJ, p. 452 ; KSDJ ; KNKJ, p. 248, 503-504 ; Zaika nihon bōseki dōgyōkai 1958 ; Kasahara 2015, p. 34-35.

[parfois écrit 傅式悅]

Originaire de Yueqing (Zhejiang), Fu Shiyue part en 1905 pour le Japon où il effectue son cursus scolaire à partir du collège jusqu’à un diplôme de maîtrise à la faculté de technologie de l’Université impériale de Tokyo (Tōkyō teikoku daigaku kōgakubu 東京帝国大学工学部). De retour en Chine en 1918, il travaille comme ingénieur et épouse la nièce du célèbre penseur nationaliste Zhang Binglin 章炳麟 (1868-1936). En 1922, Fu commence à enseigner à l’Université privée de Xiamen. En 1924, il compte parmi les fondateurs de l’Université Daxia 大夏, également connue sous le nom anglais de « The Great China University ». Cet établissement privé de Shanghai est créé à l’initiative d’un groupe de professeurs de l’Université de Xiamen en soutien à la révolte de leurs étudiants. En 1927, Fu intègre le ministère des Communications (jiaotongbu 交通部) en tant que contrôleur du Bureau des télégrammes de Shanghai, puis le ministère des Finances (caizhengbu 財政部) comme chef de section dans le Bureau de la taxe spéciale sur le pétrole lampant (meiyou teshui chu 煤油特税處).

En février 1938, Fu Shiyue rencontre à Shanghai Mei Siping, avec lequel il entretient des liens de parenté. Ce proche de Zhou Fohai participe alors à la mise en place d’un réseau destiné à favoriser une solution pacifique au conflit sino-japonais. Bien que ce projet le laisse assez circonspect, Fu accepte de l’aider. Peu après, en avril 1938, il est contacté par le général de brigade Harada Kumakichi qui cherche à le recruter dans le Gouvernement réformé (weixin zhengfu 維新政府) de Nankin. Fu décline le poste de ministre de l’Éducation au motif qu’il ne veut pas faire de politique. Il est également approché par Ni Wenya 倪文亞 (1903-2006), un ancien étudiant et collègue de l’Université Daxia alors à la tête du Bureau politique de l’école n°6 de l’Académie militaire centrale (zhongyang lujun junguan xuexiao di liu fenxiao 中央陸軍軍官學校第六分校). Représentant à Tianjin de la faction des cadets de l’Académie militaire, également connue sous le nom de « Chemises bleues », il cherche à établir le contact avec les Japonais. Au cours du printemps, Fu se rend à Hankou, Hongkong ou encore Guiyang. Lors de son dernier passage à Hankou à l’été 1938, il s’entretient avec Zhou Fohai qui lui affirme que Wang Jingwei est le leader des avocats de la paix. Il ajoute que leur engagement en faveur de négociations avec le Japon ne pourra se faire qu’en suivant la doctrine des Trois principes du peuple (sanmin zhuyi 三民主義) de Sun Yat-sen. Il donne pour mission à Fu d’aborder ce point avec les Japonais, qui sont pour beaucoup hostiles à ce qu’ils perçoivent comme le socle idéologique de la résistance chinoise.  

De retour à Shanghai, Fu Shiyue s’entretient à ce sujet avec Harada Kumakichi le 23 juillet 1938. Les autorités japonaises en Chine centrale cherchent alors à pallier le manque de cohésion et d’assise idéologique du Gouvernement réformé de Nankin. Le Bureau des services spéciaux (tokumu-bu 特務部) de l’Armée expéditionnaire de Chine centrale dirigé par Harada est divisée sur le sujet. Alors que son Bureau de la propagande (senden-han 宣伝班) s’inspire de la Xinminhui 新民會 en Chine du Nord pour mettre en place la Daminhui 大民會 (Association du grand peuple), une organisation de masse anti-GMD, son Bureau des affaires générales (sōmu-bu 総務部) – également appelé 1er Bureau (dai ichi-han 第一班) – fait montre d’une plus grande tolérance envers le GMD et son idéologie. En son sein, les lieutenants-colonels Nagano Kengo 菅野謙吾 et Miki Ryōkō 三木亮孝 forment un « Bureau de l’idéologie » (shisō-han 思想班) auquel participent deux civils Hanano Kichihei 花野吉平 (1912-1991) et Hayamizu Chikashige 早水親重, lequel est proche de l’entourage du premier ministre Konoe Fumimaro. Au même moment à Tokyo, les progrès des négociations secrètes avec Gao Zongwu conduisent le gouvernement Konoe à remettre en cause la propagande anti-GMD jusque-là en vigueur en zone occupée afin de préparer le terrain à une éventuelle intégration de collaborateurs issus du GMD au sein de l’État d’occupation ; un scénario qui devait se réaliser après la défection du groupe de Wang Jingwei en décembre 1938. C’est dans ce contexte que Fu Shiyue est amené à participer, aux côtés de Zhao Zhengping, à un groupe de travail organisé par le « Bureau de l’idéologie » dont l’objectif est de réviser la doctrine des Trois principes du peuple afin de la rendre compatible avec les deux piliers idéologiques de l’ « Ordre nouveau » (shin chitsujo 新秩序) prôné par le prince Konoe :  l’anticommunisme et le panasiastisme pro-japonais. Peu avant, Nagano et Hanano se sont rendus à Tokyo pour consulter les principaux architectes de l’ « Opération Gao Zongwu » alors en marche, Kagesa Sadaaki et Imai Takeo, lors d’une réunion au Bureau des affaires militaires du ministère de l’Armée (rikugun-bu gunmu-kyoku 陸軍部軍務局) à laquelle participent également le chef de ce dernier, Nakamura Aketo 中村明人 (1889-1966) et Shibayama Kenshirō.

Le groupe d’étude sur le tridémisme se réunit au cours du mois d’août 1938 à l’Astor House Hotel situé en plein cœur du quartier japonais de la concession internationale de Shanghai. Ses travaux sont placés sous la direction de Rōyama Masamichi 蠟山政道 (1895-1980) dépêché pour l’occasion par Nakamura Aketo. Professeur à l’Université impériale de Tokyo et membre de l’Association de recherche Shōwa (Shōwa kenkyū-kai 昭和研究会) formée en 1933 autour du prince Konoe pour concevoir l’ « Ordre nouveau », Rōyama est alors l’un des plus influents penseurs panasiatistes de l’archipel. Dès novembre 1937, il a plaidé en faveur d’une révision du tridémisme afin d’en faire une arme idéologique facilitant la collaboration sino-japonaise. Rōyama est accompagné de deux autres membres de l’Association de recherche Shōwa, le député Kōno Mitsu 河野密 (1897-1981) et Sakai Saburō 酒井三郎 (1907-1993). Sont également présents deux experts de la Chine issus de la Mantetsu 満鉄, Doi Akira 土井章, (1905-1999) et Gushima Kanesaburō 具島兼三郎 (1905-2004), ainsi que les représentants du Bureau des services spéciaux Miki Ryōkō, Hanano Kichihei et Nakanishi Tsutomu 中西功 (1910-1973). Formé au Tōa dōbun shoin 東亜同文書院 (Institut de la culture commune est-asiatique) de Shanghai avant d’intégrer le Bureau de recherche de la Mantetsu (Mantetsu chōsa-bu 満鉄調査部), ce dernier espionne pour le PCC auquel il transmet peu après le contenu des discussions sur le tridémisme. Ils sont rejoints par le journaliste Matsumoto Shigeharu – un ami de longue date de Rōyama – à son retour de Tokyo où il a accompagné Gao Zongwu.

La contribution de Fu Shiyue lors des discussions de l’Astor Hotel n’est pas connue. Dans le témoignage indirect qu’il a laissé par l’intermédiaire d’Inoue Tadashirō (voir ci-dessous), il rapporte qu’il est question lors de ces réunions de former un nouveau parti politique. Plusieurs noms sont évoqués : Xin Zhongguo guomindang 新中國國民黨 (Nouveau parti nationaliste chinois), Xingzhongdang 興中黨 (Parti pour l’essor de la Chine) ou encore le « Shanmindang 善民黨 » (Parti du bon peuple), qui a les faveurs de Fu. Il s’agit en réalité du Quanmindang 全民黨 (Parti du peuple tout entier) – shan et quan se prononcent de la même manière en japonais – conçu par Zhao Zhengping et défendu par Nakanishi selon les mémoires laissés par ce dernier. Pensé comme une alternative à l’idéologie de la Xinminhui 新民會 en Chine du Nord et de l’Association Concordia (Xiehehui 協和會) au Manzhouguo, le quanmin zhuyi 全民主義 est critiqué par Rōyama et suscite des réticences au sein de l’Armée expéditionnaire de Chine centrale. Si le projet, tel qu’il a subsisté dans les archives personnelles du premier ministre Konoe, est finalement intitulé « Shinsei Son Bun-shugi to zenmin shugi 真正孫文主義ト全民主義 » (Sunisme véritable et doctrine du peuple tout entier), son contenu semble largement inspiré par les idées de Rōyama.

Le 11 septembre 1938, Fu Shiyue et Zhao Zhengping se rendent à Hong Kong pour remettre à Gao Zongwu et Mei Siping le projet japonais de révision des Trois principes du peuple, qui est ensuite emporté à Chongqing par Mei. Fu repart le 29 septembre pour Shanghai en laissant Zhao à Hong Kong. S’il est tenu au courant par Mei Siping de la conférence décisive du Chongguangtang qui se tient fin novembre à Shanghai, il n’y participe pas. Au tournant de l’année 1939, Fu tente de favoriser, depuis Shanghai, l’élan en faveur de la paix que peine à susciter le départ de Wang Jingwei pour Hanoï en décembre 1938. À en croire un rapport d’Imai Takeo daté du 15 janvier 1939, Fu mène ces activités à travers des organisations culturelles telles que l’Association sur les questions internationales (guoji wenti shangquanhui 國際問題商權會) et la Société d’étude pour le renouveau (fuxing yanjiushe 復興研究社). C’est dans ce cadre que trois cent jeunes s’organisent en un service d’ordre chargé d’assurer la protection de Wang Jingwei, sans que l’on sache très bien quel rôle joue Fu dans ce domaine. En janvier 1939, il se rend à Taipei pour s’entretenir avec son ancien professeur, Inoue Tadashirō 井上匡四郎 (1876-1959), qui a occupé des fonctions importantes dans les années 1920, notamment comme vice-ministre de la Marine et ministre des Chemins de fer. Ce dernier s’empresse de transmettre à l’Armée de terre japonaise un rapport détaillé de leur discussion qui constitue l’une des rares sources permettant de reconstituer le parcours de Fu au début de la guerre.

Après la fondation du Gouvernement national réorganisé de Wang Jingwei en mars 1940, Fu Shiyue occupe, dans un premier temps, des postes dénués de pouvoir. Il dirige ainsi le ministère des Chemins de fer (tiedaobu 鐵道部), coquille vide supprimée lors de la compression administrative d’août 1941, tout en siégeant dans les instances du régime comme le Comité politique central (zhongyang zhengzhi weiyuanhui 中央政治委員會). Fu Shiyue profite de sa proximité avec le puissant Mei Siping, originaire de la même région du Zhejiang que lui. Suite à la mort, le 24 janvier 1941, de Wang Ruikai 汪瑞闓 (1875-1941), qui occupait le poste de gouverneur du Zhejiang depuis mai 1938, Mei Siping entreprend de parfaire son contrôle sur l’administration provinciale. Après avoir occupé lui-même le poste, en laissant l’intérim à son autre homme de confiance Shen Erqiao, Mei confie la charge de gouverneur à Fu Shiyue en août 1941. Ce dernier remanie le gouvernement provincial au profit de ses soutiens, comme Bu Yu 卜愈, qui avait été son étudiant à l’Université Daxia, Wang Zhigang 王志剛, ou encore Tan Shukui 譚書奎, qui succède à Tang Yinghuang 湯應煌 à la mairie de Hangzhou, avant d’être assassiné un mois plus tard. Fu Shiyue s’emploie également à renouveler les magistrats de district, réduisant ainsi l’influence de Chen Qun qui avait nommé plusieurs compatriotes de Minhou dans l’administration du Zhejiang. L’assassinat de Tan Shukui permet toutefois à Chen Qun de conserver l’un d’eux, Wu Nianzhong 吳念中, qui retrouve son poste comme maire de Hangzhou.

Les relations de Fu Shiyue avec les autorités japonaises locales sont moins apaisées que celles qu’entretenait Wang Ruikuai. Parlant un excellent japonais pour avoir étudié plus de dix ans à Tokyo, Fu prend l’habitude de négocier directement avec les officiers hauts placés, ce qui oblige leurs subalternes à lui laisser une plus grande marge de manœuvre. Alors que Wang Ruikuai soumettait chaque décision à l’aval de ses conseillers nippons, Fu Shishuo nomme de nouveaux magistrats de district sans en référer à sa tutelle. En août 1942, il est chargé de diriger la pacification rurale (qingxiang 清鄉) au Zhejiang. Remplacé comme gouverneur par Xiang Zhizhuang en septembre 1944, Fu est recasé au ministère des Travaux publics (jianshebu 建設部). Son poids politique relatif au sein du régime provient de son appartenance au réseau des anciens élèves et professeurs de l’Université Daxia de Shanghai, dont une dizaine de membres intègre le gouvernement de Nankin. Fu est condamné à mort et exécuté en 1947.

Sources : MRDC, p. 1156 ; Yeh 1990, p. 103 ; Yan Youwen 1993, p. 202 ; Chen Dingwen 1982, p. 214 ; He Zhiping 1996, p. 499, 501 ; Wang Jizhou 2020, p. 127-138 ; Liu Jie 1995, p. 332-341 ; JACAR C12120078700 ; JACAR C12120078600, p. 410-411.

[alias Fu Yaozong 傅耀宗]

Originaire de Ningbo, Fu Xiao’an effectue une brillante carrière de banquier et d’armateur, perturbée par l’arrivée au pouvoir des Nationalistes à la fin des années 1920. Éphémère président de la chambre générale de commerce de Shanghai en 1918, il se rapproche de Wu Peifu dans les années 1920 et s’oppose à l’Expédition du Nord. À l’arrivée du GMD à Shanghai en 1927, un mandat d’arrêt est lancé contre lui. Comme d’autres futurs collaborateurs, Fu s’enfuit alors à Dalian pour se placer sous la protection du Japon. Après l’annulation du mandat, il rentre à Shanghai en octobre 1931 pour prendre la tête de la Banque commerciale de Chine (Zhongguo tongshang yinhang 中國通商銀行), mais se voit une nouvelle fois dépossédé de son pouvoir au moment de la brusque nationalisation de 1935.

C’est donc avec un certain soulagement qu’il accueille la fuite du Gouvernement nationaliste à la fin de l’année 1937. Désireux de trouver une personnalité pour remplacer le peu convaincant Su Xiwen, les Japonais recrutent Fu qui devient, en octobre 1938, maire de Shanghai au sein du Gouvernement réformé (weixin zhengfu 維新政府). À l’arrivée de Wang Jingwei à Shanghai en mai 1939, Fu est contacté par le Zhongtong 中統, branche civile des services secrets nationalistes, qui lui demande d’organiser un banquet en l’honneur de ce Wang au cours duquel il est prévu de l’assassiner. Il fait mine d’accepter mais prévient Wang qui fait arrêter les agents de Chongqing. Craignant pour sa vie, Fu est protégé par vingt-trois gardes du corps. Pourtant, dans la nuit du 10 octobre 1940, son cuisinier qu’il emploie depuis dix ans, se glisse dans sa chambre et le décapite à l’aide d’un hachoir. Chen Gongbo lui succède à la mairie de Shanghai.

Sources : MRDC, p. 1162 ; Roux 2016, p. 574 ; Coble 2003, p. 70 ; Hu Baoqi 2010.

Biographical Dictionary of Occupied China

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