Ogawa Tetsuo

小川哲雄

19142000

Lieu d'origine

Ōita 大分县

Province d'origine

Kyūshū 九州地方

Diplômé en 1939 de l’Université coloniale (takushoku daigaku 拓殖大学) fondée à Tokyo pour former les futurs cadres de la colonie taïwanaise, Ogawa Tetsuo intègre l’Armée de terre comme spécialiste en comptabilité. En 1942, il est nommé conseiller militaire et économique du gouvernement de Wang Jingwei. Il découvre que son premier logement à Nankin avait été celui de la célèbre romancière américaine Pearl Buck (1892-1973), dont The Good Earth (John Day, 1931) est alors le roman étranger le plus apprécié des Japonais de sa génération. Durant son séjour en Chine, Ogawa a l’occasion de constater que la description canonique donnée par la fille de missionnaires presbytériens des terribles famines chinoises ne relève pas de la fiction. En 1943, il est chargé d’enquêter sur les conséquences de la terrible sécheresse qui sévit dans l’Anhui et le Henan. Liée au phénomène météorologique El Niño, qui frappe au même moment le Bengale, et aggravée par la guerre, elle provoque une famine qui tue des centaines de milliers de Chinois. Traversant des Plaines centrales transformées en désert, Ogawa voit la population réduite à se nourrir de racines et d’écorces d’arbres, dont il rapporte des échantillons à Nankin de crainte que son rapport ne soit pas cru.

Ogawa est surtout connu pour avoir organisé, le 25 août 1945, la fuite vers le Japon d’un groupe de dirigeants chinois composé du successeur de Wang Jingwei à la tête du Gouvernement national réorganisé, Chen Gongbo, accompagné de He Bingxian, Lin Baisheng, Chen Junhui et Zhou Longxiang, ainsi que de son épouse Li Lizhuang 李勵莊 et de sa maîtresse Mo Guokang 莫國康. Alors simple lieutenant (chūi 中尉), Ogawa reçoit la veille au soir l’ordre d’accompagner le plus haut dirigeant chinois de l’État d’occupation ; une tâche dont il s’étonne qu’elle ne soit pas confiée à son supérieur direct, le très compétent général de brigade Okada Yūji. Ce choix s’explique peut-être, selon Ogawa, par le fait que l’armée japonaise souhaite laisser Okada en Chine afin de garder un œil sur son ami Zhou Fohai, à qui les autorités de Chongqing ont confié le processus de transition dans les jours qui suivent la dissolution du régime de Nankin. Il se peut aussi qu’Ogawa ait été remarqué pour son rôle d’aide de camp (fukkan 副官) de Yazaki Kanjū lors de sa participation, l’année précédente, au Conseil suprême de direction de la guerre (saikō sensō shidō kaigi 最高戦争指導会議) à Tokyo. Il est reçu par l’ambassadeur Tani Masayuki 谷正之 (1889-1962) flanqué d’Imai Takeo, qui lui remet son ordre de mission. Il apprend que l’expédition transitera par Qingdao et qu’un fonds de cent millions de dollars de la Banque centrale de réserve (chubeiquan 儲備券), soit dix-huit millions de yens, a été déposé à la Yokohama Specie Bank (Yokohama shōkin ginkō 横浜正金銀行) pour financer l’opération. En revanche, il ne sait rien de ce qu’il doit faire une fois arrivé dans l’archipel, ni même si les autorités sur place ont été prévenues. De fait, rien ne filtre en Chine même, où Zhou Fohai est tenu dans l’ignorance du départ de Chen.

Alors que l’avion parti de Nankin se dirige vers Qingdao, Ogawa prend l’initiative d’ordonner au pilote de se dérouter pour rallier directement le Japon. L’appareil atterrit à Yonago 米子, sur la côte occidentale de l’île de Honshū, dans un aéroport dévasté par les bombardements alliés. Chen Gongbo rédige trois lettres de courtoisie annonçant son arrivée, qu’il destine au premier ministre Higashikuni Naruhiko 東久稔彦 (1887-1990), au ministre de l’Armée Shimomura Sadamu 下村定 (1878-1968) et au ministre des Affaires étrangères Shigemitsu Mamoru. Le 29 août, Ogawa parvient à trouver un train bondé pour rejoindre Tokyo via Kyoto, dans l’atmosphère de cohue indescriptible qui caractérise les premiers jours de l’après-guerre. Arrivé le soir après trente heures de trajet, il passe la nuit sur un banc de Shinbashi. C’est au matin seulement qu’il découvre le paysage lunaire de la capitale rasée par les bombes. Ogawa se rend au ministère de l’Armée (rikugunshō 陸軍省) qu’il trouve dans une grande agitation. Les archives brûlées en toute hâte avant l’arrivée des Américains dégagent une forte odeur de fumée. Ogawa demande à être reçu par le ministre pour lui transmettre la lettre de Chen Gongbo, mais doit se contenter de remettre les trois lettres à son aide de camp. Errant dans les bureaux du ministère puis de l’état-major central, Ogawa est médusé de croiser des militaires ayant teint leur uniforme kaki en noir et retiré leurs galons par crainte de l’occupant.

Il visite ensuite le ministère des Affaires étrangères (gaimushō 外務省) où règne, par comparaison, le plus grand calme. Il est reçu par le vice-ministre Tajiri Akiyoshi qui lui demande de se rendre à Kyoto. Ogawa apprendra plus tard que le Gaimushō avait alors déjà lancé l'”Opération Higashiyama” (Higashiyama kōsaku 東山工作) destinée à protéger l’anonymat du président en exil. Le plan, initialement rédigé par le ministère de la Grande Asie orientale (daitōa shō 大東亜省), prévoit de faire passer Chen Gongbo, renommé Higashiyama Kōichi 東山公一, pour le chef de l’entreprise éponyme (Higashiyama shōten 東山商店). Alors qu’Ogawa quittait Yonago pour Tokyo, deux agents – Yamamoto Kōichi 山本晃一 du Gaimushō et Nakagi Seiichi 仲木清市 du ministère de la Grande Asie orientale – étaient envoyés en sens inverse pour organiser le transfert du groupe de Chen Gongbo vers Kyoto.

L’arrivée des troupes d’occupation du général Robert L. Eichelberger (1886-1961) à Kyoto pousse les exilés à chercher une meilleure cachette, même si, à cette époque, ni le gouvernement chinois ni les Américains ne sont au courant de l’endroit où ils se trouvent. Le 30 août 1945, le Asahi shinbun avait même titré sur le “suicide” du président déchu, qui aurait eu lieu quatre jours plus tôt. Abandonné par sa hiérarchie et sans relations à Kyoto, le jeune Ogawa s’en remet au préfet (fuchiji 府知事) de Kyoto, Miyoshi Shigeo 三好重夫 (1898-1982). Ce dernier obtient que Chen Gongbo soit logé, à partir du 8 août, au sein du fameux Pavillon d’or (kinkakuji 金閣寺) en compagnie de Li Lizhuang, Mo Guokang et de l’indispensable interprète Zhou Longxiang, tandis que les autres membres du groupes, ainsi qu’Ogawa, demeurent dans une annexe du temple. Les jours se suivent dans un certain désœuvrement pour Ogawa, qui partage les parties quotidiennes de mah-jong de ses colocataires. Arrêté le 1er octobre 1945, Chen Gongbo est extradé vers la Chine le lendemain.

Quarante ans plus tard, Ogawa publie un témoignage de cet épisode : Nit-Chū shūsen shiwa : Nankin kokumin seifu shuseki Shin Kōhaku no Nihon bōmei 日中終戦史話 : 南京国民政府主席陳公博の日本亡命 (Histoire de la fin de la guerre sino-japonaise : l’exil au Japon du président du Gouvernement nationaliste de Nankin Chen Gongbo), Hara Shobō, 1985. Il a fait l’objet d’une biographie par un ancien étudiant de l’Université coloniale ayant connu Ogawa qui occupe, après-guerre, des fonctions à la tête de l’établissement : Iwatake Mitsuhiro 岩武光宏, Nihonjin ga shiritakatta dōyōshi Tōyō dōgi, Ogawa Tetsuo den 日本人が知りたかった東洋史 : 東洋道義 小川哲雄伝 (L’histoire de l’Asie orientale que voulait connaître les Japonais : une morale est-asiatique, biographie d’Ogawa Tetsuo), Ōita gōdō shinbunsha, 2009.

Sources : Ogawa 1985 ; Lucken 2013, p. 86 ; Garnaut 2013 ; Takushoku Alumni.

Pour citer cette biographie : David Serfass, "Ogawa Tetsuo  小川哲雄 (1914-2000)", Dictionnaire biographique de la Chine occupée, URL : https://bdoc.enpchina.eu/bios/ogawa-tetsuo/, dernière mise à jour le 7 octobre 2023. 

Biographical Dictionary of Occupied China

A database from ENPChina Project