Hu Lancheng

胡蘭成

19061981

Lieu d'origine

Shaoxing 紹興

Province d'origine

Zhejiang 浙江

Écrire la biographie de Hu Lancheng n’est pas chose facile, tant ce dernier s’est ingénié à brouiller les pistes en réécrivant, dans ses mémoires, une partie de sa vie, qui ne manque pourtant pas de romanesque. L’intérêt qu’il suscite, aujourd’hui encore, tient largement à son bref mariage avec Eileen Chang (Zhang Ailing 張愛玲, 1920-1995), sans doute la plus célèbre romancière chinoise du siècle.

Né dans un village des environs de Shaoxing (Zhejiang), Hu Lancheng est le sixième fils d’une famille pauvre vivant de l’agriculture et de la vente du thé. Complexé par son manque de diplômes, il prétendra être passé par la prestigieuse Université Yenching (Pékin). Quoi qu’il en soit, il fréquente effectivement les cercles cultivés de la jeunesse pékinoise dans les années 1920 et devient, semble-t-il, membre du PCC. Au début des années 1930, il enseigne au Guangxi avant de rentrer au Jiangnan où, à l’en croire, il s’impose rapidement comme l’une des principales plumes de la presse shanghaienne. En réalité, s’il entre bien, au printemps 1937, à la rédaction du Zhonghua ribao 中華日報 (China Daily News) dirigé par Lin Baisheng, c’est à un poste d’éditeur subalterne. Après la fermeture du journal en novembre 1937, il s’installe avec d’autres employés à Hong Kong, où la rédaction relance le Nanhua ribao 南華日報 (South China Daily), qui devient le premier organe de presse du Mouvement pour la paix de Wang Jingwei.

Début 1939, Hu Lancheng rédige un éditorial intitulé « Zhan nan, he yi bu yi 戰難,和亦不易 (La guerre est difficile mais la paix n’est pas facile non plus) ». Il lui vaut d’être remarqué par Chen Bijun, qui recommande Hu à Wang Jingwei. À l’été 1939, il rentre à Shanghai et travaille pour le Zhonghua ribao, dans lequel il publie une dizaine d’articles par mois. À la formation du gouvernement de Wang Jingwei en mars 1940, il accède pour la première fois de sa vie à un poste dans l’administration, en tant que vice-ministre de la Propagande chargé des affaires générales (xuanchuanbu changwu cizhang 宣傳部常務次長). Hu fait figure d’intrus dans ce ministère surnommé l’ « Association régionaliste du Guangdong » (Guangdong tongxianghui 廣東同鄉會), en raison de la surreprésentation d’agents originaires de la province du ministre Lin Baisheng. Ce dernier prend ombrage des faveurs dont jouit Hu auprès de Chen Bijun et de Wang Jingwei, qui a fait de Hu son secrétaire privé.

S’il a ses entrées au « Palais », Hu est impuissant face à Lin Baisheng dans ce sérail cantonais. Il se rapproche alors de la faction rivale de Zhou Fohai, qui cherche à développer sa présence dans la presse, jusqu’ici dominée par Lin. En février 1941, Hu devient ainsi directeur adjoint et rédacteur en chef du Guomin xinwen 國民新聞 (Nouvelles du citoyen). Fondé en mars 1940, ce journal était, à l’origine, directement contrôlé par le ministère de la Propagande. Il avait été fermé quelques mois plus tard, suite à l’assassinat, par les tueurs de Chongqing, de ses rédacteurs en chef successifs, Mu Shiying (le 28 juin 1940) et le Taiwanais Liu Na’ou (le 3 septembre 1940). Il renaît en février 1941 à l’instigation de Zhou et de Li Shiqun, qui en prend la direction. En août 1941, Lin Baisheng remplace Hu à son poste du ministère de la Propagande par le Cantonais Zhou Huaren.

Hu ne tarde pas à entrer en conflit avec Li Shiqun. En l’absence de ce dernier, qui réside à Suzhou, Hu s’arroge le titre de directeur du Guomin xinwen, à la fureur de Li. En octobre 1942, Hu succède à Chen Yunwen à la tête du bureau des Affaires juridiques (fazhiju 法制局) du Yuan exécutif (xingzhengyuan 行政院). Modeste en apparence, cette charge lui donne un pouvoir important, car c’est par elle que passe les documents administratifs avant d’être transmis au président du Yuan, Wang Jingwei. Supportant de moins en moins le mauvais caractère de Hu, Zhou Fohai affirme à Wang que celui-ci profite de sa position pour chercher à imposer sa volonté aux autres organes de l’État, empêchant ainsi le bon fonctionnement de l’administration. Éprouvant lui-même un certain agacement à l’endroit de Hu, Wang ordonne que le bureau des Affaires juridiques soit supprimé.

En novembre 1943, alors que Nankin vient de signer le Traité d’alliance avec Tokyo (Hua-Ri tongmeng tiaoyue 華日同盟條約), Hu provoque l’éclat de trop. Lors d’un débat, il annonce : « le Japon perdra la Seconde guerre mondiale et le régime de Monsieur Wang est condamné à disparaître ». À la suite de quoi, il fait traduire sa déclaration par son ami, le secrétaire d’ambassade Ikeda Tokui 池田篤紀 (1909- ?), qui envoie le texte au Japon, où il est largement diffusé. Sur ordre de Wang Jingwei, Hu est arrêté le 7 décembre 1943. Il reste détenu pendant 48 jours, malgré les efforts d’Ikeda, qui intervient auprès de son supérieur Shimizu Tōzō pour obtenir la libération de Hu. Limogé de toutes ses fonctions au gouvernement, Hu retourne à Shanghai où il fait la connaissance de Zhang Ailing, de quatorze ans sa cadette, qu’il épouse fin juillet 1945.

En octobre 1944, Hu fonde le mensuel Kuzhu 苦竹 (Bambou amer), avant de s’installer à Wuhan un mois plus tard, avec le soutien des autorités d’occupation. En décembre, il prend la direction du Dachubao 大楚報 ; un quotidien fondé en mars 1940 par la branche wuhanaise du GMD « orthodoxe » qu’il relance avec l’aide d’intellectuels pékinois tels que Shen Qiwu 沈啟無 (1902-1969), un proche de Zhou Zuoren. Le tirage du Dachubao triple pour atteindre jusqu’à 30 000 exemplaires. À rebours d’une presse officielle qui ne fait que reproduire la propagande de Nankin, il n’hésite pas traiter de sujets passés sous silence en adoptant une ligne éditoriale nuancée. La rédaction édite également une collection littéraire dans laquelle paraît la nouvelle de Zhang Ailing, Qingcheng zhi lian 傾城之戀 (Love in a Fallen City).

Dans ses mémoires, Hu affirmera que le jour de la reddition japonaise, il établit, pendant treize jours, un gouvernement militaire indépendant à Wuhan, au côté du général collaborateur Zou Pingfan 鄒平凡 (1905-?). Si Zou est effectivement chargé par Chongqing d’organiser le retour des autorités nationalistes, Hu ne joue, là encore, qu’un rôle secondaire. Le dernier numéro du Dachubao paraît le 27 août. Le 31 août, Hu se rase la tête pour prendre l’apparence d’un soldat japonais blessé et fuit la ville. Après moult péripéties, il parvient à trouver refuge au Japon en 1950. Quatre ans plus tard, il épouse She Aizhen 佘愛珍 (1900- ?), veuve de Wu Sibao 吳四寶 (1902-1942), devenue tenancière de bar à Tokyo.

Invité à enseigner à l’Université de la culture chinoise (Zhongguo wenhua daxue 中國文化大學) de Taipei en 1974, Hu se lie d’amitié avec l’écrivain Chu Hsi-ning 朱西甯 (1927-1998) et joue les précepteurs auprès de ses filles. Celles-ci deviennent de célèbres romancières à leur tour, notamment Chu Tien-wen 朱天文 (1956-), mondialement connue pour sa collaboration avec le cinéaste Hou Hsiao-hsien 侯孝賢 (1947-). Hu a publié ses Mémoires en 1959, sous le titre Jin sheng jin shi 今生今世 (Une vie, une époque). Il y revient longuement sur son expérience au sein du gouvernement de Wang Jingwei. Incomparable d’un point de vue littéraire avec les wenshi ziliao laissés par les autres rescapés de la collaboration, ce récit mêlant le vrai et le faux donne à son héros un rôle sans doute plus grand que nature.

Sources : Li Qianming 2012 ; Qin Xianci 2012 ; MZN, p. 1037 ; Tang Houmei 2014 ; Hu Lancheng 2009.

Pour citer cette biographie : David Serfass, "Hu Lancheng  胡蘭成 (1906-1981)", Dictionnaire biographique de la Chine occupée, URL : https://bdoc.enpchina.eu/bios/hu-lancheng/, dernière mise à jour le 27 juillet 2024. 

English (automatic translation)

Writing Hu Lancheng’s biography is not an easy task, as he has been so careful to blur the lines by rewriting, in his memoirs, a part of his life, which is nevertheless not lacking in romance. The interest he arouses, even today, is largely due to his brief marriage to Eileen Chang (Zhang Ailing 張愛玲, 1920-1995), probably the most famous Chinese female novelist of the century.

Born in a village near Shaoxing (Zhejiang), Hu Lancheng was the sixth son of a poor family living from farming and selling tea. Having an inferiority complex because of his lack of diplomas, he claimed to have attended the prestigious Yenching University (Beijing). In any case, he did socialize in the cultured circles of Beijing’s youth in the 1920s and apparently became a member of the CCP. In the early 1930s, he taught in Guangxi before returning to Jiangnan where, according to him, he quickly established himself as one of the leading writers of the Shanghai press. In reality, if he did join the editorial staff of the Zhonghua ribao 中華日報 (China Daily News) in the spring of 1937, it was as a junior editor. After the newspaper closed in November 1937, he and other employees moved to Hong Kong, where the editorial staff revived the Nanhua ribao 南華日報 (South China Daily), which became the first press organ of the Peace Movement.

In early 1939, Hu Lancheng wrote an editorial entitled “Zhan nan, he yi bu yi 戰難,和亦不易 (War is difficult but peace is not easy either)”. It brought him to the attention of Chen Bijun, who recommended Hu to Wang Jingwei. In the summer of 1939, Hu returned to Shanghai and worked for the Zhonghua ribao, in which he published about ten articles per month. When the RNG was formed, he was appointed to a government position for the first time in his life, as Vice Minister of Propaganda in charge of general affairs (xuanchuanbu changwu cizhang 宣傳部常務次長). Hu was an outsider in the ministry, which was nicknamed the “Guangdong Regionalist Association” (Guangdong tongxianghui 廣東同鄉會) because of the large number of officials originating from the same province as Minister Lin Baisheng. Lin resented Hu’s favour with Chen Bijun and Wang Jingwei, who made Hu his private secretary.

Although he had access to the “Palace”, Hu was powerless against Lin Baisheng in this Cantonese seraglio. He thus approached the rival faction of Zhou Fohai, who sought to develop his influence in the press, which until then had been dominated by Lin Baisheng. In February 1941, Hu became deputy director and editor-in-chief of the Guomin xinwen 國民新聞 (News of the Nation). Founded in March 1940, this newspaper was originally directly controlled by the Ministry of Propaganda. It had been closed down a few months later, following the assassination, by Chongqing’s hit squads, of its successive editors, Mu Shiying (June 28, 1940) and the Taiwanese Liu Na’ou (September 3, 1940). It was reborn in February 1941 at the instigation of Zhou and Li Shiqun, who took over the directorship. In August 1941, Lin Baisheng replaced Hu at the Ministry of Propaganda with the Cantonese Zhou Huaren.

Hu soon came into conflict with Li Shiqun. While Li Shiqun was away, Hu assumed the title of director of the Guomin xinwen, much to Li’s anger. In October 1942, Hu succeeded Chen Yunwen as head of the Executive Yuan’s Legal Affairs Bureau (xingzhengyuan fazhiju 行政院法制局). Modest in appearance, this office gave him significant power, for it was through it that administrative documents passed before being forwarded to the Yuan president, Wang Jingwei. Zhou Fohai, who could not stand Hu’s bad temper, told Wang that Hu was taking advantage of his position to try to impose his will on the other government bodies, thus preventing the smooth running of the administration. Wang himself became annoyed with Hu and ordered the suppression of the Legal Affairs Bureau.

In November 1943, after Nanjing had just signed the Alliance Treaty with Tokyo, Hu caused one too many incidents. During a debate, he announced: “Japan will lose the Second World War and Mr. Wang’s regime is doomed to disappear”. Afterwards, he had his statement translated by his friend, Embassy Secretary Ikeda Tokui 池田篤紀 (1909-?), who sent the text to Japan, where it was widely circulated. On Wang Jingwei’s orders, Hu was arrested on December 7, 1943. He remained detained for 48 days, despite the efforts of Ikeda, who interceded with his superior Shimizu Tōzō to obtain Hu’s release. Dismissed from all his government positions, Hu returned to Shanghai where he met Zhang Ailing, fourteen years his junior, whom he married at the end of July 1945.

In October 1944, Hu founded the monthly Kuzhu 苦竹 (Bitter Bamboo), before moving to Wuhan a month later with the support of the occupation authorities. In December, he took over the management of the Dachubao 大楚報; a daily newspaper founded in March 1940 by the local branch of the “orthodox” GMD, which he revived with the help of Beijing intellectuals such as Shen Qiwu 沈啟無 (1902-1969), a close associate of Zhou Zuoren. The circulation of Dachubao tripled up to 30,000 copies. In contrast to the official press, which only echoed Nanjing’s propaganda, the Dachubao did not hesitate to cover sensitive subjects and to adopt a nuanced editorial line. The editorial office also published a literary collection which featured Zhang Ailing’s famous short story, Qingcheng zhi lian 傾城之戀 (Love in a Fallen City).

In his memoirs, Hu would claim that on the day of the Japanese surrender, he established, for thirteen days, an independent military government in Wuhan, alongside the collaborationist general Zou Pingfan 鄒平凡 (1905-?). While Zou was indeed tasked by Chongqing with organizing the return of the Nationalist authorities, Hu again played only a minor role. The last issue of Dachubao appeared on August 27. On August 31, Hu shaved his head to look like a wounded Japanese soldier and fled the city. After many adventures, he managed to find refuge in Japan in 1950. Four years later, he married She Aizhen 佘愛珍 (1900-?), widow of Wu Sibao 吳四寶 (1902-1942), who had become a barkeeper in Tokyo.

Invited to teach at the Chinese Culture University (Zhongguo wenhua daxue 中國文化大學) in Taipei in 1974, Hu befriended the writer Chu Hsi-ning 朱西甯 (1927-1998) and tutored his daughters. These in turn became famous novelists, including Chu Tien-wen 朱天文 (1956-), known worldwide for her collaboration with filmmaker Hou Hsiao-hsien 侯孝賢 (1947-). Hu published his Memoirs in 1959, under the title Jin sheng jin shi 今生今世 (One Life, One Time). In it, he reflects at length on his experience in the Wang Jingwei government. Far superior in terms of literature with the wenshi ziliao left by other survivors of the collaboration, this tale mixing the true and the false gives its hero a larger-than-life role.


Biographical Dictionary of Occupied China

A database from ENPChina Project