Natif de Shanghai, Zhao Zhengping suit une formation à l’Académie militaire du Zhejiang (Zhejiang wubei xuetang 浙江武備學堂), avant de poursuivre, en 1905, ses études au Japon, où il intègre le département de sciences politiques de l’Université de Waseda 早稲田大学 et adhère à la Ligue jurée (tongmenghui 同盟會). Après avoir servi comme chef d’état-major chargé de l’intendance (bingzhan zongjianbu canmouzhang 兵站總監部參謀長) sous le Gouvernement provisoire de Nankin en 1912, il s’exile à la suite de l’échec de la seconde révolution l’année suivante, prenant la direction de l’École chinoise (Zhonghua xuexiao 中華學校) de Batavia (Indes orientales). En 1918, il participe à la réouverture de l’Université Jinan (guoli jinan xuexiao 國立暨南學校) à Shanghai, dont il prend la direction. Fort de son expérience indonésienne, il y favorise le retour de la jeunesse issue de la diaspora chinoise à qui est destiné cet établissement. En 1926, il devient rédacteur en chef de la revue politique shanghaïenne Taiping daobao 太平導報 (Le Guide de de la grande paix). En août 1928, peu après la prise de Pékin par les troupes nationalistes, Zhao est nommé chef du bureau des Affaires sociales (shehuiju 社會局) au sein du gouvernement municipal de Beiping (Pékin). L’année suivante, il prend la direction du bureau de l’Éducation (jiaoyuju 教育局) à la mairie de Tianjin.
Dans le contexte d’urgence nationale et de recomposition politique qui suit l’invasion de la Mandchourie par les troupes japonaises, Zhao s’implique aux côtés de son ancien camarade de l’académie militaire et principale figure de la Clique des sciences politiques (zhengxuexi 政學系) Huang Fu 黃郛 (1880-1936) dans l’organisation de la Société savante pour construire une nouvelle Chine (Xin Zhongguo jianshe xuehui 新中國建設學會) fondée le 19 juin 1932 à Shanghai. Membre de son comité d’administration, dont il dirige le secrétariat, Zhao se voit confier la rédaction de son principal organe de presse, le mensuel Fuxing yuekan 復興月刊 (Renaissance) lancé en septembre de la même année. Cette organisation se donne pour mission « d’étudier et de développer l’économie nationale en œuvrant pour l’éducation et la culture afin de réaliser l’objectif du président [Sun Yat-sen] visant à bâtir la nouvelle Chine sur le plan de l’économie, de la culture et de la défense nationale » (cité par Song Qinghong 2020, p. 19). Zhao joue un rôle central dans le recrutement de ses membres en recommandant un grand nombre d’entre eux. Parmi les différents groupes de travail formés au sein de la Société, il s’implique en particulier dans le groupe consacré à la réforme du système éducatif ainsi que dans son Comité de documentation (tushu weiyuanhui 圖書委員會) qui collecte plus de 30 000 ouvrages. Avec d’autres membres tels que Huang Yanpei 黃炎培 (1878-1965) et Du Zhongyuan 杜重遠 (1897-1943), il reprend à son compte le discours néoconfucéen sur le rôle des notables. Leur rôle est d’aider au salut de la nation en éduquant la société par le bas, plutôt que de compter sur une solution politique venant du haut. La Société savante pour construire une nouvelle Chine possède sa propre maison d’édition dans laquelle Zhao publie en 1933 un ouvrage intitulé Xingguoji 興國記 (Notes pour l’essor du pays) composé d’essai sur les principaux souverains de l’Antiquité, depuis Yao et Shun jusqu’à l’empereur Wen des Han. Il use également du miroir du passé pour comprendre la crise provoquée par la menace japonaise dans un long essai publié en juillet 1935 dans le Fuxing yuekan qu’il fait paraître sous forme de brochure en août 1939 sous le titre « Mingji he yi wangguo 明季何以亡國 » (Comment les derniers Ming ont-ils perdu la Chine ?).
Dans les premiers jours de la guerre, Zhao participe à la Conférence de Lushan, organisée par le Gouvernement national pour organiser le front uni contre l’envahisseur japonais. Après s’être réfugié un temps à Hong Kong, il se rapproche du camp des collaborateurs par l’intermédiaire de son neveu Zhao Ruheng 趙如珩, qui occupe une charge d’inspecteur dans le ministère de l’Éducation du Gouvernement réformé (weixin zhengfu 維新政府) de Nankin. Pour autant, il n’occupe pas le poste de ministre de l’Éducation au sein de ce dernier, comme on le lit parfois. En août 1938, Zhao participe, aux côtés de Fu Shiyue et plusieurs officiers et intellectuels japonais, au groupe de travail organisé par le Bureau des services spéciaux de l’Armée expéditionnaire de Chine centrale dans le but d’amender la doctrine des Trois principe du peuple de Sun Yat-sen afin de la rendre compatible avec l’Ordre nouveau prôné par l’occupant. Zhao y préconise la formation d’un nouveau parti politique appelé Quanmindang 全民黨 (Parti du peuple tout entier). Si les sources japonaises ne font pas le lien entre le quanmin zhuyi 全民主義 de Zhao et celui de Li Shizeng 李石曾 (1881-1973), il est probable qu’il se soit inspiré de l’œuvre de l’ancien anarchiste devenu l’un des principaux opposants au PCC au sein du GMD. En effet, le concept de quanmin zhuyi est utilisé à la fin des années 1920 par Li donner une interprétation anticommuniste des Trois principes du peuple – et notamment du « bien-être du peuple » (minsheng zhuyi 民生主義). Cette notion traduit celle de « réconciliation des classes » de Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) qui s’oppose à la dictature du prolétariat des marxistes-léninistes. Dans le contexte de l’occupation, le quanmin zhuyi de Zhao se présente comme une alternative aux idéologies panasiatistes et anti-GMD de la Xinminhui 新民會 en Chine du Nord et à l’Association Concordia (Xiehehui 協和會) au Manzhouguo. Ce projet sans doute trop ambitieux n’est pas retenu. Les autorités japonaises lui préfèrent une « Nouvelle doctrine des Trois principes du peuple » mettant l’accent sur le panasiatisme et expurgée de toute trace d’influence communiste. Au début du mois de septembre 1938, Zhao se rend avec Fu Shiyue à Hong Kong pour remettre le fruit de ce travail à Gao Zongwu et Mei Siping, lequel le transmet à Zhou Fohai à Chongqing. C’est ainsi que Zhao est amené à intégrer ce qui va devenir le groupe de Wang Jingwei, après la défection de ce dernier en décembre 1938. Son capital politique au sein de l’État d’occupation repose sur son imposant carnet d’adresse dans le milieu éducatif chinois, qui est l’une des principales cibles de l’entreprise de recrutement mené par le groupe de Wang Jingwei après son arrivée à Shanghai en mai 1939.
Au moment de la formation du Gouvernement national réorganisé le 30 mars 1940, Zhao est désigné ministre de l’Éducation (jiaoyubuzhang 教育部長). Il occupe parallèlement d’autres fonctions comme celle de directeur de la Bibliothèque nationale (guoli zhongyang tushuguan 國立中央圖書館). Zhao se trouve rapidement l’otage des querelles de factions dont son ministère est l’un des théâtres. L’objet du conflit est la répartition des postes de seconds que se disputent la clique CC de Zhou Fohai et la clique du Palais (gongguanpai 公館派) autour de Wang Jingwei. Membre de la première et responsable du recrutement des intellectuels, Ding Mocun recourt aux menaces physiques pour imposer ses candidats tels Dai Yingfu. Durant son mandat comme ministre de l’Éducation, Zhao fait adopter, le 26 novembre 1940, une hausse de la bourse offerte aux étudiants chinois séjournant au Japon. Il contribue également à la mobilisation de la jeunesse en faveur du nouveau régime en rétablissant, au printemps 1941, les Boy-scouts (tongzijun 童子軍) afin, dit-il, d’aider les écoliers à “développer leur personnalité” et pour “encourager les bonnes habitudes” (cité dans Taylor 2021, p. 22-23). Dans les faits, cette organisation est surtout utilisée pour faciliter l’organisation de manifestations à la gloire de Wang Jingwei. Fin mars 1941, Zhao intègre le Comité de pacification rurale (qingxiang weiyuanhui 清鄉委員會) qui doit, sous la houlette de Li Shiqun, étendre cette mobilisation aux campagnes du Jiangnan.
Lors du remaniement d’août 1941, Zhao est remplacé au ministère de l’Éducation par un proche de Wang Jingwei, Li Shengwu. Il doit notamment sa disgrâce à l’antipathie que développe Chen Bijun à son égard. Il prend alors la tête de l’Université nationale de Shanghai (guoli Shanghai daxue 國立上海大學) créée en septembre 1942 à partir d’une école d’agronomie établie à la demande des Japonais sur le terrain de l’Université Fudan 復旦大學. L’Université de Shanghai est à moitié gérée par les Japonais, qui refusent de la baptiser Université Sun Yat-sen (Zhongshan daxue 中山大學), comme le demandait Wang Jingwei, en violation de la loi de 1928 interdisant l’usage de cette appellation omniprésente pour les institutions n’ayant pas été fondées par le “père de la nation” en personne. L’ambassade du Japon fait don à l’établissement des ouvrages confisqués par les troupes d’occupation dans le Jiangnan. Les circonstances dans lesquelles Zheng meurt varient selon les sources. Il se serait suicidé peu après la défaite du Japon ou serait mort de maladie dans une cachette à Ningbo.
Sources : Xu Youchun 2007, p. 2268 ; Yan Youwen 1993 ; Zhou Chuan 2012, p. 455 ; Guoli Shanghai daxue 1943, p. 1 ; Wikipedia ; Baidu (Fuxing yuekan) ; AH 118- 010100-0039-058 ; Paulès 2020, p. 158 ; Liu Jie 1995, p. 332-341 ; Miyoshi 2006, p. 38 ; Taylor 2021, p. 22-23 ; Martin 2001, p. 59 ; Song Qinghong 2020 ; Xiao-Planes 2010b, p. 334 ; Wang Jizhou 2020, p. 127-138 ; Liu Jie 1995, p. 332-341 ; Tsui 2018, p. 50-51.