Originaire du Sichuan, mais né à Canton, Li Jingwu est le fils aîné de Li Zhun 李準 (1871-1936), commandant de la marine du Guangdong (shuishi tidu 水師提督) et commandant en chef de la milice locale (xunfangying zongling 巡防營總領), qui réprime les nationalistes anti-mandchous et manque d’être assassiné à la veille de la Révolution de 1911, avant de finalement rallier les insurgés. Ironie de l’histoire, il a engagé quelques années plus tôt, comme précepteur pour ses enfants, un jeune homme de dix-sept ans, qui vient de se distinguer comme l’un des meilleurs élèves de la région et tentera bientôt d’assassiner le prince régent : Wang Jingwei.
Les liens entre Li Jingwu et Wang remontent donc à son enfance. Étudiant brillant, Li séjourne en Allemagne et au Japon. En 1931, il devient recteur de l’École supérieure des officiers de police (jingguan gaodeng xuexiao 警官高等學校) de Beiping (Pékin), dont il cherche à élargir le recrutement à la Chine méridionale et aux femmes. À la demande du ministère de l’Intérieur (neizhengbu 內政部), il organise le déménagement de l’École de police à Nankin en 1934, contre la volonté de Zhang Xueliang, qui tente de le faire assassiner à Shanghai. Un an plus tard, Wang Jingwei, alors président du Yuan exécutif (xingzhengyuan 行政院), le fait nommer au ministère des Chemins de fer (tiedaobu 鐵道部).
En 1938, Li obtient un poste dans le ministère des Finances du Gouvernement provisoire (linshi zhengfu 臨時政府) sous la direction de Wang Shijing. En 1939, Li Jingwu et Jiao Ying aident les émissaires de Wang Jingwei, Zhou Huaren et Chen Yunwen, à recruter dans le Nord des députés pour le 6e congrès du GMD “orthodoxe”. Li Jingwu est un intermédiaire précieux pour Wang Jingwei dans ses relations mouvementées avec les collaborateurs de Chine du Nord. Lorsque Wang décide, début 1940, de se débarrasser de Wang Kemin, il demande à Li d’approcher Wang Yitang pour lui proposer la présidence du Yuan d’examen (kaoshiyuan 考試院) et celle du Conseil des affaires politiques de Chine du Nord (huabei zhengwu weiyuanhui 華北政務委員會).
De son côté, Li est désigné vice-ministre chargé des affaires courantes du ministère du Personnel (quanxubu changwu cizhang 銓敘部常務次長). Il séjourne fréquemment à Pékin afin d’y superviser l’évaluation des fonctionnaires et pour surveiller Wang Yitang. L’absentéisme de ce dernier à Nankin pousse Wang Jingwei à le remplacer par Jiang Kanghu, qui le supplée au Yuan d’examen en sus de sa charge de ministre du Personnel. Li est une nouvelle fois à la manœuvre pour obtenir que Wang Yitang démissionne en douceur. Il quitte ses fonctions au ministère du Personnel en mai 1942 et les postes qu’il occupait au sein du Conseil des affaires politiques de Pékin. Il s’installe alors à Shanghai et se fait appeler Li Zailu 李再盧.
Après la guerre, cet athée convaincu trouve à se loger dans un monastère bouddhique. À l’arrivée des troupes communistes à Shanghai en 1949, il se fait passer pour un membre du Parti national-socialiste (guojia shehui dang 國家社會黨) et convainc les nouveaux maîtres des lieux de transformer le monastère en cellule du parti afin de le protéger. Craignant toutefois que sa véritable identité ne soit découverte, Li part pour Pékin, avant de s’enfuir à Hong Kong. De manière assez étrange, il réapparaît à Taiwan, où les autorités nationalistes ne semblent pas lui tenir rigueur de son passé de « traître », puisqu’il occupe un poste de professeur à l’Université Wenhua (certes privée), tout comme Hu Lancheng ; autre collaborateur proche de Wang Jingwei. De même que son père avant lui, Li consacre les dernières années de son existence à mener une vie de lettré raffiné, excellant dans la calligraphie. Il a laissé un témoignage oral publié en 2014 sous le titre Qingmo Minchu guanchang suoji 清末民初官場瑣記 (Notes éparses sur les milieux officiels à la fin des Qing et au début de la République).
Sources : Li Jingwu 2014 ; 3/12/16 ; Gao Baishi 2002, p. 227-233 ; Su Tongbing 1996, p. 239 ; MZN, p. 1050 ; KG, n°15, p. 33.
Born in Sichuan but raised in Canton, Li Jingwu was the eldest son of Li Zhun 李準 (1871-1936), commander of the Guangdong navy (Shuishi tidu 水師提督) and commander-in-chief of the local militia (Xunfangying zongling 巡防營總領). Li Zhun suppressed anti-Manchu nationalists and narrowly escaped assassination on the eve of the 1911 Revolution before eventually joining the insurgents. Ironically, a few years earlier, he had hired a seventeen-year-old young man as a tutor for his children, who had just distinguished himself as one of the best students in the region and would soon attempt to assassinate the Prince Regent: Wang Jingwei.
The ties between Li Jingwu and Wang thus date back to his childhood. A brilliant student himself, Li studied in Germany and Japan. In 1931, he became the president of the High Police Officials School (Jingguan gaodeng xuexiao 警官高等學校) in Beiping (Beijing), where he sought to expand recruitment to southern China and women. At the request of the Ministry of the Interior (Neizhengbu 內政部), he organized the relocation of the Police School to Nanjing in 1934, against the wishes of Zhang Xueliang, who attempted to have him assassinated in Shanghai. A year later, Wang Jingwei, then president of the Executive Yuan (Xingzhengyuan 行政院), appointed him to the Ministry of Railways (Tiedaobu 鐵道部).
In 1938, Li obtained a position in the Ministry of Finance of the Provisional Government (Linshi zhengfu 臨時政府) under the leadership of Wang Shijing. In 1939, Li Jingwu and Jiao Ying assisted Wang Jingwei‘s envoys, Zhou Huaren and Chen Yunwen, in recruiting deputies from the North for the 6th Congress of the “orthodox” KMT. Li Jingwu was a valuable intermediary for Wang Jingwei in his turbulent relations with the collaborators in North China. When Wang decided, in early 1940, to get rid of Wang Kemin, he asked Li to approach Wang Yitang to offer him the presidency of the Examination Yuan (Kaoshiyuan 考試院) and that of the North China Political Affairs Council (Huabei zhengwu weiyuanhui 華北政務委員會).
For his part, Li was appointed vice-minister in charge of current affairs in the Ministry of Personnel (Quanxubu changwu cizhang 銓敘部常務次長). He frequently stayed in Beijing to supervise the evaluation of officials and to monitor Wang Yitang. The latter’s absenteeism in Nanjing prompted Wang Jingwei to replace him with Jiang Kanghu, who deputized for him at the Examination Yuan in addition to his position as Minister of Personnel. Li was again instrumental in ensuring that Wang Yitang resigned smoothly. He left his posts at the Ministry of Personnel in May 1942 and the positions he held within the Beijing Political Affairs Council. He then settled in Shanghai and called himself Li Zailu 李再盧.
After the war, this convinced atheist found lodging in a Buddhist monastery. When Communist troops arrived in Shanghai in 1949, he posed as a member of the National Socialist Party (Guojia shehui dang 國家社會黨) and convinced the new authorities to transform the monastery into a party cell to protect it. Fearing, however, that his true identity would be discovered, Li left for Beijing before fleeing to Hong Kong. Rather strangely, he reappeared in Taiwan, where the Nationalist authorities did not seem to hold his past as a “traitor” against him, as he held a professorship at Wenhua University (a private institution), just like Hu Lancheng, another collaborator closely connected to Wang Jingwei. Like his father before him, Li devoted his last years to leading the life of a refined scholar, excelling in calligraphy. He left an oral testimony published in 2014 under the title Qingmo Minchu guanchang suoji 清末民初官場瑣記 (Miscellaneous Notes on Official Circles at the End of the Qing and the Beginning of the Republic).