Spécialiste de la Chine au ministère des Affaires étrangères (gaimushō 外務省), Shimizu Tōzō est considéré comme le plus fin connaisseur de la culture chinoise parmi ses collègues diplomates, qui admirent sa maîtrise de la langue et ses talents de calligraphe. Diplômé du Tōa dōbun shoin 東亜同文書院 (Institut de la culture commune est-asiatique) en 1915, il demeure à Shanghai où il travaille pour une entreprise japonaise, sert brièvement dans l’armée entre 1917 et 1919, avant d’enseigner dans son alma mater. Shimizu fréquente alors le salon littéraire de la librairie d’Uchiyama Kanzō 内山完造 (1885-1959), aux côtés d’intellectuels chinois issus du Mouvement du 4-Mai. Il publie plusieurs essais sur la Chine, critiquant la répression par Jiang Jieshi des factions réformistes au sein du GMD, tout en invitant son pays à revoir sa diplomatie à l’égard de son voisin. Il prône le respect des aspirations nationalistes chinoises en saluant le rôle unificateur du GMD.
En 1929, il rentre au Japon pour intégrer le Gaimushō en qualité de conseiller (shokutaku 嘱託) au bureau des Affaires commerciales (tsūshō-kyoku 通商局). Il travaille comme interprète pour l’Armée de terre au début de l’année 1932, avant de retrouver le Gaimushō. Il retourne en Chine en juin 1934 comme secrétaire-interprète de 1ère classe (ittō tsūyakukan 一等通訳官) à la légation japonaise de Pékin, puis à Nankin après l’établissement de l’ambassade en juin 1936. En septembre 1937, il est promu Troisième secrétaire (santō shokikan 三等書記官), avant d’être muté au consulat de Shanghai en mars 1938. Le consul général à Hong Kong, Nakamura Toyoichi 中村豊一 (1895-1971), lui présente à cette époque Li Shiqun, qui cherche alors à vendre ses talents d’espion à l’occupant japonais. En lui confiant une mission de renseignement, Shimizu met ainsi le pied à l’étrier à celui qui devait s’imposer quelques mois plus tard comme l’un des principaux hommes forts de l’État d’occupation.
En mai 1939, Shimizu est détaché au bureau de liaison en Chine centrale (Chūka renrakubu 中華連絡部) du Kōa-in 興亜院, nouvel organisme devant centraliser l’administration de la zone occupée au profit de l’Armée de terre et au détriment du Gaimushō. C’est à ce poste que Shimizu est choisi pour intégrer l’Agence de la prune (ume kikan 梅機関) formée par Kagesa Sadaaki afin de piloter la mise en place du gouvernement collaborateur de Nankin après l’arrivée du groupe de Wang Jingwei à Shanghai. Rencontrant presque quotidiennement Zhou Fohai au début de l’année 1940, Shimizu est ainsi l’un des principaux acteurs japonais de la formation du Gouvernement national réorganisé inauguré le 30 mars 1940. En mai, il est nommé Deuxième secrétaire à l’ambassade japonaise de Nankin et officie systématiquement comme interprète lors des entretiens entre des personnalités japonaises et Wang Jingwei. Il dirige par ailleurs le Bureau de la culture (bunkakyoku 文化局) de la branche locale du Kōa-in, s’investissant dans la refonte des programmes scolaires afin d’aider au rapprochement sino-japonais. Son expertise en matière d’art chinois lui vaut également de siéger au Comité pour la préservation du patrimoine culturel du gouvernement de Nankin. Proche de Shigemitsu Mamoru, ambassadeur à Nankin de janvier 1942 à avril 1943, il demeure l’une de ses principales antennes en Chine après sa nomination comme ministre des Affaires étrangères.
Après la guerre, Shimizu enseigne dans un institut de recherche, avant de poursuivre sa carrière diplomatique qui le conduit jusqu’au poste de chargé d’affaire (kōshi 公使) à l’Ambassade du Japon à Taiwan en 1956. Par ailleurs, il s’investit dans les cercles issus du Tōa dōbun shoin, dont il dirige à la fin des années 1950 l’amicale des anciens élèves – l’Association des amis de Shanghai (Koyūkai 滬友会) – qui constitue alors l’un des trois prolongements après-guerre de l’Association pour la culture commune d’Asie orientale (Tōadōbunkai 東亜同文会), avec la Kazankai 霞山会 (voir Tajiri Akiyoshi) et l’Université d’Aichi 愛知大学. Shimizu joue, par ailleurs, un rôle moteur aux côtés d’Iwai Eiichi et de Yazaki Kanjū dans la création, en juin 1959, de l’Association de bon voisinage (zenrin yūgi-kai 善隣友誼会) destinée à venir en aide aux anciens collaborateurs chinois réfugiés au Japon sans moyen de subsistance et se trouvant “dans une situation d’extrême pauvreté en raison de la maladie ou autre“. Parmi les anciens fonctionnaires pro-japonais de l’ancien gouvernement central de Nankin, seuls sont concernés les dirigeants “à partir du rang de chef de bureau [juzhang 局長], de grade jianren [簡任官, c’est-à-dire désignés par le président du Yuan exécutif] ou supérieur pour les fonctionnaires civil et de grade de général [jiangguan 將官] pour les militaires“. En ce qui concerne l’administration locales, sont concernés les fonctionnaires “à partir du rang de chef de bureau [tingzhang 廳長] ainsi que les magistrats de district [xianzhang 縣長]”. Si l’association dénombre 86 personnes susceptibles d’être concernées par cette aide, son versement n’est attesté que dans le cas de 24 anciens collaborateurs, parmi lesquels Zhao Yusong, Yin Minhui 殷民惠 (veuve de Yin Rugeng) ou encore l’éphémère vice-ministre des Travaux publics du gouvernement de Nankin, Wang Jiajun 王家俊 (1898- ?).
Son frère aîné, Shimizu Toshi 清水登之 (1887-1945), s’est fait connaître comme “peintre de guerre” (jūgun gaka 従軍画家) à partir de 1932. Il est notamment l’auteur d’une toile intitulée Ō shuseki to Chūgoku sansen 汪主席と中国参戦 (Le Président Wang et la participation de la Chine à la guerre, 1944) qui dépeint un Wang Jingwei martial inspectant les troupes en compagnie d’officiers nippons.
Sources : NKJRJ, p. 266 ; NJDJ ; Brooks 2000, p. 59, 151, 229 ; Kato 2013, p. 89-90 ; ZR, p. 223 et passim ; WKS, p. 96, 308 ; ZKD, p. 629 ; Martin 2001, p. 97 ; Cao Bihong et al. 2015, p. 59 ; Wikipedia (Shimizu Toshi) ; Hotta Yukihiro 2016 ; Seki 2019, p. 470-474 ; MZN, p. 1092.