Camarade de promotion de Kagesa Sadaaki à l’École d’officiers de l’armée de terre (rikugun shikan gakkō 陸軍士官学校) en 1914, Wachi Takaji suit, comme ce dernier, le parcours classique des Shinatsū 支那通 (spécialistes de la Chine). Sorti diplômé de l’École supérieure de guerre (rikugun daigakkō 陸軍大学校) en 1922, il sert au sein de la Section Chine (Shina-ka 支那課) de l’État-major central (sanbō honbu 参謀本部) entre 1924 et 1927. En octobre 1928, il est nommé attaché militaire (chūzai bukan 駐在武官) à Jinan, quelques mois après l'”Incident de Jinan” (Sainan jiken 済南事件). Promu commandant (shōsa 少佐) en 1929, il sert comme officier d’état-major en Mandchourie où il convoie, avec Doihara Kenji, des fonds destinés au complot du 18 septembre 1931, qui sert de prétexte à l’invasion japonaise. Wachi retrouve ensuite un poste d’attaché militaire à Canton (1932-34), où il devient proche des seigneurs de la guerre Li Zongren 李宗仁 (1890-1969) et Bai Chongxi 白崇禧 (1893-1966), principaux dirigeants de la clique du Guangxi, hostile à Jiang Jieshi. Wachi tente déjà à cette époque d’utiliser Li et Bai pour affaiblir le Gouvernement national, aidé par son interprète Xia Wenyun 夏文運 (1906-1978), qui est proche d’un cousin de Bai. En août 1936, il est muté à l’état-major de la Garnison de Tianjin (Shina chūtongun 支那駐屯軍). À la veille de la guerre, il se rend à Tokyo pour plaider en faveur de la manière forte qui devrait, selon lui, permettre d’obtenir une reddition rapide de Nankin.
Promu colonel (taisa 大佐) en août 1937, Wachi participe à la Bataille de Shanghai à la tête du 44e régiment d’infanterie (hohei dai 44 rentai 歩兵第44連隊). Après un bref passage dans les services spéciaux de l’Armée de Taiwan (Taiwangun 台湾軍) en mars 1938, il est nommé en juin à la tête de l’ Agence de l’orchidée (ran kikan 蘭機関) qui a pour mission de déstabiliser Chongqing en recrutant les anciens chefs de la clique du Guangxi. Bastion hostile au pouvoir central de Jiang Jieshi tout au long de la « décennie de Nankin », le Sud-ouest apparaît comme le lieu idéal pour susciter des dissidences afin d’affaiblir le gouvernement chinois, dont l’autorité dans la région dépend de l’alliance récente et fragile passée avec les militaires locaux. Avant même la prise de Canton, le 23 octobre 1938, Wachi Takaji et son Agence de l’orchidée cherchent en vain à former un gouvernement dirigé par Li Jishen 李濟深 (1885-1959), tout en prévoyant de mettre sur pied un mouvement indépendantiste centré sur Chen Mingshu 陳銘樞 (1889-1965), l’un comme l’autre impliqués dans le Gouvernement populaire révolutionnaire du Fujian (renmin geming zhengfu 人民革命政府) écrasé Jiang Jieshi par en 1934. Une fois encore, Wachi est aidé par son interprète et ami Xia Wenyun, qui le fait profiter de ses liens dans les milieux dirigeants chinois, organisant plus d’une centaine de réunions entre des émissaires chinois et japonais. Xia affirme avoir fourni aux services secrets nationalistes de nombreux renseignements concernant les activités de Wachi, ce que semble attester la protection personnelle de Li Zongren dont Xia bénéficie après-guerre.
Wachi s’efforce, parallèlement, de négocier directement avec Chongqing, au travers de ce qui est souvent nommé le “canal He Yingqin“, car c’est à ce dernier que Jiang Jieshi confie la supervision directe des tractations qui prennent place à Hong Kong. Jiang s’y fait représenter par le général Xiao Zhenying 蕭振瀛 (1890-1947), ancien maire de Xi’an et de Tianjin, choisi en raison de ses liens d’amitié anciens avec Wachi. Ayant reçu pour consigne d’exiger le respect de la souveraineté chinoise selon les limites prévalant avant la guerre comme préalable à tout engagement du régime nationaliste dans des négociations de paix, Xiao rejette les termes exigés par Wachi. Il reçoit néanmoins de Jiang l’ordre de maintenir ouvert ce canal prometteur. En effet, le généralissime entend user d’une ambiguïté stratégique vis-à-vis du gouvernement japonais, qu’il sait pressé de trouver une solution rapide à l’aventure chinoise. Suivant de près les discussions qui reprennent à la fin du mois de septembre 1938, Jiang donne un certain nombre de directives à Xiao Zhenying : ne pas faire de concessions à Wachi, rester en contact quotidien avec Chongqing, garder son sang-froid et donner l’impression que la Chine n’attache pas une grande importance à ces négociations, et, surtout, ne rien mettre par écrit. Début octobre, Jiang fait rédiger l’ébauche d’une déclaration de paix (heping xuanyan 和平宣言), ainsi qu’un accord de cessez-le-feu (tingzhan xieding 停戰協定). Annotés de sa main, ces documents prévoient notamment que le Japon pourra conserver ses privilèges en Mandchourie s’il reconnaît la souveraineté de la Chine sur ce territoire. Après un court séjour à Tokyo pour consulter ses supérieurs, Wachi affirme à Xiao Zhenying que le premier ministre Konoe Fumimaro et son ministre de l’Armée Itagaki Seishirō ne doutent pas de la sincérité de Jiang Jieshi et qu’ils sont désireux de revenir sur la déclaration du 16 janvier 1938 par laquelle Konoe avait mis fin à toute future négociation avec le GMD et exprimé le vœu de voir l’établissement d’un nouveau gouvernement central chinois. Jiang arrête la date du 30 octobre 1938 comme ultimatum au-delà duquel la Chine refusera de négocier. Le 19 octobre, Xiao rapporte à Hankou le texte auquel ont abouti les discussions avec Wachi. Après être allé chercher de nouveau ses ordres à Tokyo, ce dernier demande, le 28 octobre, que He Yingqin se rende immédiatement à Fuzhou pour signer un accord. Mais le 30 octobre, Jiang ordonne à Xiao, par l’intermédiaire de He Yingqin, de mettre fin aux discussions et de rentrer à Chongqing.
Ces échecs successifs affaiblissent la position de Wachi, dont le tempérament et les capacités sont unanimement jugés impropres au renseignement. Un rapport des services secrets américains après-guerre notera que « the few successes achieved on a working level by the Ran kikan were primarily due to subordinates and in spite of Wachi. Nevertheless, Wachi was highly thought of by Imperial GHQ. He operated far and wide with very little assistance, but if he had achieved any successes, all of Shanghai and Nanjing would have heard about it from him, so it is very doubtful if he did not get very far in his political objectives ». Sa rivalité avec Imai Takeo, dont l’opération visant Wang Jingwei finit, elle, par aboutir, conduit Wachi à révéler à la presse shanghaienne l’existence de négociations secrètes avec Chongqing à la veille de l’inauguration du Gouvernement national réorganisé en mars 1940, suscitant un grand embarras à Nankin.
Élevé au rang de général de brigade (shōshō 少将) en mars 1940, Wachi Takaji prend la direction de l’état-major de l’Armée de Taiwan un an plus tard, parallèlement à celle de son bureau de recherche (Taiwangun kenkyūbu 台湾軍研究部). À ce poste, il intensifie la mobilisation des Taïwanais pour suppléer, notamment comme interprètes, les armées d’occupation japonaises en Chine méridionale et, à partir de décembre 1941, en Asie du Sud-Est, notamment aux Philippines. Fait général de division (chūjō 中将) en juin 1943, Wachi devient vice-chef d’état-major de l’Armée expéditionnaire du Sud (nanpō gun sōsanbō fukuchō 南方軍総参謀副長) en mars 1944, avant d’être nommé à la tête de la Police militaire en Chine (Chūgoku kenpeitai shireikan 中国憲兵隊司令官) à la veille de la capitulation japonaise.
Arrêté en janvier 1946, Wachi est condamné en avril 1948 à six ans de travaux forcés pour son rôle dans l’Affaire du Tachibana (Tachibana maru jiken 橘丸事件), navire médical utilisé en 1945 pour convoyer des armes et des soldats en violation du droit international. Il est libéré en août 1950. En octobre 1953, Wachi s’associe avec Okamura Yasuji et Huang Nanpeng 黃南鵬 (1902-?), un ancien commandant de la police militaire (xianbing siling 憲兵司令) sous le Gouvernement provisoire (linshi zhengfu 臨時政府) de Pékin, pour mettre en place une Association pour la renaissance des Chinois résidant au Japon (zainichi Chūgokujin kōseikai 在日中国人更生会) avec le soutien financier de “personnes influentes des milieux politiques et économiques qui entretenaient auparavant des liens amicaux avec le continent“. Cette organisation qui entend s’appuyer sur les anciens collaborateurs réfugiés au Japon pour développer le commerce avec la Chine continentale afin de régler le “problème communiste” ne tarde pas à être dissoute en raison d’un différend financier entre ses dirigeants.
Sourcres : NRSJ, p. 172-173 ; NJDJ ; Guo Ting 2016, p. 141-158 ; Yang Tianshi 2008, p. 254-268 ; HSN, p. 157 ; CIA, « Wachi Takaji » ; Weland 1994, p. 456 ; Boyle 1972, p. 291 ; Tobe 1999 ; Shirane 2014, p. 218 ; Seki 2019, p. 462, 576.