Ishiwara Kanji

石原莞爾

18891949

Lieu d'origine

Yamagata 山形県

Province d'origine

Tōhoku 東北地方

Diplômé de l’École d’officiers de l’armée de terre (rikugun shikan gakkō 陸軍士官学校) en 1910 et de l’École supérieure de guerre (rikugun daigakkō 陸軍大学校) en 1918, Ishiwara (parfois lu Ishihara) se distingue par son intelligence supérieure qui fera de lui le stratège japonais le plus original de son temps. Après un séjour en Allemagne, il développe le concept de « guerre finale » (saishū sensō-ron 最終戦争論) que devra livrer l’Asie, dirigée par le Japon, contre l’Occident et qu’il appuie, par la suite, sur l’eschatologie bouddhiste de Nichiren 日蓮 (1222-1282). Cette vision de l’avenir le conduit à se faire le promoteur de l’expansionnisme japonais en Mandchourie (il est l’un des cerveaux de l’”Incident de Mukden” avec Itagaki Seishirō) et, plus tard, à s’opposer à la guerre contre la Chine, dont il veut faire une alliée. Alors qu’il préconisait en 1931 l’installation d’un gouvernement favorable au Japon à Nankin, Ishiwara tente ainsi d’éviter, en 1937, que l’échauffourée du 7 juillet ne dégénère en conflit à grande échelle. Il dirige alors de fait l’Armée de terre en tant que chef du 1er Bureau de l’état-major général (sanbōhonbu dai ichi bu 参謀本部第1部), chargé des opérations car le vice-chef d’état-major Imai Kiyoshi 今井清 (1882-1938), dont c’est en principe le rôle, est souffrant. Au lendemain de l’Incident du Pont Marco-Polo, il obtient des principaux cadres de l’état-major et du chef d’état-major, le prince Kan’in-no-miya Kotohito 閑院宮載仁 (1865-1945), que le conflit soit circonscrit dans l’espace et dans le temps.

Il convient, explique-t-il, de se « concentrer sur la construction de l’État de Mandchourie et sur l’achèvement de nos préparatifs militaires vis-à-vis de l’Union soviétique […]. Il serait inconcevable que ce projet soit réduit en miettes à cause des ambitions de certains en Chine » (cité dans Kasahara 2024, p. 62). À rebours du discours dominant selon lequel la Chine serait incapable de se muer en un État-nation, il affirme que « La Chine d’aujourd’hui n’est plus la Chine d’hier. La révolution qu’a conduite le Parti nationaliste a mûri. Le pays est maintenant gouverné par un État unifié et la population chinoise possède une conscience nationale. Une guerre totale entre le Japon et la Chine prendrait la forme d’une guerre d’usure dispersée sur un immense territoire que le Japon ne pourrait jamais soumettre par sa seule force » (ibid.). Cette position est toutefois loin de faire l’unanimité au sein de l’Armée de terre, notamment parmi les officiers de rangs intermédiaires qui sont convaincus que la position du Japon contre l’ennemi soviétique sortirait renforcée d’une victoire-éclair contre la Chine. La fronde contre Ishiwara est notamment menée par son subalterne direct, le colonel Mutō Akira 武藤章 (1898-1948), qui se réclame de l’insubordination d’Ishiwara en 1931 pour justifier son refus d’obéir. Ainsi, Ishiwara ne peut empêcher l’envoi de renforts à Pékin, pas plus que l’expansion en août du conflit dans la vallée du Yangzi sous l’impulsion de la Marine. Ses efforts pour éviter une escalade en Chine l’amène, le 13 juillet 1937, à rencontrer en secret le diplomate Ishii Itarō avec lequel il tente de rétablir un canal de communication avec le gouvernement chinois en envoyant Funatsu Tatsuichirō rencontrer Gao Zongwu début août. En septembre 1937, alors que les partisans d’une intensification du conflit l’emportent avec l’envoi de troupes pour renforcer le Corps expéditionnaire de Shanghai, Ishiwara est muté le 28 septembre à l’Armée du Guandong (Kantō-gun 関東軍) comme vice-chef d’état-major.

À son retour au Manzhouguo, Ishiwara retrouve l’Association Concordia (xiehehui 協和會) phagocytée par l’appareil militaro-bureaucratique, qui en a fait un instrument de la politique de domination nippone incarnée par des hommes comme Tōjō Hideki 東條英機 (1884-1948). Ishiwara éprouve un profond mépris pour ce dernier, dont il devient l’adjoint. Il défend alors un abandon de cette politique de « guidage interne » (naimen shidō 内面指導), c’est-à-dire l’ingérence de l’armée japonaise, afin de faire du Manzhouguo un exemple d’égalité entre les peuples asiatiques censé convaincre la population chinoise des bonnes intentions du Japon. Ce discours provoque la consternation des officiers de l’Armée du Guandong et vaut à Ishiwara de rentrer prématurément au Japon à la fin de l’année 1938. Il développe alors l’idée d’une Ligue d’Asie orientale (tōa renmei 東亜連盟) devant succéder à l’Association Concordia. D’abord conçue comme un moyen de diffuser l'”Ordre nouveau” (shin chitsujo 新秩序) du premier ministre Konoe Fumimaro en novembre 1938, cette Ligue est, par la suite, conçue pour servir de matrice à l’union des peuples asiatiques en vue de la « guerre mondiale finale ». En octobre 1939, Ishiwara inspire la fondation à Tokyo de l’Association pour la Ligue d’Asie orientale (tōa renmei kyōkai). Au bout de quelques mois, celle-ci est déjà implantée dans une vingtaine de préfectures et revendique 100 000 membres à son apogée en 1941.

Dans le même temps, elle se développe en Chine sous l’impulsion de son vieil ami Itagaki Seishirō et de son disciple Tsuji Masanobu. En avril 1940, l’Association tente de renforcer la discipline morale dans les rangs de l’armée d’occupation, en invitant les soldats à favoriser la coopération sino-japonaise. Elle cherche également à impliquer les collaborateurs chinois en leur confiant la direction de succursales locales de la Ligue. Une branche est ouverte à Pékin par Miao Bin en mai 1940, puis à Canton en septembre. En février 1941, Wang Jingwei prend la direction de l’Association générale chinoise de la Ligue d’Asie orientale (Dongya lianmeng Zhongguo zonghui 東亞聯盟中國總會). S’il n’est pas dupe de l’utilisation que compte en faire les autorités japonaises, Wang entend profiter de cette organisation pour imposer son GMD « orthodoxe » comme la principale force politique de l’État d’occupation. Il y parvient en Chine centrale mais échoue en Chine du Nord. À Tokyo, cependant, Tōjō met tout en œuvre pour limiter le pouvoir de nuisance d’Ishiwara et de sa Ligue. D’abord favorable à cette dernière, le cabinet Konoe cède aux pressions du ministre de l’Armée. Il prend clairement position contre la Ligue, le 14 janvier 1941, en affirmant qu’elle représente une menace pour l’autorité impériale.

Déclarée illégale, l’organisation d’Ishiwara voit toutes ses activités dans l’archipel être absorbées par l’Association de soutien au Trône (Taisei yokusankai 大政翼賛会). Sur le continent, ses branches locales fusionnent au sein de l’Alliance pour l’essor de l’Asie (Kōa dōmei 興亜同盟) ; une organisation destinée à remplacer la Ligue. Cette décision constitue un camouflet pour les collaborateurs comme Wang Jingwei qui venaient juste de s’investir personnellement dans le lancement de la Ligue en Chine. Ishiwara répond à ces attaques par la surenchère. Dans un discours prononcé à l’Université impériale de Kyōto la même année, il va jusqu’à déclarer que « l’ennemi n’est pas le peuple chinois mais certains Japonais. C’est en particulier Tōjō Hideki et Umezu Yoshijirō [梅津美治郎 (1882-1949)] qui, armés et poursuivant leur propre ambition, sont les ennemis du Japon. En perturbant la paix, ils se font les ennemis du monde. Ils devraient être arrêtés et exécutés » (cité dans Peattie 1975, p. 330). En raison du poids qu’il continue à avoir dans l’armée, et qui fait craindre une réaction de ses nombreux disciples, Ishiwara ne fait pas l’objet de mesures disciplinaires. Il est tout de même mis à la retraite de force, le 1er mars 1941. Les craintes de Tōjō, qui fait placer Ishiwara sous la surveillance de la police militaire, ne se matérialisent pas. Ce dernier se fait discret jusqu’à la fin de la guerre.

Son opposition à Tōjō lui vaut d’échapper à toute inculpation lors du Procès de Tokyo (1946-1948), contrairement à Itagaki Seishirō. Prônant désormais un pacifisme intégral, Ishiwara déclare que le Japon « doit prendre l’attitude du Christ portant la croix jusqu’au lieu de son exécution » et renoncer à combattre la culture occidentale. Visionnaire et mégalomane jusqu’au bout, Ishiwara soumet, à la veille de sa mort, un vaste plan de réorganisation du Japon au général MacArthur.

Sources : Peattie 1975 ; Kasahara 2024, p. 61-62 ; Esmein 1983, p. 105, 331 ; Birolli 2012, p. 233-234.

Pour citer cette biographie : David Serfass, "Ishiwara Kanji  石原莞爾 (1889-1949)", Dictionnaire biographique de la Chine occupée, URL : https://bdoc.enpchina.eu/bios/ishiwara-kanji/, dernière mise à jour le 11 avril 2024. 

English (automatic translation)

Graduating from the Imperial Japanese Army Academy (rikugun shikan gakkō 陸軍士官学校) in 1910 and the Army War College (rikugun daigakkō 陸軍大学校) in 1918, Ishiwara Kanji distinguished himself with his superior intelligence, which made him the most original Japanese strategist of his time. After a period in Germany, he developed the “Final War Theory” (saishū sensō-ron 最終戦争論) according to which Asia, led by Japan, would need to fight against the West, a concept he later supported with the eschatological Buddhist teachings of Nichiren 日蓮 (1222-1282). This vision of the future led him to become a proponent of Japanese expansionism in Manchuria (he was one of the masterminds behind the “Mukden Incident” with Itagaki Seishirō), and later, to oppose the war against China, which he sought to make into an ally. Ishiwara, who had advocated for the installation of a pro-Japanese government in Nanjing in 1931, tried to prevent the July 7th incident from escalating into a large-scale conflict in 1937. At that time, he was effectively leading the Army as the head of the 1st Bureau of the General Staff (sanbōhonbu dai ichi bu 参謀本部第1部), in charge of operations, because the vice chief of staff, Imai Kiyoshi 今井清 (1882-1938), whose role it was in principle, was ill. In the aftermath of the Marco Polo Bridge Incident, he obtained from the main cadres of the General Staff and the chief of staff, Prince Kan’in-no-miya Kotohito 閑院宮載仁 (1865-1945), that the conflict be confined in space and time.

He explained that it was necessary to “concentrate on the construction of the State of Manchuria and on the completion of our military preparations against the Soviet Union […]. It would be inconceivable that this project be shattered because of the ambitions in China of some” (quoted from Kasahara 2024, p. 62). Contrary to the dominant discourse that China would be incapable of transforming into a nation-state, he affirmed that “Today’s China is no longer the China of yesterday. The revolution led by the Nationalist Party has matured. The country is now governed by a unified state, and the Chinese population possesses a national consciousness. A total war between Japan and China would take the form of a war of attrition dispersed over an immense territory that Japan could never subdue by its strength alone” (ibid.). However, this position was far from unanimous within the Army, especially among mid-ranking officers who were convinced that Japan’s position against the Soviet enemy would be strengthened by a lightning victory against China. The opposition against Ishiwara was notably led by his direct subordinate, Colonel Mutō Akira 武藤章 (1898-1948), who invoked Ishiwara’s own insubordination in 1931 to justify his refusal to obey. Thus, Ishiwara could not prevent the sending of reinforcements to Beijing, nor the expansion of the conflict in the Yangtze Valley in August under the impetus of the Navy. His efforts to avoid an escalation in China led him, on July 13, 1937, to secretly meet with the diplomat Ishii Itarō, with whom he tried to restore a communication channel with the Chinese government by sending Funatsu Tatsuichirō to meet with Gao Zongwu in early August. In September 1937, as the proponents of an intensification of the conflict prevailed with the dispatch of troops to reinforce the Shanghai Expeditionary Corps, Ishiwara was transferred on September 28 to the Kwantung Army (Kantō-gun 関東軍) as vice chief of staff.

Upon his return to Manchukuo, Ishiwara found the Concordia Association (xiehehui 協和會) had been co-opted by the military-bureaucratic apparatus, which had turned it into an instrument of the Japanese policy of domination represented by men like Tōjō Hideki 東條英機 (1884-1948). Ishiwara harbored a deep contempt for Tōjō, whom he served as a deputy. He advocated for the abandonment of the policy of “internal guidance” (naimen shidō 内面指導), that is, the interference of the Japanese army, in order to make Manchukuo an example of equality among Asian peoples that would convince the Chinese population of Japan’s good intentions. This stance caused dismay among the officers of the Kwantung Army and led to Ishiwara’s premature return to Japan at the end of 1938. He then developed the idea of an East Asian League (Tōa renmei 東亜連盟) to succeed the Concordia Association. Initially conceived as a means of disseminating the “New Order” (shin chitsujo 新秩序) of Prime Minister Konoe Fumimaro in November 1938, this League was subsequently intended to serve as a framework for the union of Asian peoples in anticipation of the “final world war.” In October 1939, Ishiwara inspired the foundation in Tokyo of the Association for the East Asian League (tōa renmei kyōkai). Within a few months, it had established branches in about twenty prefectures and claimed 100,000 members at its peak in 1941.

At the same time, the movement expanded in China under the impetus of his old friend Itagaki Seishirō and his disciple Tsuji Masanobu. In April 1940, the Association attempted to bolster moral discipline within the ranks of the occupation army by encouraging soldiers to promote Sino-Japanese cooperation. It also sought to involve Chinese collaborators by entrusting them with the leadership of local branches of the League. A branch was opened in Beijing by Miao Bin in May 1940, followed by another in Guangzhou in September. In February 1941, Wang Jingwei took the helm of the General Chinese Association of the East Asian League (Dongya lianmeng Zhongguo zonghui 東亞聯盟中國總會). Although Wang was not fooled by the Japanese authorities’ intentions, he sought to take advantage of this organization to impose his “orthodox” GMD as the main political force in the occupation state. He managed to do so in central China but failed in Northern China. In Tokyo, however, Tōjō Hideki made every effort to limit the disruptive power of Ishiwara and his League. Initially favorable to the League, the Konoe cabinet succumbed to pressures from the Minister of the Army. It took a clear stance against the League on January 14, 1941, asserting that it represented a threat to imperial authority.

Declared illegal, Ishiwara’s organization saw all of its activities in Japan absorbed by the Imperial Rule Assistance Association (Taisei yokusankai 大政翼賛会). On the mainland, its local branches merged into the Asia Development Association (Kōa dōmei 興亜同盟); an organization intended to replace the League. This decision was a slap in the face for collaborators like Wang Jingwei who had just personally invested in launching the League in China. Ishiwara responded to these attacks by raising the stakes. In a speech delivered at the Kyoto Imperial University the same year, he went as far as to declare that “The enemy is not the Chinese people, but rather certain Japanese. It is particularly Tōjō Hideki and Umezu Yoshijirō [梅津美治郎, 1882-1949], who, armed and pursuing their own ambition, are the enemies of Japan. As disturbers of the peace they are the enemies of the world. They should be arrested and executed.” (quoted in Peattie 1975, p. 330). Due to the influence he still wielded in the military, which prompted fears of a reaction from his many disciples, Ishiwara was not subjected to disciplinary measures. Still, he was forcibly retired on March 1, 1941. The concerns of Tōjō, who had Ishiwara placed under military police surveillance, did not materialize. Ishiwara remained low-profile until the end of the war.

His opposition to Tōjō Hideki spared him from indictment during the Tokyo Trials (1946-1948), unlike Itagaki Seishirō. Now advocating for complete pacifism, Ishiwara declared that Japan “must adopt the attitude of Christ carrying the cross to the place of his execution” and renounce combat against Western culture. Visionary and megalomaniac to the end, Ishiwara submitted, on the eve of his death, an extensive plan for the reorganization of Japan to General MacArthur.


Biographical Dictionary of Occupied China

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