Né à Wuxi (Jiangsu), fils d’un prêtre taoïste, Miao Bin sort diplômé en 1922 du département d’ingénierie électrique de l’Université Nanyang (nanyang daxue 南洋大學), avant de débuter sa carrière dans l’administration ferroviaire. En 1924, il rejoint Canton et adhère au GMD. Il devient instructeur à l’Académie militaire de Huangpu (Huangpu lujun junguan xuexiao 黃埔陸軍軍官學校), puis occupe de hautes fonctions dans le Jiangsu à l’issue de l’Expédition du Nord. Révoqué pour corruption en 1931, Miao séjourne au Japon. À son retour il publie un ouvrage intitulé Wudelun 武德論 (La morale martiale), dans lequel il exalte une “voie du guerrier” (bushidō 武士道) chinoise. À la même époque, son épouse meurt à la suite d’une chute. Il se remarie et retourne dans sa ville natale où il dirige les minoteries de l’oncle de sa nouvelle femme, le célèbre industriel Rong Zongjing 榮宗敬 (1873-1938).
Miao fait son retour en politique en 1937 à la faveur de l’occupation japonaise, au sein du Gouvernement provisoire (linshi zhengfu 臨時) de Pékin. Il met en place la Xinminhui 新民會, une organisation de masse anti-GMD qui lui assure un certain poids au sein de l’État d’occupation. À la création du gouvernement de Nankin en 1940, il est nommé au Comité pour la mise en place du gouvernement constitutionnel (xianzheng shishi weiyuanhui 憲政實施委員會) aux côtés de Wu Kaisheng. Il intègre alors la direction du GMD « orthodoxe » et n’hésite pas à faire des appels du pied au groupe de Wang Jingwei. En juin 1940, il publie ainsi un article soulignant la compatibilité de la doctrine de Sun Yat-sen avec celle de la Xinminhui, qui contredit ses prises de position anti-GMD au début de la guerre. Désireux d’étendre son autorité sur la Chine du Nord, le groupe de Wang Jingwei décide, le 27 juillet 1940, de lui verser secrètement de fortes sommes d’argent tous les mois afin qu’il favorise l’absorption de la Xinminhui par le GMD. L’échec de ce plan, qui suscite la colère des militaires japonais à Pékin, conduit Miao à démissionner de son poste de vice-président de la Xinminhui, le 13 décembre 1940.
À la même époque, Miao représente Zhou Fohai lors de négociations avec des généraux nationalistes à Xuzhou. En février 1941, elles aboutissent à la défection de Li Changjiang 李長江 (1890-1956), accompagné de 20 000 hommes. En guise de récompense, Miao obtient la vice-présidence du Yuan législatif (lifayuan 立法院). Dans les mois qui suivent, il établit des contacts avec les agents du chef des services secrets militaires de Chongqing, Dai Li 戴笠 (1897-1946). La méfiance qu’il inspire à Wang Jingwei explique peut-être que, le 23 juillet 1942, il soit révoqué de son poste au Yuan législatif. La décision est tenue secrète, par crainte que la propagande de Chongqing ne s’empare de l’affaire. La disgrâce de Miao prend la forme d’une nomination au poste de vice-président du Yuan d’examen (kaoshiyuan 考試院). Le 16 novembre 1944, Miao rend visite à Zhou Fohai pour lui dire que Jiang Jieshi veut éviter que les armées japonaises et américaines ne livrent bataille sur le sol chinois. Miao prétend être en mesure de représenter Chongqing dans des négociations avec le Japon. Zhou note dans son Journal : « Quel imbécile présomptueux ! Je ne veux plus discuter avec lui ». Début 1945, Miao a plus de succès à Tokyo, où le premier ministre japonais Koiso Kuniaki 小磯國昭 (1880-1950) croit pouvoir mettre un terme à la guerre par son intermédiaire. Bien mal lui en prend : ce projet se transforme presque aussitôt en un fiasco qui coûte son poste à Koiso.
Si ses liens avec Dai Li permettent, dans un premier temps, à Miao Bin d’être épargné par l’épuration qui suit la capitulation japonaise, il est arrêté en avril 1946, peu après la mort du maître-espion. Selon Li Shengwu, l’épouse de Miao est directement responsable du raidissement des autorités nationalistes vis-à-vis des “traîtres”. Cherchant à faire libérer son mari, elle publie dans la presse des documents sur sa visite à Tokyo au printemps 1945 pour jouer les intermédiaires avec Chongqing. Ces révélations plongent le Gouvernement nationaliste dans le plus grand embarras non seulement vis-à-vis de l’opinion chinoise, mais aussi des Américains, car ces contacts sont susceptibles de constituer une violation de l’interdiction qu’ont les pays Alliés d’entamer des pourparlers unilatéraux avec le Japon. De fait, Miao Bin est le premier dirigeant du gouvernement collaborateur de Nankin à être condamné à mort, le 8 avril 1946, puis à être fusillé le 21 mai.
Sources : Wakeman 2003, p. 409 ; Wu Wenliang 1989 ; BDRC, vol. 3, p. 36-37 ; AH 118-010100-0039-042 ; AH 118-010100-0035-061 ; ZR, p. 328, 432, 950 ; ADF 503 ; Tōyō kyōkai chōsabu 1940, p. 80 ; Boyle 1972, p. 332.