Yuan Shu

袁殊

19111987

Lieu d'origine

Qichun 蘄春

Province d'origine

Hubei 湖北

[alias Yuan Xueyi 袁學藝, Yuan Xueyi 袁學易, Yuan Xiaoyi 袁霄逸]

Yuan Shu compte parmi les rares « agents quintuples » (wufang tewu 五方特務 ou wumian jiandie 五面間諜) qui travaillent, parfois simultanément, pour le GMD, le PCC, le Komintern, le groupe de Wang Jingwei et les Japonais. Originaire de Qichun (Hubei), il est le fils d’un notable local, Yuan Xiaolan 袁曉嵐, membre de la Ligue jurée (tongmenghui 同盟會) et, plus tard, magistrat de district sous le Gouvernement nationaliste. Yuan Shu grandit à Shanghai où sa famille s’installe en 1919. Séduit par l’anarchisme dans son adolescence, il représente son collège lors du Mouvement du 30 mai 1925 (wusa yundong 五卅運動). À l’invitation de l’ancien garde du corps de Sun Yat-sen, Hu Baoyi 胡抱一 (1890-1943), il quitte l’école, l’année suivante, pour participer à l’Expédition du Nord (beifa 北伐) comme petite main de la propagande au sein de l’armée. Après 1928, il travaille pour le GMD, notamment comme enquêteur au Shandong pour le Comité national d’aide aux sinistrés. Tout en continuant à fréquenter les cercles anarchistes, il publie des articles dans les journaux de l’aile droite du GMD comme le Minguo ribao 民國日報. En 1929, il part étudier à Tokyo avant de revenir en Chine pour travailler comme journaliste au Wenyi xinwen 文藝新聞 (Nouvelles des arts et des lettres).

Remarqué pour ses écrits, il est recruté en octobre 1931 par l’agent double communiste Pan Hannian 潘漢年 (1906-1977) comme « membre spécial du Parti » chargé d’infiltrer le cœur du pouvoir nationaliste. Entre 1932 et 1934, Yuan Shu parvient ainsi à intégrer l’une des factions gravitant autour de Jiang Jieshi par l’intermédiaire de son cousin Jia Botao 賈伯濤 (1902-1978), officier nationaliste diplômé de la première promotion de l’Académie militaire de Huangpu (Huangpu junxiao 黃埔軍校). Il travaille notamment à Shanghai pour l’un des “clubs” destinés à collecter des renseignements et mobiliser la jeunesse en faveur de Jiang, encadré par un autre compatriote du Hubei, Wu Xingya 吳醒亞 (1892-1938), chef du Bureau des affaires sociales (shehuiju 社會局) du GMD de Shanghai.

On lui demande également de se lier d’amitié avec Iwai Eiichi, employé du consulat de Shanghai, lui-même chargé de recruter des intellectuels chinois pro-japonais. À l’été 1935, Yuan Shu est arrêté dans le cadre du démantèlement d’un réseau communiste menant au représentant des services secrets du Komintern à Shanghai. Grâce à l’aide d’Iwai, il est rapidement libéré et séjourne à nouveau au Japon. Un an plus tard, il revient en Chine et reprend contact avec Pan Hannian. À la même époque, il est accepté dans la Bande verte (qingbang 青幫) et, sur recommandation de Du Yuesheng 杜月笙 (1888-1951) à Dai Li 戴笠 (1897-1946), devient un officier des services secrets militaires du Gouvernement nationaliste en 1937.

Yuan est désigné à la tête d’un « groupe d’action » dont les cibles sont les Japonais et les collaborateurs. À l’été 1939, Dai Li ordonne à Yuan Shu de faire sauter le « n°76 » – le QG des services secrets pro-japonais à Shanghai, mais le chef du bureau shanghaïen du Juntong 軍統, Wang Tianmu 王天木 (1891-1995), ayant déjà fait défection en faveur des services secrets pro-japonais, transmet les plans de l’opération à Li Shiqun, qui fait arrêter Yuan Shu. Ce dernier à la vie sauve grâce à son ami Iwai qui informe Li Shiqun, en octobre 1939, que Yuan est en réalité l’un de ses agents. Li s’en remet à l’Agence de la prune (Ume kikan 梅機関) de Kagesa Sadaaki qui accepte de relâcher Yuan Shu. Après avoir obtenu l’accord de Pan Hannian et de Dai Li, Yuan rejoint le réseau d’espionnage d’Iwai qui espère, à travers lui, établir un contact avec le Juntong. Mais c’est en fait Pan Hannian qui, par l’intermédiaire de Yuan, s’infiltre sous un faux nom dans le réseau d’Iwai et se voit confier des fonds pour monter un journal pro-japonais à Hongkong. Tout en faisant du renseignement pour Iwai, Pan utilise son argent pour financer les activités du PCC dans la colonie britannique et à Shanghai où il emploie jusqu’à quarante agents.

Yuan Shu devient le principal organisateur chinois du « Mouvement pour l’essor de l’Asie et la reconstruction nationale » (xingya jianguo yundong 興亞建國運動) lancé par Iwai à la demande de Kagesa. Il met ses talents de journaliste au service des différentes publications du mouvement, telles que le Xianzheng yuekan 憲政月刊 (Mensuel du gouvernement constitutionnel), rebaptisé en janvier 1941 – alors que la promesse constitutionnelle est déjà enterrée – Zhengzhi yuekan 政治月刊 (Mensuel politique). Iwai et Yuan Shu n’hésitent pas à y critiquer le gouvernement de Wang Jingwei, en des termes parfois assez durs, tout en accueillant régulièrement des essais signés de ses dirigeants, à commencer par Wang lui-même. Yuan utilise à l’époque plusieurs pseudonymes tels que Yan Junguang 嚴軍光 ou Zeng Dazhai 曾達齋. Les journalistes dont il s’entoure sont, pour certains, des agents communistes comme Chen Fumu. Du reste, ces critiques n’empêchent pas Yuan d’occuper des fonctions au sein du régime de Nankin. Il siège notamment au sein du Comité pour la mise en place du gouvernement constitutionnel (xianzheng shishi weiyuanhui 憲政實施委員會) aux côtés de Wu Kaisheng.

Grâce à ses liens avec Li Shiqun, il est nommé en juillet 1941 à la tête des Groupes de travail politique (zhengzhi gongzuotuan 政治工作團) au sein du bureau à Suzhou du Comité de pacification rurale (qingxiang weiyuanhui zhu-Su banshichu 清鄉委員會駐蘇辦事處), coordonnant les équipes de travail du GMD “orthodoxe” dans les zones de pacification rurale. Après le lancement du Mouvement des nouveaux citoyens (xin guomin yundong 新國民運動), censé mobiliser la population dans le cadre de la Pacification rurale, Yuan Shu met sa plume au service de la propagande de Nankin. Yuan élabore une “doctrine Wang Jingwei” (Wang Jingwei zhuyi 汪精衛主義), dont les quatre piliers sont le tridémisme, le panasianisme de Sun Yat-sen, le pacifisme et le pragmatisme (shijian 實踐). C’est par son intermédiaire que Li Shiqun organise une entrevue secrète entre Pan Hannian et Wang Jingwei en avril 1943. En 1944, il devient chef du bureau de l’Éducation (jiaoyuting 教育廳) du gouvernement provincial du Jiangsu.

À la fin de la guerre, Yuan rejoint une zone communiste dans le Nord-Jiangsu ce qui conduit les services nationalistes à découvrir qu’il est un agent double. À partir de 1949, il travaille pour la section de recherche sur les États-Unis et le Japon au sein des services de renseignements à Pékin. En 1955, il est l’une des victimes collatérales de l’ « Affaire Pan Hannian » qui voit Mao Zedong accuser Pan d’être un félon (neijian 內奸), après que ce dernier lui a avoué sa rencontre avec Wang Jingwei en 1943. Cette affaire est, en réalité, montée de toutes pièces par Mao, dans le cadre d’une purge interne débutée l’année précédente par l’élimination de Gao Gang 高崗 (1905-1954) et de Rao Shushi 饒漱石 (1903-1975). Yuan Shu est arrêté à son tour et condamné à douze ans de prison. Sa peine prenant fin en pleine Révolution culturelle, il est de nouveau emprisonné jusqu’en 1975, avant d’être envoyé dans un laogai 勞改 (camp de rééducation par le travail). Il apprend à sa libération, en 1980, que sa femme s’est suicidée en 1968. Comme Pan, il est finalement réhabilité en 1982.

Sources : Seki 2012 ; Yick 2001, p. 68 sqq. ; Yuan Shu 1984 ; Iwai 1983, p. 80-82 ; Shao Ming-huang 2019, p. 390 ; Zeng Long 2016 ; WGQY, p. 381-383 ; Smith 2021 ; Galway 2021 ; ZR, p. 304 ; Wakeman 2003, p. 92  ; WZSQ, p. 806-807 ; Xiao-Planes 2010.

Pour citer cette biographie : David Serfass, "Yuan Shu  袁殊 (1911-1987)", Dictionnaire biographique de la Chine occupée, URL : https://bdoc.enpchina.eu/bios/yuan-shu/, dernière mise à jour le 27 juillet 2024. 

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