Tang Shengming

唐生明

19061987

Lieu d'origine

Dong’an 東安

Province d'origine

Hunan 湖南

Originaire de Dong’an (Hunan), Tang Shengming est le frère cadet de Tang Shengzhi 唐生智 (1889-1970), l’un des principaux seigneurs de la guerre hunanais, connu pour avoir dirigé la garnison chargée par Jiang Jieshi de défendre Nankin jusqu’à la mort à l’hiver 1937 et pour avoir facilité la prise de sa province par les Communistes en 1949. À partir de 1919, Tang Shengming fait ses classes à l’École primaire annexe de l’École normale n°1 du Hunan (Hunan di yi shifan fuxiao 湖南第一師範附小), où il est remarqué par Mao Zedong, qui en prend la direction l’année suivante. Une fois sortie de l’Académie militaire du Hunan (Hunan lujun jiangwutang 湖南陸軍講武堂) en 1924, il sert sous les ordres de Ye Kaixin 葉開鑫 (1885-1937) dans l’Armée du Hunan (Xiangjun 湘軍). À la même époque, son frère Tang Shengzhi cherche à s’imposer à Changsha en louvoyant entre Wu Peifu 吳佩孚 (1874-1939) et le Gouvernement nationaliste de Canton. En mars 1926, il parvient à ses fins en succédant à l’homme fort de la province, Zhao Hengti 趙恆惕 (1880-1971), et en écartant ses rivaux comme Ye Kaixin. Appuyé par Wu Peifu, Ye Kaixin défait Tang Shengzhi dans ce qui devient la première bataille de l’Expédition du Nord (beifa 北伐). En effet, Tang Shengzhi a entre-temps rallié le GMD, en envoyant son frère Shengming à Canton pour lui servir de garantie.

Durant son séjour à Canton, Tang Shengming intègre la quatrième promotion de l’Académie militaire de Huangpu (Huangpu junxiao 黃埔軍校), où il a pour enseignants Wang Jingwei et Zhou Enlai. Il en sort diplômé en octobre 1926, juste à temps pour participer à l’Expédition du Nord comme élève-officier dans l’Armée nationale révolutionnaire (guomin geming jun 國民革命軍). En avril 1927, Tang s’oppose à la purge anticommuniste de Jiang Jieshi aux côtés de son frère, qui est alors le principal dirigeant militaire de Wuhan. Plusieurs cadets de Huangpu, tel Chen Geng 陳賡 (1903-1961), apportent secrètement leur soutien au PCC, qui tente d’organiser des insurrections. Ils font appel à Tang Shengming qui accepte de fournir en armes le groupe dirigé par Mao Zedong à la frontière entre le Hunan et l’Anhui. Tang s’efforce néanmoins de garder de bonnes relations avec Jiang Jieshi, à qui il envoie un cadeau fort cher à l’occasion de son mariage avec Song Meiling 宋美齡 (1898-2003) en décembre 1927. En 1930, il soutient Zhang Fakui et Wang Jingwei dans l’opposition à Jiang. En 1932, sur autorisation spéciale de Jiang Jieshi, il entre à l’Académie centrale de l’armée de terre (zhongyang lujun daxue 中央陸軍大學), dont il sort diplômé en 1935. Tang est alors nommé dans l’état-major du Comité des affaires militaires (junshi weiyuanhui 軍事委員會). Personnalité connue du Shanghai interlope, il accompagne régulièrement son ami Dai Li 戴笠 (1897-1946) dans les bordels et les casinos de la ville. En 1936, il épouse l’une des principales vedettes de l’époque, l’actrice Xu Lai 徐來 (1909-1973). Il fréquente également l’espion communiste Pan Hannian 潘漢年 (1906-1977).

Au début de la guerre, Tang sert à Changsha comme vice-commandant de la garde (jingbei fusiling 警備副司令) à qui Jiang Jieshi donne l’ordre d’incendier la capitale du Hunan si elle devait être prise par les Japonais. Selon une source à la gloire de Tang, ce dernier s’oppose à cet ordre, qui, à la suite d’un malentendu, provoque un immense incendie le 13 novembre 1938, entraînant la mort de plus de 30 000 personnes et la destruction d’une grande partie de la ville. De fait, il n’est pas parmi les trois officiers à qui Jiang fait porter le chapeau en les faisant exécuter. Au printemps 1940, Tang Shengming est convoqué à Chongqing par Jiang Jieshi qui lui demande d’infiltrer le gouvernement collaborateur que Wang Jingwei vient de fonder à Nankin. Le chef du Juntong 軍統, Dai Li, se charge d’organiser sa “défection” en faveur de l’occupant. Il envoie à Shanghai sa maîtresse Zhang Suzhen 張素貞 afin qu’elle y fasse courir le bruit que Tang ne se plaît pas en “Chine libre”. Après une escale d’un mois à Hong Kong, Tang Shengming et son épouse débarquent à Shanghai à l’été 1940. Dès le lendemain, Li Shiqun organise un grand banquet en son honneur au cours duquel l’alcool coule à flot. Bien conscient que Li cherche à s’assurer qu’il n’est pas un agent infiltré, Tang lui affirme qu’il ne brigue aucune position et feint l’ivresse. Une fois passé ce premier test, il rencontre son “pays” Zhou Fohai et il est reçu avec chaleur par Wang Jingwei, qui demande à Zhou de lui trouver une villa à Shanghai. Zhou confie à Tang 70 000 yuans pour qu’il les envoie à son frère qui vit retiré (et surveillé) à Dong’an après son échec lors du siège de Nankin.

Le recrutement d’un officier supérieur issu de l’Académie militaire de Huangpu apparaît comme une belle prise pour le régime de Wang Jingwei qui espère se doter d’une armée loyale et compétente. Le 1er octobre 1940, la presse de la zone occupée annonce la nomination de Tang au sein du Comité des affaires militaires (junshi weiyuanhui 軍事委員會) du régime de Nankin. De son côté, la presse de Chongqing publie une lettre de Tang Shengzhi dans laquelle il renie son frère cadet. En mai 1941, Tang prend part aux préparatifs de la Campagne de pacification rurale (qingxiang gongzuo 清鄉工作) lancée en juillet et dont il devient l’un des principaux cadres dans le Jiangsu. Tang a l’habitude d’arborer son grade de général de division (zhongjiang 中將), auquel il a été promu avant-guerre. Comme les conseillers militaires japonais, à l’exception de Kagesa Sadaaki, n’ont qu’un grade de colonel ou de lieutenant-colonel, il lui arrive de porter des insignes équivalents pour éviter de leur faire perdre la face. Dans ses mémoires, rédigés en Chine populaire, Tang Shengming affirme avoir reçu de Jiang Jieshi l’ordre d’utiliser la Pacification rurale pour attaquer la Nouvelle 4e armée (PCC). Pour ce faire, il transmet aux Japonais les renseignements que lui fournit Dai Li sur les positions des Communistes, mais ces derniers semblent toujours avoir un coup d’avance, signe qu’ils sont eux-mêmes bien renseignés par leurs propres agents infiltrés. Tang ne quitte officiellement ses fonctions au sein du Comité de pacification rurale qu’après l’assassinat de Li Shiqun en novembre 1943, mais, dès la fin de l’année 1942, il rentre à Shanghai, ne revenant à Suzhou qu’à l’occasion de cérémonies commémoratives.

C’est à cette époque que le double jeu de Tang Shengming est percé à jour. À l’hiver 1942, les services spéciaux de Li Shiqun démantèlent le réseaux du Juntong à Shanghai en arrêtant son chef, Chen Gongshu 陳恭淑 (1907-1969). Parmi les documents saisis à cette occasion, un télégramme demandant à Chongqing de cesser les attentats contre les militaires japonais attire l’attention de Li qui comprend que Tang en est l’auteur. Interrogé au siège du n°76 Jessfield Road en présence de Chen Gongshu, Tang nie être un agent double. Il est remis aux autorités militaires japonaises de Shanghai qui, à sa grande surprise, le traitent avec beaucoup d’égards, se réjouissant de pouvoir établir grâce à lui un contact avec l’entourage direct de Jiang Jieshi. Non seulement, Tang se voit promettre par le lieutenant Togō Sataru 都甲徠 (1899-1991) la protection de l’armée japonaise si les autorités de Nankin venaient à le menacer, mais il lui propose même de lui fournir un radio-transmetteur pour communiquer avec Dai Li. Devant l’incrédulité de Tang, ces promesses sont confirmées par le chef d’état-major de l’Armée expéditionnaire de Chine (Shina hakengun 支那派遣軍), le général Kawabe Masakazu 河辺正三 (1886-1965), en personne. Ce dernier fait l’éloge de Jiang Jieshi qu’il voit comme un allié du Japon dans la lutte contre le communisme, si du moins l’on en croit les mémoires de Tang qui insistent beaucoup sur ce point. Dans les jours qui suivent, la révélation des liens de Tang avec Chongqing lui valent des reproches embarrassés de Wang Jingwei et la fureur de son épouse Chen Bijun, qui le sermonne en lui tapant la tête. Pressé par les Japonais, qui souhaitent rétablir un canal de discussion avec Chongqing, Tang reçoit de nouvelles instructions de Dai Li : il devra mener ces discussions en son nom propre afin d’évaluer le degré de sincérité de l’occupant et transmettre à Chongqing les termes proposés par la partie japonaise. Cette dernière affecte un agent de liaison, le capitaine Matsui 松井, qui vient chaque matin passer la journée au domicile de Tang, désormais équipé d’un radio-transmetteur. De plus, alors que Shanghai est touchée par les pénuries, Tang se voit attribuer une généreuse ration mensuelle de riz.

Un épisode, absent des mémoires de Tang Shengming, laisse entrevoir ses relations ambiguës avec les autorités de Chongqing. Le 9 juin 1944, Zhou Fohai note dans son journal personnel qu’il a été reçu à dîner chez Tang en compagnie de Xu Songpu 許松圃 (1901-1977) et de Cheng Yizhong 程一中 (1896-?), tous deux envoyés à Shanghai par Tang Shengzhi pour sonder Zhou. Selon ce dernier, “Tang [Shengzhi] ne manque pas d’ambition, ni de moyens pour la réaliser. […] Il semble toujours résolu à renverser Jiang“. Tang Shengming affirmera plus tard que les deux hommes cherchaient en réalité à soutirer de l’argent à Zhou. Toujours est-il que, quatre jours plus tard, Xu et Cheng confirment à Zhou que Tang Shengzhi, Long Yun 龍雲 (1884-1962) et des généraux du Sichuan veulent en finir avec le généralissime. Guère étonné, Zhou écrit qu’un tel plan doit être préparé dans les moindres détails, car la moindre erreur pourrait être fatale. Le 5 juillet, il est décidé que Xu Songpu sera envoyé à Kunming pour rencontrer Long Yun, avant de retrouver Tang Shengzhi à Chongqing. Zhou voit là l’occasion de parvenir à son plan initial : une fusion entre les gouvernements de Nankin et de Chongqing. Ces discussions sont connues des Japonais, puisque le lieutenant Togō Sataru assiste à certaines des réunions chez Tang Shengming. Il y est notamment question de la province du Hunan, qui apparaît alors comme une région stratégique pour les mois à venir.

À l’automne 1944, alors que l’Expédition Ichi-gō a permis au Japon d’ouvrir un corridor entre la zone occupée et l’Indochine, Tang Shengming se voit offrir le poste de gouverneur du Hunan. Consulté, Jiang Jieshi encourage Tang à accepter la position. Tous espèrent qu’avec Tang à sa tête, le Hunan pourra servir de zone tampon entre les deux camps. Dai Li envisage même de transférer à Tang les troupes nationalistes stationnées dans la province. La presse de Chongqing annonce la nomination de Tang avant même qu’elle ne soit décidée par Nankin. Entre-temps, toutefois, Tang décide de décliner cette promotion. Il expliquera après-guerre ce choix par la crainte de voir sa famille, qui réside sur place, prendre à nouveau position contre lui, mais aussi par son refus de devenir une marionnette dans les mains des autorités japonaises locales.

Au lendemain de la guerre, Tang est récompensé par Jiang Jieshi pour ses services à la résistance et intègre le ministère de la Défense. En avril 1949, il participe avec d’autres officiers nationalistes au “soulèvement pour la paix du Hunan” (Hunan heping qiyi 湖南和平起義), qui accélère la prise de contrôle de la province par le PCC. Il s’installe ensuite à Hong Kong, avant de retourner à Pékin en 1956. Il est nommé au Conseil d’État (guowuyuan canshi 國務院參事) et il siège, à partir de l’année suivante, au sein de la Conférence consultative politique du peuple chinois (Zhongguo renmin zhengzhi xieshanghui quanguo weiyuanhui 中國人民政治協商會全國委員會). Tang est l’auteur de plusieurs textes mémoriels, notamment d’un témoignage sur son expérience au sein du gouvernement collaborateur de Nankin intitulé Feng Jiang Jieshi zhi ming “qianfu” 奉蔣介石之命“潛伏”(Infiltré sur ordre de Jiang Jieshi), rédigé en 1963. Il meurt le 24 octobre 1987 à Pékin.

Sources : Xu Youchun 2007, p. 1317 ; Tang Shengming 2012 ; ZGBR, p. 1860 ; MRZ vol. 3, p. 91 sqq. ; Wakeman 2003, p. 9 ; Liu Liyong, Zhu Yumo 2009 ; ZR, p. 356, 358, 889-890, 898-899.

Pour citer cette biographie : David Serfass, "Tang Shengming  唐生明 (1906-1987)", Dictionnaire biographique de la Chine occupée, URL : https://bdoc.enpchina.eu/bios/tang-shengming/, dernière mise à jour le 27 juillet 2024. 

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