Ogura Masatsune

小倉正恒

18751961

Lieu d'origine

Kanazawa 金沢市

Province d'origine

Chūbu 中部地方

Issu d’une famille de bushi au service du fief de Kanazawa, Ogura Masatsune reçoit dès son plus jeune âge une formation solide dans les classiques chinois en se passionnant en particulier pour les Mémoires historiques (Shiji 史記) de Sima Qian 司馬遷 (c. 145-86 AEC). En dépit d’un intérêt précoce pour les lettres, partagé par ses camarades de classe, les futurs romanciers Izumi Kyōka 泉鏡花 (1873-1939) et Tokuda Shūsei 徳田秋声 (1872-1943), Ogura s’engage dans la voie royale des élites de Meiji en intégrant la faculté de droit de l’Université impériale de Tokyo en 1894. Il se destine dans un premier temps à la fonction publique en obtenant une place au ministère de l’Intérieur (naimushō 内務省) en 1897. Déçu par la vie de conseiller de préfecture, il rejoint le groupe Sumitomo en 1899 à l’âge de 24 ans. Fondée en 1615, l’entreprise qui a débuté dans l’exploitation des mines de cuivre avant de se diversifier traverse alors une phase de modernisation. Ogura est envoyé trois ans en Angleterre pour parfaire sa formation. À son retour en 1902, il occupe différentes positions dans le groupe dont il gravit les échelons jusqu’au poste de directeur général (sōriji 総理事) en 1930. Ogura contribue à transformer la vénérable institution en l’un des principaux conglomérats (zaibatsu 財閥), étendant ses activités à de nombreux domaines depuis l’exploitation forestière jusqu’à l’assurance en passant par la production d’électricité. S’il développe les très polluantes mines d’or, Ogura cherche à réduire la pollution atmosphérique dégagée par les affineries de cuivre.

Toujours passionné par la Chine, Ogura y effectue un premier voyage en 1916 et visite par la suite régulièrement les principaux sites historiques du pays. Il publie en 1929 ses Notes de voyage à Suzhou et au Zhejiang (So-Setsu yūki 蘇浙游記). Ogura s’investit par ailleurs dans les milieux conservateurs en plein essor. Il préside notamment l’Association Sekimon-shingaku 石門心学会, mouvement d’éducation morale lancé dans les années 1730 mêlant néoconfucianisme, bouddhisme Zen et Shintō mais favorable au profit ce qui le rend populaire dans les milieux marchands à l’époque d’Edo. Il dirige également l’Association de soutien au Shūyōdan 修養団後援会, mouvement d’éducation physique et morale fondé en 1906 par le pédagogue Hasunuma Monzō 蓮沼門三 (1882-1980). Opposé à la « démocratie de Taishō », il soutient la montée d’un nationalisme autoritaire, notamment au moment du lancement en octobre 1937 de la Campagne de mobilisation de l’esprit national (kokumin seishin sōdōin undō 国民精神総動員運動). Entre-temps, Ogura s’est rapproché des sphères étatiques. Nommé à la Chambre des Pairs (kizoku-in 貴族院) en 1933, il siège au sein du Comité de conseil du cabinet (naikaku shingikai 内閣審議会), ce qui l’amène à se lier avec les principaux dirigeants de l’époque tels que Konoe Fumimaro 近衞文麿 (1891-1945), Hiranuma Kiichirō 平沼騏一郎 (1867-1952), qui dirige un temps le Shūyōdan, ou encore Yoshida Shigeru 吉田茂 (1878-1967).

De même qu’Aoki Kazuo et Ishiwata Sōtarō, Ogura siège à partir du printemps 1938 dans le comité chargé de mettre en place la Compagnie pour le développement de la Chine du nord (Kahoku kaihatsu kabushiki gaisha 華北開発株式会社) et celle de la Chine centrale (Naka Shina shinkō kabushiki gaisha 中支那振興株式会社). À la différence de technocrates du ministère des Finances comme Aoki, Ogura est à l’origine favorable aux lois du marché et rétif à l’étatisation de l’économie. Il n’en est pas moins amené à participer à la mise en place de l’économie de guerre à mesure que le Japon s’enfonce dans le conflit avec la Chine puis contre les Alliés. En avril 1941, Ogura quitte ses fonctions à la tête de Sumitomo pour entrer dans le deuxième cabinet Konoe comme ministre sans portefeuille chargé d’accélérer la transformation de l’économie japonaise pour la guerre. Lors du remaniement de juillet 1941, Konoe lui confie le portefeuille des finances. L’une de ses principales tâches consiste à consolider le contrôle de l’État sur la production d’électricité. Il quitte ses fonctions de ministre des Finances au moment de la formation du gouvernement de Tōjō Hideki 東條英機 (1884-1948) en octobre 1941. Il n’en continue pas moins à jouer un rôle actif dans la politique économique du pays, notamment à propos de la Chine. En mars 1942, il devient le premier dirigeant de la Banque financière en temps de guerre (Senji kinyū kinko 戦時金融金庫), nouvelle institution chargée de financer l’industrie de l’armement dont le capital est apporté aux deux tiers par le gouvernement. Il préside en parallèle la Conférence économique est-asiatique (Tōa keizai kondan-kai 東亜経済懇談会), une organisation fondée à la fin de l’année 1939 à l’initiative des principaux organismes du monde des affaires tels que la Fédération économique japonaise (Nihon keizai renmei 日本経済連盟) afin de reprendre la main sur la politique économique continentale contre les technocrates. Elle organise des visites de responsables chinois au Japon et inversement. En juillet 1943, Ogura se rend ainsi à Nankin où il s’entretient avec Wang Jingwei et les principaux dirigeants chinois, ainsi qu’avec le commandant en chef de l’Armée expéditionnaire de Chine Hata Shunroku. En septembre 1943, il effectue une autre visite en Chine du Nord dont le récit est publié l’année suivante.

Le 2 mars 1944, Ogura succède à Ishiwata Sōtarō comme conseiller économique suprême (zuigao jingji guwen 最高經濟顧問) du gouvernement collaborateur de Nankin. Il n’est pas le premier choix de Wang Jingwei, qui aurait souhaité Kaya Okinori 賀屋興宣 (1899-1977), ministre des Finances d’octobre 1941 à février 1944. Cette option est écartée en raison des mauvaises relations qu’entretiennent Kaya et Aoki Kazuo. Ogura entretient des rapports plus distants que ses prédécesseurs avec Zhou Fohai. La situation a changé. Wang Jingwei se meurt à Nagoya tandis que le poids économique de l’occupation se fait de plus en plus sentir. Le 6 novembre 1944, après plusieurs mois où Ogura a été le plus souvent absent, Zhou lui rappelle son rôle de conseiller en demandant qu’il se batte avec le gouvernement japonais pour obtenir un rééquilibrage de la politique d’approvisionnement largement en faveur de l’armée japonaise au détriment de la population chinoise. Lorsque le 19 novembre, Zhou l’exhorte à prendre des mesures pour juguler l’inflation qui risque de conduire à un effondrement général de l’économie, Ogura se dit impuissant.  

De retour au Japon en 1946, Ogura est exclu de la fonction publique par les lois d’épuration mises en place par l’occupant américain. En 1948, il fait don de sa collection de 30 000 ouvrages sur la Chine, parmi lesquels une édition de 1519 des Élégies de Chu, à l’Université d’Aichi 愛知大学 qui prend la suite du Tōa dōbun shoin 東亜同文書院 (Institut de la culture commune est-asiatique). Ogura décède en 1961 à l’âge de 87 ans.

Sources : KSDJ ; Sumitomo Group Public Affairs Committee ; Wikipedia ; JACAR A15060386500 ; Young 1998, p. 233 ; AS 08/07/1943 soir ; AS 25/09/1943 ; ZR, p. 855, 947, 951.

Pour citer cette biographie : David Serfass, "Ogura Masatsune  小倉正恒 (1875-1961)", Dictionnaire biographique de la Chine occupée, URL : https://bdoc.enpchina.eu/bios/ogura-masatsune/, dernière mise à jour le 20 avril 2025. 

Biographical Dictionary of Occupied China

A database from ENPChina Project