S’il n’est pas le conseiller japonais le plus important du gouvernement de Wang Jingwei, Fukuda Takeo est celui qui a eu la plus belle carrière après-guerre. Diplômé en droit de l’Université impériale de Tokyo, Fukuda devient haut fonctionnaire au ministère des Finances (ookurashō 大蔵省). En poste au Budget lorsque débute la guerre sino-japonaise, il est souvent amené à traiter des affaires de l’armée et à se rendre dans les différentes villes occupées par le Japon sur le continent. En 1938, notamment, il mène une enquête en Chine du Nord. En mai 1941, il est envoyé en Indochine française.
C’est à cette époque qu’il est « invité » par le gouvernement de Wang Jingwei à servir comme conseiller économique. Placé sous les ordres d’Aoki Kazuo, Fukuda est nommé à la tête des finances. Il est rattaché au bureau Asie orientale du ministère des Affaires étrangères (gaimushō tōakyoku 外務省東亜局), ce qui lui permet de figurer parmi les employés de l’ambassade du Japon en Chine ; un moyen pour Tokyo de sauver la face de Nankin qui ne veut pas apparaître comme un régime fantoche. Fukuda trouve à se loger dans une grande résidence avec terrain de golf, qu’il partage avec d’autres fonctionnaires détachés du ministère des Finances. À l’en croire, sa mission comme conseiller ne consiste pas seulement à renforcer le régime de Nankin, mais également à veiller à ce que l’armée ne s’ingère pas trop dans ses affaires.
Après la fondation, fin 1942, du ministère de la Grande Asie orientale (daitōashō 大東亜省), dont Aoki prend la direction, Fukuda est rappelé au ministère des Finances. Le remplaçant d’Aoki comme conseiller économique suprême, Ishiwata Sōtarō 石渡荘太郎 (1891-1950), s’oppose à sa mutation au prétexte que Fukuda serait un élément indispensable au régime de Nankin. Bien que son transfert à Tokyo soit déjà acté, Ishiwata parvient à retenir Fukuda jusqu’en juin 1943. Wang Jingwei, lui-même, n’est pas favorable à cette mutation. Selon Fukuda, c’est en lui que Wang a le plus confiance parmi tous les conseillers nippons, à tel point qu’il le consulte pour toutes sortes de sujets. Peu avant son départ pour Tokyo, Wang organise un banquet en son honneur et lui dédicace un poème calligraphié par ses soins, ainsi qu’une carte de remerciement. Flatté par cette prévenance, dont il croit être le premier bénéficiaire, Fukuda déchante lorsque Inukai Ken lui apprend que tous les conseillers reçoivent une carte similaire sur laquelle est écrit « n°1 ». Dans ses mémoires, Fukuda affirme néanmoins qu’Aoki et d’autres conseillers de sa connaissance n’ont pas eu droit à de tels égards. En 1944, il rend visite à Wang alors hospitalisé à Nagoya.
De retour dans son administration d’origine, Fukuda connaît une promotion rapide, favorisée par la nomination d’Ishiwata au poste de ministre en février 1944. En septembre 1945, il organise le déménagement des bureaux du ministère des Finances, réquisitionnés par l’occupant américain. Nommé chef du bureau du Budget en 1947, il démissionne l’année suivante en raison du scandale Shōwa Denkō 昭和電工 ; numéro un des engrais impliqué dans une vaste affaire de corruption. Fukuda n’en poursuit pas moins une riche carrière. Député à la Chambre des représentants à partir de 1952, il est nommé ministre de l’Agriculture en 1959, des Finances en 1965 et des Affaires étrangères en 1971. Après avoir pris la tête du Parti libéral-démocrate (jimintō 自民党), il occupe le poste de premier ministre de décembre 1976 à décembre 1978. Outre Koizumi Jun’ichirō 小泉純一郎 (1942-), premier ministre de 2001 à 2006, dont Fukuda est le mentor, il est le père de Fukuda Yasuo 福田康夫 (1936-), qui occupe cette charge entre 2007 et 2008. Fukuda Takeo est l’auteur de mémoires publiés cinq ans après sa mort sous le titre Kaiko kujūnen 回顧九十年 (Retour sur les neuf décennies de ma vie), dont quelques pages portent sur son expérience de conseiller à Nankin pendant la guerre.
Sources : NKJRJ, p. 439 ; KSDJ ; Fukuda 2008, p. 21 sqq. ; Wikipedia.
While he was not the most powerful Japanese advisor in the Wang Jingwei government, Fukuda Takeo certainly had the most successful post-war career. After graduating in law from the University of Tokyo, Fukuda became a senior official in the Ministry of Finance (ookurashō 大蔵省). He was in charge of the budget at the beginning of the Sino-Japanese war, and was often called upon to deal with army affairs and to visit the various cities occupied by Japan on the continent. In 1938, he conducted an investigation in North China. In May 1941, he was sent to French Indochina.
It was during this time that Fukuda was “invited” by the Wang Jingwei government to serve as an economic advisor. Placed under Aoki Kazuo, Fukuda was appointed to head the finance department. He was attached to the East Asia office of the Gaimushō, which allowed him to be included among the employees of the Japanese embassy in China; a way for Tokyo to save face for Nanjing, which did not want to appear as a puppet regime. Fukuda found accommodation in a large residence with a golf course, which he shared with other officials seconded from the Ministry of Finance. According to him, his mission as an advisor was not only to strengthen the Nanjing regime, but also to make sure that the army did not interfere too much in its affairs.
After the founding of the Greater East Asia Ministry (daitōashō 大東亜省) in late 1942, with Aoki taking over as its head, Fukuda was invited back to the Ministry of Finance. Aoki’s successor as supreme economic advisor, Ishiwata Sōtarō 石渡荘太郎 (1891-1950), opposed Fukuda’s transfer on the grounds that he was an indispensable asset to the Nanjing regime. Although his transfer to Tokyo was already acted upon, Ishiwata managed to retain Fukuda until June 1943. Wang Jingwei himself was not in favor of this transfer. According to Fukuda, Wang had the most confidence in him of all the Japanese advisors, so much so that he consulted him on all sorts of matters. Shortly before his departure for Tokyo, Wang organized a banquet in his honor and dedicated to him a poem he had calligraphed, as well as a thank-you card. Fukuda was flattered by this thoughtfulness and believed he was the first to receive it, but was dismayed when Inukai Ken told him that all the advisors received a similar card with “No. 1” written on it. In his memoirs, however, Fukuda claims that Aoki and other advisors of his acquaintance did not receive such consideration. In 1944, he visited Wang, who was hospitalized in Nagoya.
Back in his home administration, Fukuda was quickly promoted, thanks in part to Ishiwata’s appointment as minister in February 1944. In September 1945, Fukuda organized the relocation of the offices of the Ministry of Finance, which had been requisitioned by the American occupiers. Appointed head of the Budget Bureau in 1947, he resigned the following year because of the Shōwa Denkō 昭和電工 scandal; the number one fertilizer company implicated in a vast corruption case. Fukuda nonetheless enjoyed a prolific career. A member of the House of Representatives from 1952, he was appointed minister of agriculture in 1959, finance in 1965, and foreign affairs in 1971. After taking over the leadership of the Liberal Democratic Party (jimintō 自民党), he served as prime minister from December 1976 to December 1978. In addition to Koizumi Jun’ichirō 小泉純一郎 (1942-), prime minister from 2001 to 2006, whom Fukuda mentored, he was the father of Fukuda Yasuo 福田康夫 (1936-), who held the office between 2007 and 2008. Fukuda Takeo’s Memoirs were published five years after his death under the title Kaiko kujūnen 回顧九十年 (Looking Back on the Nine Decades of My Life). A few pages are devoted to his experience as an adviser in Nanjing during the war.