Originaire de Wuxian (Jiangsu), Chen Enpu débute sa carrière de juge (tuishi 推事) au sein de la cour de district de Taiyuan (Shanxi) où il est nommé en juillet 1919, avant de rejoindre l’année suivante la haute cour du Shanxi (Shanxi gaodeng shenpanting 山西高等審判廳). Il y reste jusqu’en 1926, date à laquelle il démissionne pour, dit-il, se rapprocher de ses parents âgés. Il devient alors avocat, travaillant comme conseiller juridique pour des entreprises shanghaïennes telles que la Compagnie d’instruments électriques de la Grande Chine (da Zhonghua dianqi gongsi 上海大中華電器公司). Il est également recruté comme enseignant à l’Université de droit de Shanghai (Shanghai fake daxue 上海法科大學) à sa création en 1926. En septembre 1929, il retrouve des fonctions de juge au sein de la Cour de justice provisoire de Shanghai (Shanghai linshi fayuan 上海臨時法院), créée en 1927 pour prendre la suite de la Cour mixte (huishen gongxie 會審公廨) établie en 1867 dans la Concession internationale de Shanghai afin de traiter les affaires impliquant les Chinois et les autres ressortissants pour lesquels la justice consulaire ne s’applique pas. Censée rétablir en partie la souveraineté chinoise sur les tribunaux de la Concession internationale en vertu d’un accord signé entre le gouvernement chinois et neuf puissances étrangères, la Cour provisoire est incorporée dans le système judiciaire chinois le 1er avril 1930. Ayant démissionné de ses fonctions dès le début de l’année 1930, Chen Enpu est désigné en mars par Jiang Jieshi au poste de juge de la cour martiale pour le commandement suprême des armées (hailukong jun zongsiling junfaguan 海陸空軍總司令軍法官). En janvier 1934, il est nommé chef de la section juridique au sein du Département de la justice militaire de l’Armée de terre du ministère de l’Armée (junzhengbu lujunshu junfasi zhifake 軍政部陸軍署軍法司執法科). À partir de 1936, Chen sert comme juge à la Haute cour martiale du Comité des affaires militaires (junshi weiyuanhui gaodeng junfa huishen 軍事委員會高等軍法會審). Dans ces fonctions, il est notamment amené à participer au jugement de Zhang Xueliang après l’Incident de Xi’an. Présidée par Li Liejun 李烈鈞 (1882-1946), la Haute cour martiale condamne Zhang à dix ans de prison le 31 décembre 1936, avant de l’amnistier le 4 janvier 1937.
Les circonstances et les raisons de son choix de collaborer avec l’occupant japonais durant la guerre demeurent obscures. Il réapparaît dans les sources en novembre 1942 lorsque la presse annonce que Chen, alors secrétaire (mishu 秘書) au ministère de la Justice (sifa xingzheng bu 司法行政部) du gouvernement de Wang Jingwei est nommé par le ministre de la Justice Luo Junqiang à la tête du Département des affaires pénales (xingshisi 刑事司). Suite à la suppression de ce bureau, il est transféré l’année suivante à la direction du Bureau des affaires pénales (xingwushu 刑務署), toujours au sein du ministère de la Justice. À ce poste, il est notamment amené à effectuer des tournées d’inspection dans les tribunaux et prisons administrés par le régime de Nankin. Devenu procureur général de la Cour suprême de justice (zuigao fayuan jianchazhang 最高法院檢察長), Chen est nommé, le 10 mars 1944, président du Tribunal spécial (tebie fating 特別法庭) mis en place par le Conseil suprême de défense nationale (zuigao guofang huiyi 最高國防會議) pour juger le scandale du ministère des Vivres (liangshibu 糧食部) qui voit plusieurs hauts fonctionnaires chinois être arrêtés par la police militaire japonaise en octobre 1943 pour avoir frauduleusement spéculé sur le riz acheté pour le compte du gouvernement et de l’armée japonaise. Le déroulement de ce procès expéditif n’est connu qu’indirectement. Selon l’un des marchands inculpés, Xu Ruitang 許瑞棠, le Tribunal spécial aurait, dans un premier temps, condamné Hou Dachun à la prison à perpétuité, Hu Zheng à quinze ans de prison, Gu Baoheng et Zhou Naiwen à une peine de dix ans d’emprisonnement. Ce verdict mécontente les autorités japonaises qui exigent la peine capitale pour les quatre fonctionnaires. Or, lorsque la presse publie le verdict le lendemain, seules la condamnation à mort et l’exécution dans la foulée de Hou Dachun et de Hu Zheng sont mentionnées. Le sort de Gu Baoheng et de Zhou Naiwen n’est connu que trois semaines plus tard : leur condamnation à mort a été commuée, le 6 mai 1944, en une peine de dix ans de réclusion par le président Wang Jingwei à qui revient le pouvoir de ratifier le verdict initial du Tribunal spécial.
En juillet 1944, Chen Enpu est nommé ministre de la Justice (sifa xingzhengbu buzhang 司法行政部部長) suite au décès soudain de Zhang Yipeng, qui a contracté le typhus en visitant une prison. Lors de sa prise de fonctions, Chen Enpu s’engage à améliorer les conditions de vie des prisonniers en augmentant les rations alimentaires et à faire de la santé des détenus sa priorité. Il dispose pour cela d’un fonds conséquent de 30 millions de yuans recouvrés par le gouvernement à l’occasion du scandale du ministère des Vivres, que son prédécesseur Zhang Yipeng avait déjà prévu d’employer pour financer un « projet d’amélioration de la justice » (sifa gailiang jihua 司法改良計劃) prévoyant notamment des allocations pour aider les anciens détenus dans leur réinsertion. Cette somme doit également servir à accélérer les procédures judiciaires et à augmenter le traitement des fonctionnaires du ministère. Les dysfonctionnements du système judiciaire en zone occupée découlent en partie de la réforme ambitieuse adoptée le 1er juillet 1943 visant à rendre la justice indépendante de la branche exécutive au niveau des districts en créant des cours de première instance distinctes des gouvernements de district. Plus encore qu’avant-guerre, cette réforme est difficile à appliquer. Dans un courrier adressé à Wang Jingwei, Chen Enpu déplore ainsi la mauvaise volonté des magistrats de district (xianzhang 縣長) qui, cumulant la fonction de procureur, refusent d’engager des actions pénales pour gêner le travail des juges. Il pointe également le problème insoluble du financement des tribunaux locaux censé provenir des gouvernements provinciaux. Or ceux-ci se déchargent sur les gouvernements de district, de sorte que les deux échelons se renvoient la balle. Peu après sa prise de fonctions, Chen argue du manque de moyens pour supprimer les cours autonomes dont la juridiction est rendue aux magistrats de district. Pour sauver les apparences d’une branche judiciaire indépendante de l’exécutif, il prévoit que le ministère de la Justice enverra des agents inspecter les gouvernements de district. Chen n’a guère le temps de mener à bien l’amélioration de la justice promise puisqu’il présente sa démission dès janvier 1945 et remet le portefeuille de la Justice à Wu Songgao. En guise de sinécure, Chen est nommé conseiller politique (zhengwu canzan 政務參贊) du Gouvernement national réorganisé. Selon un rapport des services secrets américains, que ne permet pas de corroborer d’autres sources, il devient ministre du Bien-être social (shehui fuli buzhang 社會福利部長) à la place de Ding Mocun en janvier 1945.
Le sort de Chen Enpu au lendemain de la guerre est mal connu. Son nom apparaît dans la presse en février 1947 parmi une liste d’anciens collaborateurs qui, à l’issue d’une instruction, doivent être jugés comme « traîtres à la nation » (hanjian 漢奸). On perd ensuite sa trace.
Sources : RGPD ; MRDC, p. 1042 ; ZR, p. 863 ; Shenbao, 04/07/1919, 21/08/1926, 25/08/1926, 16/04/1927, 26/09/1929, 10/12/1929, 14/02/1930, 02/03/1930, 01/01/1937, 04/11/1942, 14/05/1943, 03/02/1944, 11/03/1944, 22/07/1944, 25/08/1944, 12/01/1945, 01/02/1947 ; Xu Xiaoqun 2008, p. 89-90 ; Li Liejun 1986 ; Ji Xilin et Zhao Tianyi 1989 ; Zhonghua ribao, 16 mars 1944 ; Jiangsu ribao, 7 mai 1944 ; Zeng Zhinong 2001, p. 91-99 ; MZN, p. 1046 ; Minguo ribao, 19/07/1944 ; WWN, p. 1462-1463.
Born in Wuxian (Jiangsu), Chen Enpu began his career as a judge (tuishi 推事) in the Taiyuan District Court (Shanxi), where he was appointed in July 1919, before joining the Shanxi High Court (Shanxi gaodeng shenpanting 山西高等審判廳) the following year. He remained there until 1926, when he resigned to, as he said, be closer to his elderly parents. He then became a lawyer, working as a legal advisor for Shanghai companies such as the Great China Electric Instrument Company (Da Zhonghua dianqi gongsi 上海大中華電器公司). He was also recruited as a teacher at the Shanghai University of Law (Shanghai fake daxue 上海法科大學) upon its establishment in 1926. In September 1929, he returned to the position of judge at the Shanghai Provisional Court of Justice (Shanghai linshi fayuan 上海臨時法院), created in 1927 to succeed the Mixed Court (huishen gongxie 會審公廨) established in 1867 in the Shanghai International Settlement to handle cases involving Chinese and other nationals for whom consular jurisdiction did not apply. Intended to partially restore Chinese sovereignty over the courts of the International Settlement under an agreement signed between the Chinese government and nine foreign powers, the Provisional Court was incorporated into the Chinese judicial system on April 1, 1930. Having resigned from his position at the beginning of 1930, Chen Enpu was appointed in March by Jiang Jieshi to the post of judge of the court martial for the supreme command of the armed forces (hailukong jun zongsiling junfaguan 海陸空軍總司令軍法官). In January 1934, he was appointed head of the legal section within the Department of Military Justice of the Army of the Ministry of the Army (junzhengbu lujunshu junfasi zhifake 軍政部陸軍署軍法司執法科). From 1936, he served as a judge on the High Court Martial of the Military Affairs Committee (junshi weiyuanhui gaodeng junfa huishen 軍事委員會高等軍法會審). In these functions, Chen was notably involved in the trial of Zhang Xueliang after the Xi’an Incident. Chaired by Li Liejun 李烈鈞 (1882-1946), the High Court Martial sentenced Zhang to ten years in prison on December 31, 1936, before amnestying him on January 4, 1937.
The circumstances and reasons for his choice to collaborate with the Japanese occupiers during the war remain unclear. He reappears in sources in November 1942 when the press announced that Chen, then secretary (mishu 秘書) at the Ministry of Justice (sifa xingzheng bu 司法行政部) of the Wang Jingwei government, was appointed by the Minister of Justice Luo Junqiang to head the Department of Criminal Affairs (xingshisi 刑事司). Following the abolition of this office, he was transferred the following year to the direction of the Bureau of Criminal Affairs (xingwushu 刑務署), still within the Ministry of Justice. In this position, he was notably required to conduct inspection tours of the courts and prisons administered by the Nanjing regime. Having become the Attorney General of the Supreme Court of Justice (zuigao fayuan jianchazhang 最高法院檢察長), Chen was appointed, on March 10, 1944, as the president of the Special Tribunal (tebie fating 特別法庭) set up by the Supreme Council of National Defense (zuigao guofang huiyi 最高國防會議) to judge the scandal of the Ministry of Food (liangshibu 糧食部) which saw several high-ranking Chinese officials arrested by the Japanese military police in October 1943 for fraudulently speculating on rice purchased on behalf of the Japanese government and army. The proceedings of this expedited trial are only known indirectly. According to one of the indicted merchants, Xu Ruitang 許瑞棠, the Special Tribunal initially sentenced Hou Dachun to life imprisonment, Hu Zheng to fifteen years in prison, and Gu Baoheng and Zhou Naiwen to a sentence of ten years’ imprisonment. This verdict displeased the Japanese authorities, who demanded the death penalty for the four officials. However, when the press published the verdict the next day, only the death sentence and immediate execution of Hou Dachun and Hu Zheng were mentioned. The fate of Gu Baoheng and Zhou Naiwen was only known three weeks later: their death sentence was commuted, on May 6, 1944, to a sentence of ten years’ imprisonment by President Wang Jingwei, who had the power to ratify the initial verdict of the Special Tribunal.
In July 1944, Chen Enpu was appointed Minister of Justice (sifa xingzhengbu buzhang 司法行政部部長) following the sudden death of Zhang Yipeng, who had contracted typhus while visiting a prison. Upon taking office, Chen Enpu pledged to improve the living conditions of prisoners by increasing food rations and making the health of detainees his priority. For this purpose, he had a substantial fund of 30 million yuan recovered by the government during the scandal of the Ministry of Food, which his predecessor Zhang Yipeng had already planned to use to finance a “judicial improvement project” (sifa gailiang jihua 司法改良計劃), providing in particular allowances to help former detainees in their reintegration. This sum was also to be used to accelerate judicial procedures and increase the salaries of ministry officials. The dysfunctions of the judicial system in the occupied zone were partly due to the ambitious reform adopted on July 1, 1943, aimed at making the judiciary independent of the executive branch at the district level by creating separate courts of first instance from the district governments. Even more than before the war, this reform was difficult to implement. In a letter to Wang Jingwei, Chen Enpu deplored the unwillingness of district magistrates (xianzhang 縣長) who, acting as prosecutors, refused to initiate criminal proceedings to hinder the work of judges. He also pointed out the insoluble problem of financing local courts, which was supposed to come from provincial governments. However, they shifted the responsibility to the district governments, so that the two levels passed the buck to each other. Shortly after taking office, Chen argued for the lack of means to abolish the autonomous courts whose jurisdiction was returned to the district magistrates. To save the appearance of a judicial branch independent of the executive, he planned for the Ministry of Justice to send agents to inspect district governments. Chen had little time to carry out the promised improvement of justice, as he submitted his resignation as early as January 1945 and handed over the Justice portfolio to Wu Songgao. As a sinecure, Chen was appointed political advisor (zhengwu canzan 政務參贊) to the Reorganized National Government. According to a U.S. intelligence report, which cannot be corroborated by other sources, he became Minister of Social Welfare (shehui fuli buzhang 社會福利部長) in place of Ding Mocun in January 1945.
Chen Enpu’s fate after the war is not well known. His name appeared in the press in February 1947 among a list of former collaborators who, after an investigation, were to be tried as “traitors to the nation” (hanjian 漢奸). His trace is then lost.