Originaire de Jiangyin (Jiangsu), Shi Nai obtient le grade de licencié (juren 舉人) des examens mandarinaux, avant de sortir diplômé en 1909 de la Grande école métropolitaine (jingshi daxuetang 京師大學堂), qui allait devenir l’Université de Pékin trois ans plus tard. Après avoir enseigné à l’Université normale des filles (Beijing nüzi shifan daxue 北京女子師範大學), il travaille pour le ministère de l’Éducation (jiaoyubu 教育部) entre 1917 et 1927, puis pour le gouvernement provincial du Heilongjiang 黑龍江 en 1930. Il reprend brièvement une carrière d’enseignant à l’Université de droit et de politique de Shanghai (Shanghai fazheng xueyuan 上海法政大學), mais ne tarde pas à rentrer dans le Nord, où il obtient un poste de secrétaire dans l’administration provinciale du Liaoning 遼寧 en 1931.
Après l’invasion japonaise fin 1931, Shi Nai se met au service du Manzhouguo 滿洲國, notamment comme secrétaire du ministère des Affaires civiles (minzhengbu 民政部). Il est recruté en 1940 par le Yuan d’examen (kaoshiyuan 考試院) du gouvernement de Wang Jingwei, dans lequel il occupe les postes de conseiller (canshi 參事) et de chef du Bureau des enregistrements (dengjisi 登記司). On peut faire l’hypothèse que son arrivée à Nankin se soit faite à l’invitation de Jiang Kanghu, alors ministre du Personnel (quanxu buzhang 銓敘部長) et vice-président du Yuan d’examen. En effet, Jiang a enseigné à la Grande école métropolitaine lorsque Shi y faisait ses études et il a fondé plusieurs écoles normales pour fille, comme celle où ce dernier a travaillé par la suite.
Shi Nai est notamment l’auteur, en juin 1941, d’un mémoire appelant à une réforme de la politique des examens et de gestion du personnel administratif (gexin kaoquan zhengce chengwen 革新考銓政策程文). Cette réforme doit permettre de surmonter l’un des principaux écueils auxquels fait face l’administration du gouvernement de Wang Jingwei : la nécessité pour ce dernier de s’appuyer sur le personnel administratif déjà présent en zone occupée, notamment celui du Gouvernement réformé (weixin zhengfu 維新政府). Cet état de fait découle du manque de défections dans les rangs du Gouvernement national replié à Chongqing et d’enjeux politiques liés à l’intégration des collaborateurs de la première heure dans le nouveau gouvernement. Il implique une double entorse de la part de ce dernier : le non respect du cadre juridique du Gouvernement national qu’est censé restaurer Wang Jingwei en zone occupée et le contournement de la « voie régulière » (zhengtu 正途) des examens de la fonction publique censés garantir la compétence des agents de l’État.
Incarnation des circulations à l’œuvre entre les différentes bureaucraties chinoises du premier XXe siècle – régimes “fantoches” compris, Shi Nai n’a guère laissé de traces sinon dans quelques documents officiels. Son sort à la fin de la guerre n’est pas connu.
Sources : ZMSD, p. 561 ; KG, n°15, p. 49-52.