Originaire de Yibin (Sichuan), Lü Yifeng est lycéen lorsque, sous l’influence de son aîné Lü Chao 吕超 (1890-1951), il participe aux événements de 1911 au sein de la Ligue des camarades pour la protection du chemin de fer du Sichuan (Sichuan baolu tongzhi hui 四川保路同志會). Devenu membre du Parti révolutionnaire chinois (Zhonghua gemingdang 中華革命黨) de Sun Yat-sen en 1915, il anime la résistance contre Yuan Shikai à Yibin. En 1918, Lü échoue au concours d’entrée de l’Université de Pékin avant d’intégrer, l’année suivante, sa classe préparatoire.
Entre-temps, il prend une part active aux grandes manifestations du printemps 1919. À la tête d’une association d’étudiants sichuanais, il rencontre Sun Yat-sen à Shanghai en 1920. Sun lui enjoint de retourner dans sa province natale pour convaincre les militaristes locaux de rallier sa cause. L’aventure ayant tourné court, Lü part étudier à l’Université Columbus (Ohio), où il obtient un master en 1924. De retour à Pékin, Lü reprend son activisme en faveur de Sun mais ne tarde pas à s’attirer les foudres de Zhang Zuolin. Il s’installe à Yibin où il tente de soulever la population contre le seigneur de la guerre local, Liu Wencai 劉文彩 (1887-1949).
Après l’échec du premier Front uni, Lü participe au Troisième parti (disandang 第三黨) alors qu’il enseigne la sociologie à l’Université normale de Chengdu. Menacé par les autorités locales, il part pour Nankin. Devenu membre du PCC en 1933, Lü participe à l’éphémère gouvernement populaire du Fujian. L’année suivante, le PCC l’envoie au Sichuan pour mener une enquête sur la situation économique dans les villages. À son retour à Nankin en juin 1935, il est chargé par les Communistes de mobiliser la population locale en faveur de la résistance contre le Japon. Soutenu par le président du Gouvernement nationaliste, Lin Sen 林森 (1868-1943), Lü créé dans ce but le Jinling ribao 金陵日報 (Quotidien de Nankin).
En novembre 1937, il se réfugie à Hong Kong avant de recevoir l’ordre, au printemps 1939, de retourner à Shanghai. Le 30 août, il est arrêté par la police secrète du n°76 et rallie le Mouvement pour la paix de Wang Jingwei comme agent infiltré du PCC. Il obtient un poste de conseiller au Yuan de contrôle (jianchayuan 監察院) et de chef du Bureau des communications de la branche « sichuanaise » du GMD pro-japonais. En lien avec les autres agents communistes Pan Hannian 潘漢年 (1906-1977), Yang Fan 揚帆 (1912-1998) ou encore Fan Changjiang 范長江 (1909-1970), Lü utilise sa couverture pour faire du renseignement. En décembre 1942, son nom apparaît dans le scandale du Comité de gestion des Vivres (liangshi guanli weiyuanhui 糧食管理委員會) dirigé par Gu Baoheng. Il est accusé avec d’autres membres du Yuan de contrôle, dont Ma Mengzhuang 馬孟莊 et Zhao Shiyu 趙世鈺, d’avoir rendu public un acte d’accusation à l’encontre des fonctionnaires spéculateurs, dans le cadre d’une enquête du Yuan de contrôle menée à la suite d’une pétition signée par Tao Xisan. Révoqué le 9 décembre 1942, Lü est finalement rétabli dans ses fonctions en raison du scandale provoqué par l’affaire, dans laquelle les lanceurs d’alerte sont davantage punis que les fonctionnaires corrompus, du fait de la protection dont bénéficie Gu Baoheng de la part de Wang Jingwei.
Au lendemain de la défaite japonaise, le général Liu Bocheng 劉伯承 (1892-1986) envoie Lü au Sichuan pour y propager la Révolution. Après la victoire communiste, il est nommé à Chongqing avant de décéder des suites d’une maladie à Shanghai.
Sources : Sichuan shengzhi, p. 225-226 ; ZG, n°419, p. 1-2.