D’extraction particulièrement modeste, Honda Kumatarō présente des dispositions certaines pour les études qui lui permettent d’intégrer l’École spécialisée de Tokyo (Tōkyō senmon gakkō 東京専門学校, future Université de Waseda), puis l’Institut de droit de Tokyo (Tōkyō Hōgakuin 東京法学院, future Université Chūō 中央大学). En mai 1894, il interrompt ses études pour passer le nouveau concours ouvert par le ministère des Affaires étrangères (gaimushō 外務省) afin de former des étudiants à l’étranger. Il est retenu avec quatre autres candidats pour étudier le chinois. En août 1895, Honda entre d’abord par la petite porte du Gaimushō en réussissant le concours des chanceliers (shokisei shiken 書記生試験). Alors que la victoire du Japon face à l’empire Qing quelques mois plus tôt soustrait la Corée de l’orbite chinoise, Honda débute sa carrière dans le port de Wŏnsan 원산 元山, au nord de la péninsule, puis dans le port ouvert de Niuzhuang 牛莊 (act. Yingkou 營口) dans la baie du Liaodong. En octobre 1898, il réussit brillamment le « grand concours » du corps diplomatique et consulaire (gaikōkan oyobi ryōjikan shiken 外交官及領事官試験) dont il sort premier. Durant ses années comme diplomate stagiaire (gaikōkanho 外交官補), il est successivement en poste en Corée, en Chine puis en Belgique. En septembre 1901, il est rappelé au Japon par le nouveau ministre des Affaires étrangères Komura Jutarō 小村壽太郎 (1855-1911) qui fait de Honda son secrétaire (gaimu daijin hishokan 外務大臣秘書官). Les deux hommes ont fait connaissance en juillet 1898, alors que Komura, alors vice-ministre, s’emploie à mettre en place ce qui prendra le nom de « diplomatie Komura ». Élaborée à partir de 1893 à la légation de Pékin où Komura est conseiller, cette politique vise à imposer les intérêts japonais en Asie du Nord-Est. Elle passe d’abord par une diplomatie agressive vis-à-vis de l’empire Qing, qui trouve son couronnement lors du Traité de Shimonoseki (17 avril 1895), dont Komura est l’un des principaux rédacteurs. Elle se poursuit en 1902 par une alliance militaire avec la Grande-Bretagne afin de prendre l’avantage sur la Russie. Elle aboutit, enfin, au lendemain de la victoire contre les troupes du Tsar en 1905, à la signature des traités de Paix avec la Russie et avec l’empire Qing qui permettent au Japon de prolonger sa sphère d’influence au-delà de la péninsule coréenne en obtenant les concessions ferroviaires russes dans le Sud de la Mandchourie. Étroitement associé à son mentor durant toute la durée de son premier mandat comme ministre des Affaires étrangères (1901-1906), Honda est connu à l’époque comme l’un des « Trois prodiges de Komura » (Komura no san shūsai 小村の三秀才), aux côtés de Yamaza Enjirō 山座円次郎 (1866-1914) et d’Abe Moritarō 阿部守太郎 (1872-1913).

En janvier 1906, Honda retourne en Chine comme Deuxième secrétaire (nitō shokikan 二等書記官) à la légation de Pékin, avant de rejoindre Komura à Londres l’année suivante. Lorsque ce dernier récupère le portefeuille des Affaires étrangère en 1908, Honda retrouve ses fonctions de secrétaire. En juin 1909, il est promu Premier secrétaire de la légation de Pékin où il traverse la Révolution de 1911, avant d’être nommé consul à Harbin en mars 1912. Honda s’y emploie à développer les intérêts économiques japonais en Mandchourie septentrionale en négociant avec la Russie. Il est aidé par Nishihara Kamezō 西原亀三 (1873-1954), envoyé par le gouverneur-général de Corée Terauchi Masatake 寺内正毅 (1852-1919) afin de développer l’activité de la Kongiksa 共益社, une association de marchands de coton coréens formée sous la houlette de Nishihara. Durant son séjour en Chine, Honda est très affecté par la mort de Komura survenue en novembre 1911, suivie du décès prématuré d’Abe Moritarō en 1913 et de Yamaza Enjirō en 1914. Il passe l’essentiel de la Grande guerre à l’ambassade de Londres où il occupe des fonctions de conseiller (sanjikan 参事官) à partir de novembre 1914. En dépit de l’éloignement avec l’Asie de l’Est, la question chinoise reste l’un de ses principaux sujets de préoccupation. Honda s’active ainsi au moment des « Vingt et une demandes » (janvier 1915), dont il se procure le contenu complet grâce à ses contacts à Pékin. Surtout, il obtient en novembre 1915 que la Grande-Bretagne retire son accord à une participation de la Chine dans la guerre, imposant ainsi l’idée que toute décision concernant la Chine doit passer par le Japon. Ce fait d’arme lui vaut le respect de ses supérieurs et l’admiration de diplomates plus jeunes tels que Shigemitsu Mamoru, alors stagiaire à Londres, qui se prend de passion pour la « question chinoise » à la suite de longues discussions au cours desquelles Honda argumente en faveur de la « diplomatie Komura ». En juillet 1918, Honda est nommé ministre plénipotentiaire (tokumei zenken kōshi 特命全権公使) en Suisse, puis délégué à la Conférence de la paix de Paris en février 1919. Au début des années 1920, il occupe plusieurs postes d’ambassadeur en Autriche (1921-1923), en Turquie (1923), avant d’achever son long séjour européen en Allemagne (1923-1926). De retour à Tokyo, il est poussé à la démission par son ministre de tutelle Shidehara Kijūrō 幣原喜重郎 (1872-1951) dans le cadre d’un plan de départ visant plusieurs ambassadeurs.

Rendu amer par cette fin de carrière anticipée, Honda met son expertise de la politique étrangère japonaise au service de la Kokuhonsha 国本社 (Société de l’État comme fondation), dont il devient l’un des directeurs. Cette organisation nationaliste a été fondée par Hiranuma Kiichirō 平沼騏一郎 (1867-1952) à la fin de l’année 1920, parallèlement à l’organisation secrète Shin’yūkai 辛酉会 (L’Association de 1921) qui vise à rétablir l’autorité de l’État impérial en réaction au parlementarisme de l’ère Taishō (1912-1926). Comme son nom l’indique, la Kokuhonsha s’oppose à la démocratie libérale (minpon shugi 民本主義) et au marxisme, dénoncés comme des idéologies étrangères contre lesquelles elle mène une bataille culturelle en réunissant des universitaires conservateurs et en publiant le mensuel Kokuhon 国本, qui se veut une alternative conservatrice aux deux grandes revues généralistes Chūō kōron 中央公論 et Kaizō 改造. Après sa réorganisation en 1924, la Kokuhonsha se développe en une organisation internationale avec des branches dans plusieurs pays. On ne sait pas dans quelle mesure Honda s’implique dans la composante clandestine de l’organisation bicéphale qui sera dissoute le 10 juin 1936 à la suite de la Rébellion du 26 février. S’il n’est jamais inquiété par la justice avant 1945, Honda est convoqué comme témoin lors du procès fleuve (1937-1941) d’un vaste projet de coup d’État déjoué le 11 juillet 1933 connu sous le nom d’ « Incident du Corps des soldats divins » (shinpeitai jiken 神兵隊事件). À défaut de se livrer au terrorisme, Honda prend une part active dans cette propagande en faveur d’une « Restauration Shōwa » (Shōwa ishin 昭和維新). Il  multiplie les conférences, notamment aux cadets de l’École supérieure de guerre en juillet 1926, et publie quantité d’articles dans la revue Kokuhon ainsi que dans Gaikō jihō 外交時報 (Revue diplomatique). Il se lie également à la Seikyōsha 政教社 (Société pour l’éducation à la politique), cercle fondé en 1888 pour diffuser le kokusui shugi 国粋主義 (doctrine de la quintessence nationale). Alors dirigé par le chantre du panasiatisme Ioki Ryōzō 五百木良三 (1871-1937), la Seikyōsha fait ainsi paraître plusieurs articles de Honda dans les pages de sa revue Nihon oyobi Nihonjin 日本及び日本人 (Le Japon et les Japonais). Honda devient ainsi l’un des principaux contempteurs de la diplomatie japonaise, dont il dénonce les errances sous l’égide de Shidehara puis de Tanaka Giichi 田中義一 (1864-1929). S’il n’a pas pardonné son éviction au premier, Honda est d’abord un allié du second qui l’invite à rejoindre le Seiyūkai 政友会 en février 1927 et à lui servir de conseiller diplomatique. Ses préconisations, dont il publie peu après une synthèse dans Gaikō jihō, portent en particulier sur la politique chinoise du Japon. Honda élabore alors un discours qu’il ne va cesser de marteler par la suite : le contrôle de la Mandchourie est vital pour le Japon, non seulement parce qu’elle est sa « première ligne de défense », mais aussi parce que l’économie japonaise dépend d’elle. Il reproche au gouvernement sortant d’être resté passif face aux troubles provoqués par la rébellion de Guo Songling 郭松龄 (1883-1925) contre Zhang Zuolin en 1925. Prenant la suite de son mentor Komura, Honda prône une politique active du Japon afin de maintenir l’ordre, sans s’embarrasser des règles de non-ingérences dont il pense qu’elles ne s’appliquent pas de la même manière en Mandchourie et en Chine. Honda attaque également Shidehara pour son attitude conciliante vis-à-vis du GMD, dont l’offensive anti-impérialiste soutenue par le Komintern constitue à ses yeux une menace majeure pour les intérêts japonais.

Au moment de la formation du Cabinet Tanaka en avril 1927, Honda peut donc espérer obtenir le portefeuille des Affaires étrangères, que Tanaka décide finalement de cumuler. Vexé, Honda quitte le Seiyūkai en mai 1928 afin, dit-il, de pouvoir continuer à commenter la politique étrangère japonaise en toute liberté. Il ne s’en prive pas, fustigeant dans la presse la politique chinoise de Tanaka qu’il juge dans la continuité de celle de Shidehara, mais en plus maladroite. En cause notamment, la fameuse Conférence d’Orient (Tōhō kaigi 東方会議) réunie par Tanaka à l’été 1927. S’il semble, à première vue, répondre aux demandes de Honda en faveur d’une politique chinoise pro-active, ce sommet réunissant les principaux acteurs japonais sur la question se révèle un désastre en termes de communication, Honda déplorant l’explosion du sentiment anti-japonais qu’elle suscite. Ce sentiment sera durablement alimenté par le « Mémoire au trône de Tanaka » (Tanaka jōsōbun 田中上奏文), projet de conquête de l’Asie orientale concocté et diffusé, semble-t-il, par les services secrets chinois. De même, il blâme Tanaka pour sa mauvaise gestion du déploiement des troupes japonaises au Shandong au moment de l’Incident de Jinan. Plus largement, Honda se lamente de l’inconstance de cette « diplomatie ivre [yopparai gaikō 酔っぱらい外交] » (cité par Takahashi 2011, p. 121) qu’il explique par l’amateurisme de Tanaka et son incapacité à prêter l’oreille aux diplomates chevronnés comme lui. En 1929, Honda s’implique dans la mobilisation contre la ratification par le Japon du Pacte de Paris (ou Pacte Briand-Kellogg) dont les pays signataires s’engagent à une « franche renonciation à la guerre, comme instrument de politique nationale ». Outre la crainte de voir la Chine utiliser ce texte comme bouclier contre le Japon, Honda juge son premier article anticonstitutionnel dans la mesure où cette renonciation à la guerre se fait « au nom de leurs peuples respectifs [kakuji no jinmin no mei ni oite 各自ノ人民ノ名ニ於󠄁テ] ». Or, la Constitution de Meiji (1889) place la souveraineté dans la seule personne de l’empereur. Le 27 mars 1929, Honda cosigne une pétition à l’empereur aux côtés de figures ultranationalistes telles que Tōyama Mitsuru 頭山満 (1855-1944). En 1930, il combat tout aussi férocement le Traité naval de Londres visant à limiter les capacités de la marine japonaise. S’il échoue à empêcher la ratification de ces deux textes, Honda change alors de statut, sortant de son rôle d’expert pour devenir un acteur de poids dans le champs politique japonais.

L’évolution de la situation sur le continent augmente encore l’audience de Honda. Le 19 septembre 1931, au lendemain de l’Incident de Mukden, il prononce un discours de plus d’une heure sur l’évolution de la question mandchoue lors d’un meeting informel réunissant une centaine de personnes parmi lesquelles des personnalités de premier plan telles que Matsuoka Yōsuke et Ōkawa Shūmei. Dès le 1er octobre, Honda appelle son pays à quitter la Société des Nations si celle-ci tente d’interférer dans les affaires mandchoues. En janvier 1932, il réunit ses vues sur la question dans un ouvrage appelant à Faire face à la crise nationale (Kokunan ni  chokumen shite 国難に直面して, Aikokusha sonjuku) dans lequel il explique pourquoi la « race du Yamato [Yamato minzoku 大和民族] », coincée sur un archipel étroit, n’a d’autre choix que de s’étendre sur le continent. Honda accueille avec enthousiasme la nomination en janvier 1932 de son vieil ami Yoshizawa Kenkichi 芳沢謙吉 (1874-1965) comme ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de son beau-père Inukai Tsuyoshi. Après l’annonce par Matsuoka Yōsuke en mars 1933 que le Japon se retire de la SDN, Honda se félicite que « l’autorité du Grand Japon soit restaurée » (Gaikō jihō, 01/04/1933, cité par Takahashi 2011, p. 131). À ses yeux, cette évolution marque une rupture avec plus de deux décennies d’une politique étrangère trop timorée, dont la « diplomatie Shidehara » a constitué le paroxysme. Il ne manque pas de voir là une victoire posthume de son mentor Komura Jutarō auquel il rend régulièrement hommage, notamment dans son ouvrage Tamashii no gaikō : Nichi-Ro sensō ni okeru Komura-kō 魂の外交 : 日露戦争に於ける小村侯 (Une diplomatie inspirée : le marquis Komura dans la guerre russo-japonaise, Chikura shobō, 1938). Si la résolution du problème mandchou va dans le sens voulu par Honda, celui-ci ne tarde pas à relancer dans la presse sa croisade contre la politique chinoise du gouvernement qu’il qualifie de « diplomatie par slogans ». Dans une série d’articles publiés à la fin de l’année 1936 par l’édition d’Osaka du Mainichi shinbun 毎日新聞, Honda adopte une ligne dure, critiquant les « Trois principes » d’Hirota Kōki. Selon lui, les mots ne suffisent plus pour faire respecter les intérêts japonais face à un gouvernement chinois « hypocrite », prêt à quelques concessions pour gagner du temps. Comme le note l’ambassadeur Joseph Grew (1880-1965) dans son rapport mentionnant cette série d’articles, « Now that Japan realizes that its bluff of military pressure no longer works, some other aggressive method of dominating North China may be tried » (courrier au Secrétaire d’État, 01/01/1937).

L’invasion de la Chine « propre » par les troupes japonaises à partir de juillet 1937 ne calme pas l’ardeur de Honda qui participe à plusieurs meetings de masse. Le 22 novembre, il électrise une foule de plus de 4000 personnes réunies au parc Hibiya à qui il fait voter une résolution demandant des mesures de rétorsion contre la Grande-Bretagne accusée de s’ingérer dans les relations sino-japonaises à la suite de la Conférence de Bruxelles convoquée début novembre par la Chine en vertu du Traité des neuf puissances. Le meeting se transforme en une procession qui se rend devant l’enceinte du Palais impérial avant qu’une délégation ne soit envoyée à l’ambassade de Grande-Bretagne pour remettre un manifeste exigeant que les Britanniques changent d’attitude. Le 16 décembre, il participe à un nouveau meeting antibritannique organisé à Osaka par une association de marchands locaux et un groupe de députés. Londres est accusée de prendre le parti de la Chine pour mieux préserver ses intérêts économiques que menace l’occupation japonaise. En octobre 1938, Honda publie une synthèse de ses positions sur la Chine dans l’ouvrage Nisshi jihen gaikōkan 日支事変外交観 (Point de vue diplomatique sur l’Incident sino-japonais, Chikura shobō). Il y développe notamment l’idée selon laquelle le conflit en cours constituerait un tournant civilisationnel marquant la fin de plusieurs siècles de domination « blanche » (p. 211 sqq.). À cet égard, les traités internationaux de l’entre-deux-guerres, tels que le Pacte Briand-Kellog, n’auraient été qu’un moyen de maintenir ce statu quo aux dépens de pays comme le Japon. Aussi sa grille de lecture n’est-elle pas seulement raciale puisqu’elle conduit Honda à prôner un renforcement de l’alliance avec l’Allemagne et l’Italie, elles aussi perdantes du statu quo post-wilsonien. Sous le mandat de son ami Hiranuma, qui accède au poste de Premier ministre en janvier 1939, Honda prend ainsi parti avec le gouvernement en faveur d’une alliance plus poussée avec les forces de l’Axe déjà liées par le Pacte anti-Komintern. Lors d’une conférence prononcée le 5 juin, il critique ceux qui craignent qu’une telle alliance ne soit perçue comme dirigée contre Washington et Londres. Comment croire, professe-t-il, que l’on puisse un jour combattre l’Union soviétique d’un côté en serrant la main de la Grande-Bretagne et des États-Unis de l’autre ? Le fiasco de Nonmonhan à partir de juillet et le choc du Pacte germano-soviétique, le 23 août 1939, affaiblissent cette position et, avec elle, le cabinet Hiranuma qui est dissout le 30 août. À la faveur de la victoire écrasante de l’Allemagne en Europe de l’Ouest un an plus tard et du durcissement des sanctions économiques américaines, le projet d’une alliance plus complète entre le Japon et l’Allemagne souhaité par Honda finit toutefois par voir le jour avec le Pacte tripartite signé le 27 septembre 1940.

Cet engagement en faveur de l’Axe est la raison principale qu’avancent les commentateurs lorsque, le 7 décembre 1940, le ministre des Affaires étrangères Matsuoka Yōsuke choisit Honda comme ambassadeur du Japon auprès du Gouvernement national réorganisé de Wang Jingwei. Cette nomination intervient au lendemain de la reconnaissance formelle de Nankin par Tokyo, entérinée le 30 novembre par Abe Nobuyuki. Elle laisse perplexe Zhou Fohai qui se demande dans son journal personnel ce que Honda vient faire là alors qu’il a quitté le Gaimushō depuis plus de dix ans et qu’il n’a aucun lien avec le Mouvement pour la paix. La presse anglophone de Shanghai voit dans la nomination de cet « ardent admirateur du système totalitaire » ayant eu « le privilège et l’honneur de servir comme ambassadeur à Berlin et à Rome [sic] » (The China Weekly Review, 14/12/1940), un moyen pour Tokyo de faciliter la reconnaissance espérée du régime de Nankin par l’Allemagne et l’Italie ; espoir déçu dans un premier temps. Honda remet ses lettres de créance à Wang Jingwei le 28 décembre. Si les formes d’une relation entre États souverains sont donc respectées, Honda a reçu des instructions claires : les considérations diplomatiques devront être subordonnées aux objectifs militaires. Autrement dit, c’est à l’armée d’occupation que revient de transmettre aux autorités de Nankin les directives de Tokyo. Ce rôle ne l’empêche pas de gagner la confiance des dirigeants chinois. Zhou Fohai décrit ainsi Honda comme « extrêmement sincère » après que ce dernier a affirmé, le 1er mai 1941, ne pas être au courant d’une reprise des discussions secrètes entre Chongqing et Tokyo, en assurant Zhou que le Japon n’avait aucune intention d’intriguer dans le dos de Nankin. Dans un télégramme adressé une semaine plus tôt à Matsuoka, Honda fait pourtant état  de contact à Shanghai entre un certain Yamazaki 山崎 et des représentants de Chongqing afin de « sonder l’atmosphère de la partie adverse ». Toujours est-il que Honda donne publiquement des gages de sa bonne foi en déclarant, dans un entretien à la presse japonaise le 9 mai, que des négociations directes avec Chongqing seraient contraires à la lettre comme à l’esprit des traités du 30 novembre 1940, ajoutant qu’il était bien trop tard pour des discussions de paix avec Jiang Jieshi.

Au Japon, où Honda arrive le 11 mai 1941, ces déclarations sont interprétées par l’ambassadeur Grew comme apportant du crédit à la rumeur d’une « divergence d’opinion croissante entre le ministère des Affaires étrangères et l’ambassadeur japonais à Nankin » (télégramme au Secrétaire d’État, 19/05/1941). Elles valent à Honda quelques critiques dans la presse japonaise, mais aussi le soutien de grands titres comme le Yomiuri shinbun. Pour faire taire la rumeur, le porte-parole du gouvernement déclare, le 13 mai, que le Cabinet Konoe approuve les propos de Honda et qu’il entend continuer à soutenir le régime de Wang Jingwei. Au sujet des relations entre Matsuoka et Honda, le porte-parole note que le premier traite le second avec les marques de respect dues à un aîné. La question des négociations secrètes avec Chongqing est directement liée à celle du « renforcement » (kyōka 強化) du gouvernement de Nankin. S’il renvoie notamment à la mise en place d’une nouvelle administration destinée à superviser les opérations de « pacification rurale » (qingxiang gongzuo 清鄉工作), ce slogan est interprété de manières différentes par les deux parties. Pour le groupe de Wang Jingwei, il s’agit de renforcer la légitimité du Gouvernement national réorganisé en obtenant une plus grande autonomie de la part du Japon et la garantie d’un soutien pérenne. Pour les autorités japonaises, cette politique doit viser avant tout à rationaliser une structure administrative rendue pléthorique par le besoin de respecter l’organigramme « orthodoxe » d’avant-guerre, mais aussi d’offrir des sinécures aux différentes factions en présence. C’est pour défendre les revendications de la partie chinoise que Honda se rend au Japon. Le 13 mai, le groupe de Wang Jingwei transmet une liste de doléances devant lui permettre de renforcer son contrôle politique et économique sur la Chine occupée. Le point d’orgue de cette offensive organisée par Honda, avec l’aide d’Aoki Kazuo, est la visite d’État au Japon de Wang Jingwei et de ses principaux ministres du 17 au 28 juin 1941.

L’espoir placé par ces derniers dans Honda est quelque peu douché par l’annonce de sa démission. Prévenu des intentions de Honda dès le 6 juillet alors qu’il est encore à Tokyo, Zhou Fohai s’empresse de lui écrire pour l’en dissuader. Honda n’en présente pas moins sa démission le 19 juillet, déclarant qu’il part avec le sentiment du devoir accompli. Il semble toutefois que cette démission soit en partie une marque de respect pour Matsuoka Yōsuke, contraint de laisser son maroquin à l’amiral Toyoda Teijirō 豊田貞次郎 (1885-1961). De fait, Toyoda n’a guère de mal à convaincre Honda de rester en poste en l’assurant que le remaniement ne remet pas en cause les engagements du Japon envers le gouvernement de Wang Jingwei, et ce d’autant plus qu’il choisit Amau Eiji 天羽英二 (1887-1968) – un disciples de Honda proche de Shigemitsu Mamoru – comme vice-ministre des Affaires étrangères. Après une absence de plus de de trois mois, Honda retourne à Nankin le 22 août 1941. Entre-temps, l’Allemagne a enfin accepté de reconnaître le gouvernement de Wang Jingwei, le 1er juillet, et, à sa suite, huit autres pays de l’Axe (Italie, Roumanie, Slovaquie, Croatie, Hongrie, Bulgarie, Espagne et Danemark). Lors de sa première conférence de presse après son retour, Honda met en garde Nankin quant aux nouvelles responsabilités qu’implique cette reconnaissance diplomatique susceptible, poursuit-il, de s’accompagner de pressions de la part des pays concernés par le biais de leurs représentants. Honda exprime à demi-mot la crainte du Japon de voir sa relation « privilégiée » avec Nankin être gênée par l’interférence de ses alliés européens, notamment allemands. Il se félicite, par ailleurs, de la compression administrative amorcée par le régime de Wang Jingwei dans le cadre du « Projet de réforme de l’appareil administratif et de remaniement de son personnel » (gaige xingzheng jigou ji tiaozheng renxuan an 改革行政機構及調整人選案) adopté le 16 août qui entraîne la suppression ou la fusion de plusieurs ministères.

Les derniers mois du mandat de Honda comme ambassadeur sont marqués par la montée des tensions entre le Japon et les États-Unis. Dans ses discussions avec les dirigeants du Gouvernement national réformé, Honda se montre rassurant sur la situation internationale. Le 27 août 1941, il affirme ainsi à Zhou Fohai que Churchill est sorti déçu du Sommet de l’Atlantique (9-12 août 1941) avec Roosevelt, faute d’obtenir des États-Unis qu’ils entrent en guerre. Non seulement les États-Unis n’ont pas l’intention de prendre part au conflit mondial, s’avance Honda, mais leur aide matérielle à la Grande-Bretagne est bien en deçà des attentes de Churchill. Les tentatives du premier ministre Konoe Fumimaro visant à impliquer Washington dans des négociations avec Chongqing provoquent un petit incident diplomatique nippo-japonais. Le 10 octobre 1941, Honda est furieux d’apprendre par Kagesa Sadaaki l’existence de ces tractations. Il se plaint à son ministre de tutelle Toyoda Teijirō qui, à son tour, reproche à Konoe d’avoir été laissé dans l’ignorance. Ce dernier est d’autant plus embarrassé qu’il avait tenu Wang Jingwei responsable de cette indiscrétion, lui reprochant d’avoir ébruité leurs discussions personnelles à ce sujet ; preuve s’il en était besoin du peu d’importance que revêt la voie diplomatique dans le contexte de l’occupation. Durant ses douze mois comme ambassadeur à Nankin, Honda s’implique également dans la diplomatie culturelle en organisant le transfert aux autorités chinoises de près d’un million d’objets d’art et de livres en possession de l’occupant, dans le cadre du Comité de préservation du patrimoine culturel (wenwu baoguan weiyuanhui 文物保管委員會) établi au sein du Yuan exécutif et présidé par le ministre des Affaires étrangères Xu Liang.

Le 20 décembre 1941, Honda démissionne de son poste d’ambassadeur à Nankin en invoquant des problèmes de santé. Il est remplacé par Hidaka Shinrokurō, qui occupe son poste par intérim jusqu’à l’arrivée de Shigemitsu Mamoru en janvier 1942. De retour au Japon, Honda publie dès mars 1942 un ouvrage intitulé Shina jihen kara Tōa sensō e 支那事変から大東亜戦争へ (De l’Incident de Chine à la guerre de la Grande Asie orientale, Chikura shobō). En mai 1944, Honda est recruté comme conseiller par Shigemitsu, devenu entre-temps ministre des Affaires étrangères, aux côtés de deux autres diplomates de premier plan : Arita Hachirō 有田八郎 (1884-1965) et Yamakawa Tadao 山川端夫 (1873-1962). Il conseille également l’Association de soutien au Trône. Au lendemain de la victoire alliée, son rôle durant la guerre, à la fois comme diplomate et comme partisan de l’expansionnisme nippon, valent à Honda d’être placé sur une liste des « principaux criminels de guerre japonais ». Il y est décrit comme « Extremely active behind the scenes. Close relations fighting services, imperialist opinions. Pro-Axis. » (George Atcheson, Jr. au Secrétaire d’État, 16/11/1945). Arrêté en tant que suspect de classe A (crime contre la paix) avant d’être reclassé en catégorie B (crime de guerre) faute d’avoir été jugé dans le cadre du Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient, Honda est finalement relâché le 14 janvier 1948, semble-t-il en raison de son état de santé. Il décède chez lui le 18 décembre 1948 des suites d’une angine. La veille, son nom apparaît parmi 19 dirigeants japonais n’ayant pas encore été jugés, toujours détenus à la prison de Sugamo ou placés en résidence surveillée. Alors qu’il est encore question de les faire passer devant un tribunal, les autorités d’occupation décident de les libérer le 24 décembre, estimant que « The period in office of the suspects investigated by Legal Section were of such limited duration as to render it unlikely that ‘B’ and ‘C’ charges would be supported on the basis of the responsibility of their official position » (William J. Sebald au Secrétaire d’État, 24/12/1948). Honda est finalement réhabilité à titre posthume en mars 1952. Une partie de l’abondant corpus de ses textes a été publiée sous le titre Honda Kumatarō kankei monjo 本多熊太郎関係文書 (Documents relatifs à Honda Kumaratō, Kokusho kankōkai, 2018).

Sources : NKJRJ, p. 463 ; Takahashi 2011 ; Honda 1932, 1938, 1942 ; Uchida 2023, p. 147 ; Szpilman 1998 ; Sastre 2016, p. 467 ; Stephan 1973 ; The North China Herald, 25/08/1928, 22/12/1937, 14/05/1941, 23/07/1941 ; FRUS, 01/01/1937, 19/05/1941, 16/11/1945, 24/12/1948 ; Hunter 1984, p. 201 ; The China Weekly Review, 13/11/1937, 14/12/1940, 30/08/1941 ; The China Press, 23/11/1937 ; South China Morning Post 06/06/1939, 15/03/1941, 16/05/1941, 21/05/1941, 16/06/1941, 23/07/1941, 18/08/1941, 18/09/1948 ; Bunker 1972, p. 264-265 ; WZQS, p. 1557, 1563-1565 ; ZR, p. 389, 458, 488, 510, 527 ; JACAR B02030602600, 24/04/1941 ; Henshaw 2019, p. 130-131 ; AS, 20/12/1941, 24/05/1944, 13/12/1945, 20/12/1948, 25/12/1948.

Issu d’une famille de hauts fonctionnaires originaire de Wangjiang (Anhui), He Shizhen sort diplômé en anglais de l’Université de Pékin en 1918, avant de suivre des études de droit à l’Université Soochow (dongwu daxue 東吳大學). Il joue un rôle important lors des manifestations patriotiques du 4 mai 1919, dans le cadre de la Fédération étudiante de Shanghai (Shanghai xuesheng lianhehui 上海學生聯合會). Il fait à cette occasion la connaissance de Sun Yat-sen, alors désireux d’apporter du sang neuf à son mouvement nationaliste. Devenu un intime du grand homme, c’est à son invitation que He adhère, cette même année, au GMD. Il part ensuite poursuivre ses études aux États-Unis en compagnie de son frère cadet He Shimei 何世枚 (1896-1975). Tous deux obtiennent, en 1922, un doctorat de droit à l’Université du Michigan.

À son retour en Chine, He Shizhen enseigne le droit à l’Université Soochow, tout en servant Sun Yat-sen comme conseiller juridique. C’est à cette époque qu’il se lie avec plusieurs Japonais influents proches de Sun. Représentant de la Chine en 1923 lors du congrès de l’Union des associations internationales, il est choisi par Sun Yat-sen pour être l’un des trois délégués de Shanghai lors du premier Congrès national du GMD (Zhongguo guomindang quanguo daibiao dahui 中國國民黨全國代表大會) réuni à Canton en janvier 1924. Cette même année, He et son frère fondent une université privée à Shanghai appelée “Université de la persévérance” ou Université Chizhi (chizhi daxue 持志大學), qui est à l’origine de la prestigieuse Université des études internationales de Shanghai (Shanghai waiguoyu xueyuan 上海外國語學院) fondée en décembre 1949. À la mort de Sun en 1925, He reporte sa loyauté sur le chef de file de l’aile droite du GMD, Hu Hanmin 胡漢民 (1879-1936). Durant la décennie suivante, He occupe divers postes dans les instances centrales et locales du parti-État nationaliste. Membre du Comité exécutif central (zhongyang zhixing weiyuanhui 中央執行委員會) et du Comité politique central (zhongyang zhengzhi weiyuanhui 中央政治委員會) du GMD à partir de 1926, il intègre l’année suivante l’administration provinciale de l’Anhui comme chef du Bureau de l’Éducation (jiaoyuting 教育廳). En juillet 1929, He est nommé président du Tribunal provisoire de la Concession internationale de Shanghai (Shanghai gonggong zujie linshi fayuan 上海公共租界臨時法院). En 1932, il entre au gouvernement comme vice-ministre chargé des affaires civiles (zhengwu cizhang 政務次長) du ministère de la Justice (sifa xingzheng bu 司法行政部).

He reste à Shanghai au début de la guerre, de même que d’autres membres du GMD issus de la faction de Hu Hanmin opposée à Jiang Jieshi, tels que Chen Qun, Miao Bin, Ren Yuandao et Cai Pei. Contrairement aux trois premiers, He ne participe pas aux gouvernements collaborateurs mis en place par l’occupant en 1937-1938. Il ne va toutefois pas tarder à devenir une personnalité en vue dans les milieux collaborateurs, tout en s’imposant comme l’un des meilleurs atouts de Chongqing en zone occupée, aux côtés d’un autre proche de Hu Hanmin, dont le nom reste associé à celui de He : Chen Zhongfu. L’itinéraire qui conduit He Shizhen à servir comme agent double (voire triple) a fait l’objet de divers récits parfois contradictoires. Qu’ils soient ou non avérés, ils traduisent l’intérêt certain que suscitent chez les différentes agences du régime nationaliste l’influence et les réseaux que He possède à Shanghai. À l’automne 1938, trois personnalités de premier plan, Kong Xiangxi 孔祥熙 (1881-1967), Yu Youren 于右任 (1879-1964) et Ju Zheng 居正 (1876-1951), demandent à He et à Chen Zhongfu de s’informer sur la possibilité d’une issue pacifique au conflit. Au même moment, Chen Lifu 陳立夫 (1900-2001) envoie à Shanghai Chen Hui 陳惠, qui contacte He et Chen pour qu’ils l’aident à récolter des informations sur les projets de l’occupant. Selon un autre témoignage, c’est un ancien étudiant de l’Université Chizhi, Xu Mingcheng 徐明誠, alors membre du Bureau du Sud-Est de l’état-major (junlingbu dongnan banshichu 軍令部東南辦事處), qui convainc He de mettre de côté son opposition à Jiang Jieshi pour le bien du pays. Il lui demande de réactiver son réseau japonais afin de collecter des informations sur les intentions du camp ennemi et d’exploiter les divisions en son sein. He s’envole alors pour Chongqing afin d’y recevoir ses ordres. De retour à Shanghai, il multiplie les contacts avec l’occupant.

De fait, après l’arrivée du groupe de Wang Jingwei à Shanghai en mai 1939, He s’emploie à ralentir la formation du nouveau gouvernement collaborateur. Lorsqu’il apprend que les Japonais misent sur une coopération entre Wang Jingwei et l’ancien seigneur de la guerre Wu Peifu 吳佩孚 (1874-1939), He et Chen se rendent auprès de Wu pour le dissuader. He conforte les autorités d’occupation dans l’idée que seules des négociations directes avec Chongqing permettront de trouver une issue au bourbier chinois, contribuant ainsi à ralentir l’avènement du nouveau régime, que Wang Jingwei espérait initialement inaugurer le 10 octobre 1939. L’un des principaux interlocuteurs de He est alors Onodera Makoto 小野寺信 (1897-1987), qui fait plusieurs allers-retours entre Shanghai et Tokyo pour tenter de rétablir le contact entre les dirigeants japonais et Jiang Jieshi. À l’été 1939, He est approché par le groupe de Wang Jingwei pour prendre part au “6e Congrès national” du GMD pro-japonais, mais s’attire la colère de Wang en refusant. Avec Chen Zhongfu, il crée la Nouvelle Ligue jurée (xin tongmenghui 新同盟會) pour s’opposer au monopole que Wang entend exercer en zone occupée sur l’héritage politique de Sun Yat-sen. Le nom de He Shizhen apparaît néanmoins parmi les membres des instances centrales du GMD “orthodoxe” de Wang, dont la liste est publiée dans la presse au lendemain du congrès réuni du 28 au 30 août 1939. Il est possible que ce soit là un moyen de lui forcer la main. Dans ses mémoires, Jin Xiongbai affirme pourtant que He était bien présent lors du congrès (quoiqu’il l’ait ensuite nié, précise-t-il). Jin note au passage que He est l’un des très rares participants à avoir été membre du Comité politique central d’avant-guerre, tout comme Wang, Chu Minyi, Chen Gongbo, Zhou Fohai et Kesingge 克興額 (1889-1950, ch. Li Zhinan 李指南). Quoi qu’il en soit, He est visé par un mandat d’arrêt émis par Chongqing, le 12 septembre 1939, contre les transfuges du GMD ayant choisi de participer au “Mouvement pour la paix” de Wang Jingwei, tels que Chu Minyi ou Mei Siping, sans que l’on sache très bien s’il s’agit d’un stratagème pour parfaire la couverture de He ou bien, plus vraisemblablement, d’un problème de communication entre les agents de Chen Lifu à Shanghai et les autorités centrales à Chongqing.

Le 15 septembre 1939, He Shizhen adresse un télégramme virulent à Jiang Jieshi et aux autres dirigeants réfugiés à Chongqing dans lequel il dénonce la politique de résistance du Gouvernement nationaliste comme une faute dont ils devraient “se repentir”. Selon lui, seule une politique d’union nationale et de paix peut mettre fin aux souffrances des Chinois. Ce télégramme est publié dans le Zhonghua ribao 中華日報, principal organe de presse du groupe de Wang Jingwei. Les rapports qu’entretient He avec ce dernier n’en restent pas moins conflictuels. Le 9 janvier 1940, Zhou Fohai se rend ainsi chez Wang pour discuter de la crise provoquée par la fuite de Gao Zongwu et Tao Xisheng à Hong Kong, mais aussi “pour gérer le problème posé par Chen Zhongfu et He Shizhen“. De même, Zhou rapporte dans son journal que, le 11 septembre 1940, Kagesa Sadaaki le met en garde contre “les plans de Chen Zhongfu et He Shizhen pour détruire le Gouvernement national [de Nankin]“. Pour cette raison, il semble que He n’ait pas occupé de position dans le régime de Wang Jingwei. Il n’en reste pas moins actif en zone occupée tout au long de la guerre.

À partir de 1942 au plus tard, les activités secrètes de He Shizhen prennent pour cadre la branche shanghaienne du Centre de recherche sur les questions internationales (guoji wenti yanjiusuo 國際問題研究所) dirigé depuis sa création en 1937 par le lieutenant-général Wang Pengsheng 王芃生 (1896-1946), réputé être le meilleur spécialiste du Japon au sein de l’armée chinoise. En octobre 1943, Xu Mingcheng, l’ancien étudiant de He évoqué plus haut, se voit confier la direction des opérations du Centre de recherche sur les questions internationales dans la zone Shanghai-Hangzhou-Nankin. En décembre, il installe des transmetteurs radio chez Sun Baiqun 孫伯群, un cousin de He Shizhen qui dirige l’entreprise familiale des minoteries Fufeng 阜豐麵粉廠, au domicile de He lui-même ainsi que chez l’un de ses anciens étudiants résidant à Hangzhou, Lao Jianshao 勞鑒劭 (1904-1984). Outre son travail clandestin pour Chongqing, He vient également en aide au PCC. C’est par son intermédiaire que les Communistes ouvrent un compte à découvert à la Banque centrale de réserve (zhongyang chubei yinhang 中央儲備銀行) dirigée par Zhou Fohai et créent des entreprises servant de façade pour approvisionner la Nouvelle 4e armée. Lors des épisodes de pénurie à Shanghai, son cousin Sun Baiqun et lui fournissent de la farine aux agents communistes.

En octobre 1944, He est impliqué dans la première tentative japonaise de capitulation. Cette affaire remonte à 1941, lorsque He est approché par Shin Suk Woo 신석우 申錫雨 (1895-1953), un ancien leader indépendantiste coréen, dont Konoe Fumimaro a fait son émissaire à Shanghai dans le but de rétablir un canal de négociation avec Jiang Jieshi. He accompagne Shin à Hong Kong à l’été 1941 pour le présenter à Xu Mingcheng. Sur ordre de Wang Pengsheng, He et Xu retournent Shin, qui accepte de fournir des renseignements aux services secrets chinois. Après l’attaque de Pearl Harbor, l’entourage de Konoe trame une conjuration qui aboutit, en 1944, à la formation d’une société secrète du nom d’Itsuyūkai 乙酉会 (Association de 1945). Elle se donne pour objectif de renverser Tōjō Hideki 東條英機 (1884-1948) et de mettre fin, d’ici 1945, à la guerre contre les États-Unis, jugée suicidaire. Konoe confie à son frère cadet, le baron Miyagawa Tadamaro 水谷川忠麿 (1902-1961), le soin de mener à bien cette mission avec l’aide de Shin Suk Woo. En janvier 1944, Shin est prévenu par Miyagawa que l’Itsuyūkai prépare un coup d’État contre le cabinet Tōjō. Avant d’agir, les conjurés souhaitent s’assurer que les Alliés sont prêts à négocier avec le futur gouvernement japonais. Xu Mingcheng transmet la requête à ses supérieurs. La réponse n’arrive qu’en août, alors que les revers militaires viennent de coûter son poste à Tōjō : une capitulation sans conditions du Japon est exigée comme préalable à des négociations. Le 12 octobre, He Shizhen prévient le baron Miyagawa, qui atterrit à Shanghai deux jours plus tard. Malgré les efforts de la partie japonaise, il semble que cette demande de capitulation ne soit jamais arrivée aux oreilles des Américains et des Britanniques.

Au lendemain de la reddition japonaise, le 15 août 1945, He est chargé par Chongqing de la réquisition des biens ennemis à Shanghai. Preuve qu’il n’est pas considéré comme un collaborateur, il n’est pas inquiété par l’épuration judiciaire qui s’ensuit. En 1948, He siège même comme député dans la nouvelle Assemblée nationale (guomin dahui 國民大會). Sa loyauté envers le GMD a tout de même des limites puisqu’il décide de ne pas suivre le Gouvernement national à Taiwan en 1949. Lors d’une visite à Shanghai, Zhou Enlai lui propose un poste, mais He décline. En août 1968, il est rattrapé par l’ « Affaire Pan Hannian », du nom de l’ancien espion communiste en zone occupée, qui est relancée au moment de la Révolution culturelle. Emprisonné pendant quatre ans, il est libéré pour raisons médicales quelques jours avant sa mort, le 17 octobre 1972. Lors du réexamen de son dossier en 1979, la Préfecture de police (gong’anju 公安局) de Shanghai reconnaît la contribution de He à la résistance communiste pendant la guerre.

Sources : Xu Youchun 2007, p. 664 ; Baidu ; Yang Tianshi 1999 ; WKS, p. 46 ; Shieh 1995, p. 172, 173 ; ZR, p. 227, 348 ; Fishel 1949 ; Imai Takeo 1987, p. 209-212.

Asahi shinbun, 07/04/1938

Né à Yokohama, Hidaka Shinrokurō est adopté à l’âge de six ans par la famille Hidaka dans la ville de Fukuoka (Kyūshū). En 1919, il sort diplômé de la prestigieuse faculté de droit de l’Université impériale de Tokyo et réussit la même année le concours du ministère des Affaires étrangères (gaimushō 外務省). Il est nommé en France en septembre 1920, avant d’être envoyé à Genève l’année suivante au siège de la Société des Nations, puis en Suède en 1923. De retour à Tokyo en 1924, Hidaka travaille au sein du service Asie, mais repart en France en 1927 où il est promu Deuxième secrétaire (nitō shokikan 二等書記官). En février 1932, il participe à Genève à la Conférence pour la réduction et la limitation des armements. En mars 1933, il est nommé pour la première fois en Chine comme Premier secrétaire et consul à Nankin. Il rentre un an plus tard au Japon pour prendre la tête de la Section des ressources humaines (jinji-ka 人事課) du Gaimushō. Hidaka retrouve la Chine en avril 1937 comme conseiller (sanjikan 参事官) à l’ambassade  de Nankin.

À ce poste, il joue un rôle important dans les premiers jours qui suivent l’Incident du 7 juillet 1937. Après avoir reçu des instructions le 11 juillet 1937, il s’entretient avec le ministre des Affaires étrangères chinois Wang Chonghui 王寵惠 (1881-1958) à qui il affirme que le Japon ne souhaite pas voir l’incident dégénérer. Pour éviter une escalade, il demande aux autorités de Nankin de suspendre sur le champ tout mouvement de troupes hostile et de ne pas s’ingérer dans les négociations que mènent les Japonais avec le général Song Zheyuan 宋哲元 (1885-1940). Craignant à juste titre que ces négociations ne visent à mettre en place un gouvernement autonome en Chine du Nord échappant à l’autorité du centre, la partie chinoise refuse d’annuler l’envoi de renforts et précise que toute décision prise localement devra recevoir l’aval de Nankin. Cette réponse est transmise à Hidaka le 19 juillet par le chef de la section Japon du service Asie du ministère des Affaires étrangères, Dong Daoning 董道寧 (1902-c.1940), sous la forme d’un mémorandum ambigu selon l’analyse qu’en donne Hidaka à ses supérieurs. Il presse Dong d’obtenir une réponse plus claire à l’ultimatum japonais en soulignant la gravité de la situation. Selon son témoignage après-guerre devant le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient, Hidaka rencontre alors de manière fortuite le chef du service Asie, Gao Zongwu, le 25 juillet. Ce dernier lui laisse entendre que Jiang Jieshi souhaite trouver une solution rapide au conflit. Espérant obtenir une confirmation d’un proche de Jiang, Hidaka rencontre le général Zhang Qun 張群 (1889-1990) à trois reprises entre le 25 et le 27 juillet. Il croit parvenir à une résolution avec la promesse mutuelle que les troupes chinoises prendront l’initiative de se retirer vers le Sud avant que les troupes japonaises se replieront à leur tour. Cette entente est aussitôt rendue caduque en raison des incidents de Langfang 廊坊 et de Guang‘anmen 廣安門 les 25 et 26 juillet. À la demande de l’ambassadeur en Chine, Kawagoe Shigeru 川越茂 (1881-1969), Hidaka rencontre de nouveau Gao Zongwu le 1er août 1937 dans le but de maintenir un canal de communication diplomatique. Distincte de celle menée par Funatsu Tatsuichirō les jours suivants, cette initiative n’aboutit pas en raison de l’ouverture d’un front à Shanghai le 13 août.

Hidaka est l’un des derniers diplomates japonais à quitter Nankin le 16 août 1937, au lendemain des premiers bombardements japonais sur la ville. Il se réfugie à Qingdao où il embarque pour Tokyo, avant de retourner à Shanghai le 29 août. Hidaka se rend à quatre reprises à Nankin durant l’hiver 1937-1938, marqué par le terrible massacre auquel se livrent les troupes nippones, notamment les 17 et 18 décembre pour participer à la grande cérémonie organisée à l’occasion de l’entrée dans la ville de Matsui Iwane 松井石根 (1878-1948), et les 27 et 28 mars pour l’inauguration du Gouvernement réformé (weixin zhengfu 維新政府). Entre-temps, il est notamment amené à négocier avec le Comité international de la zone de sécurité de Nankin pour qu’il accepte de coopérer avec le Comité de gouvernement autonome (zizhi weiyuanhui 自治委員會) de Nankin dans la distribution de vivre aux réfugiés, dans l’espoir de renforcer la légitimité de l’organisation pro-japonaise aux yeux de la population. Le 17 mars 1938, il est nommé consul-général (sōryōji 総領事) à Shanghai, avant de rentrer en décembre à Tokyo pour devenir chef du Bureau économique (keizai-bu 経済部) du Kōa-in 興亜院 qui vient d’être créé. À ce poste, il défend devant les députés japonais la Compagnie pour le développement de la Chine centrale (Naka Shina shinkō kabushiki gaisha 中支那振興株式会社) fondée en novembre 1938. Celle-ci, explique-t-il, doit permettre de contrôler les exportations depuis la Chine, mais aussi de reconstruire les industries japonaises dans la région du bas-Yangzi, dont il promet qu’elles auront retrouvé leur niveau d’avant-guerre dans les trois ans. En Chine du Nord, où les destructions sont bien moindres, le projet initial d’investir massivement pour développer l’industrie locale est abandonné de crainte que cet afflux de capitaux n’aggrave la forte inflation des prix que connaît alors l’archipel. Pour cette même raison, les dépenses en yen dans la région, qui ont explosé avec l’occupation, sont découragées pour limiter la fuite de devises qui alimente l’inflation. Après une tournée dans la région au printemps 1939, Hidaka s’emploie à consolider le cours du lianyinquan 聯銀券 émis par la Banque fédérale de réserve (Zhongguo lianhe zhunbei yinhang 中國聯合準備銀行) de Pékin afin qu’il se substitue au yen dans l’achat de produits japonais en Chine du Nord.

En avril 1940, Hidaka reprend un poste de conseiller d’ambassade à Nankin au lendemain de l’inauguration du Gouvernement national réorganisé de Wang Jingwei. Il assiste l’ambassadeur extraordinaire Abe Nobuyuki dans les négociations qui aboutissent au l’Accord à propos des relations fondamentales entre le Japon et la République de Chine (Nipponkoku Chūka minkoku kan kihon kankei niseki suru jōyaku 日本国中華民国間基本関係ニ関スル条約, version chinoise) signé le 30 novembre 1940 avec le régime de Nankin. Il coopère par ailleurs étroitement avec le Kōa-in afin de s’assurer que la mise en place du nouveau régime ne menace pas le contrôle des autorités japonaises sur le commerce de l’opium en Chine centrale. Ainsi, le 21 août 1940, il transmet un rapport au chef du département des Affaires politiques du Kōa-in, Suzuki Teiichi 鈴木貞一 (1888-1889), prévoyant que la gestion de la vente d’opium par le régime de Nankin à travers le Bureau général de suppression de l’opium (jieyan zongju 戒菸總局) sera « guidée de l’intérieur » par des conseillers japonais et que la vente d’opium continuera à passer par la Société de bienfaisance Hongji (hongji shantang 宏濟善堂) mise en place pour servir de façade au Kōa-in. En mars 1941, il est nommé comme envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Shanghai, ce qui fait de lui le diplomate japonais le plus haut placé en Chine durant la longue absence de l’ambassadeur Honda Kumatarō entre mai et août 1941. Après la démission de ce dernier le 20 décembre 1941, Hidaka assure l’intérim jusqu’à l’arrivée du nouvel ambassadeur Shigemitsu Mamoru en janvier 1942. Il demeure ensuite en Chine jusqu’à sa promotion en novembre 1942 au rang d’ambassadeur à Rome où il arrive en avril 1943. En septembre, il suit Mussolini et sa République de Salò en Italie de Nord.

Placé en détention par les forces alliées en mai 1945, Hidaka est finalement rapatrié en mars 1946 au sein d’un groupe de 300 diplomates qui sont minutieusement fouillés lors de lors débarquement au port d’Uraga afin de saisir les devises et bijoux qu’ils ont dissimulés dans leurs vêtements. En septembre de la même année, il est contraint de quitter ses fonctions au Gaimushō en application des lois d’épuration visant les fonctionnaires impliqués dans la guerre. Interrogé le 28 mai 1946 par l’un des procureurs du Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient, David Nelson Sutton (1895-1974), au sujet de son rôle au sein du Kōa-in, Hidaka affirme qu’il n’a pas été lié au trafic d’opium et que les militaires avaient le dernier mot. S’il n’est pas inculpé, Hidaka est convoqué en tant que témoin durant le Procès de Tokyo. Il intervient notamment le 5 mai 1947, à la demande des avocats de Matsui Iwane 松井石根 (1878-1948) qu’il a connu en février 1932 lors de la Conférence sur le désarmement de Genève où Matsui représentait l’armée japonaise. Les deux hommes se sont régulièrement rencontrés dans les premiers mois de la guerre japonaise alors que Matsui dirigeait le Corps expéditionnaire de Shanghai. Hidaka décrit Matsui, qui est inculpé pour son rôle central dans le Massacre de Nankin, comme un amoureux de la Chine partisan de la coopération sino-japonaise qui aurait pris toutes les mesures possibles pour éviter les débordements lors de la prise de Nankin. Le 2 octobre 1947, il est de nouveau auditionné à la demande de la défense de l’ancien ministre des Affaires étrangères Hirota Kōki. Il détaille dans son témoignage ses efforts dans les premiers jours de la guerre sino-japonaise pour éviter que l’Incident du Pont Marco-Polo ne dégénère. Après le déclenchement de la Guerre de Corée, Hidaka bénéficie du revirement des autorités d’occupation américaines en obtenant sa réhabilitation en août 1951. Par la suite, il occupe notamment le poste de directeur de l’Institut de formation (kenshū-jo 研修所) du Gaimushō à partir de septembre 1955, avant de démissionner en juin 1959. Passionné d’alpinisme depuis sa jeunesse, Hidaka devient président du Club alpin japonais (Nihon sangaku-kai 日本山岳会) en 1958 et publie l’ouvrage Asa no yama ginshō no yama 朝の山残照の山 (Montagnes à l’aube, Montagnes au crépuscule, Futami shobō, 1969). Par ailleurs, de 1962 à sa mort, Hidaka préside l’Association de bon voisinage (zenrin yūgi-kai 善隣友誼会) créée notamment par Shimizu Tōzō et Iwai Eiichi pour venir en aide aux anciens collaborateurs chinois réfugiés au Japon.

Sources : NKJRJ, p. 425 ; KSDJ ; KNKJ, p. 479-480 ; Liu Jie 1995, p. 85 ; Iwai 1983, p. 282 ; Dryburgh 1993, p. 287-288 ; IMTFE Judgment {49,214-215} ; IMTFE Transcript, p. 21443-21463, 29898-29914 ; Brook 2005, p. 148 ; Kobayashi 2000, p. 348 ; The North China Herald, 14/12/1938 ; The China Weekly Review, 25/03/1939, 17/06/1939 ; South China Morning Post, 28/03/1946 ; ZR, p. 319, 665-668.

Originaire de Huangyan (Zhejiang), titulaire d’une maîtrise en économie de l’Université de Pékin, Huang Qingzhong dirige l’École spécialisée de droit et de politique du Zhejiang (Zhejiang shengli fazheng zhuanmen xuexiao 浙江省立法正專門學校) et enseigne dans plusieurs établissements supérieurs tels que l’Académie Chizhi (chizhi xueyuan 持志學院) fondée à Shanghai par He Shizhen.

En août 1939, Huang devient membre du GMD “orthodoxe” de Wang Jingwei. Sa carrière dans le régime de Nankin suit celle de Ding Mocun, dont il est le bras droit. Il est ainsi nommé vice-ministre des Affaires sociales (shehuibu cizhang 社會部次長) et, en 1945, chef du bureau des Affaires politiques du gouvernement provincial du Zhejiang dirigé par Ding. Il tire de cette dernière expérience un long wenshi ziliao.

Sources : MRDC, p. 1131 ; Huang Qingzhong 1979.

Originaire de Wuxian (Jiangsu), Hu Zheng passe par l’Université du Sud-Est (Nankin, future Université centrale) avant de partir étudier le droit à l’Université de Californie. Durant la « décennie de Nankin », il travaille d’abord dans sa province d’origine comme secrétaire de l’envoyé spécial du ministère des Affaires étrangères (waijiaobu tepai Jiangsu sheshishu 外交部特派江蘇涉使署), puis au bureau de l’Impôt sur les cigarettes (juanyan shuiju 捲煙稅局). Hu obtient ensuite un poste de chef de section au ministère des Finances (caizhengbu 財政部), avant de prendre la tête du bureau du Cadastre (tudichu 土地處) dans le gouvernement municipal de Qingdao. On le retrouve ensuite dans l’Anhui comme chef du bureau des Tabacs et des vins (yanjiu shiwuju 煙酒事務局). À la veille de la guerre, il trouve à s’employer comme secrétaire au Conseil des affaires politiques du Hebei-Chahar (Ji-Cha zhengwu weiyuanhui 冀察政務委員會).

Il reste dans le Nord au début de l’occupation, et entre au Gouvernement provisoire (linshi zhengfu 臨時政府) comme chef de section du bureau des Renseignements du Comité exécutif (xingzheng weiyuanhui qingbaoju 行政委員會情報局). Peu après, il retourne en Chine centrale, pour travailler au ministère des Finances du Gouvernement réformé (weixin zhengfu 維新政府). Après l’établissement du régime de Wang Jingwei, il est nommé secrétaire au Yuan d’examen avant de rejoindre l’équipe de Cai Pei à la mairie de Nankin comme chef du bureau du Cadastre (dizhengju 地政局), poste qu’il occupe de juillet 1940 à avril 1943.

À la création du ministère des Vivres (liangshibu 糧食部) en janvier 1943, Hu obtient, grâce aux liens de son épouse avec le vice-ministre Zhou Naiwen, le poste-clé de responsable du Bureau d’achat de riz pour les zones de Suzhou, Changzhou, Songjiang et Taicang (Su Chang Song Tai qu miliang caigou banshichu 蘇常松太區米糧採購辦事處). Avec son beau-frère Hou Dachun, qui dirige le bureau des Vivres du Jiangsu, Hu met alors en place un vaste système de spéculation sur le riz. Il est jugé et fusillé en mars 1944.

Sources : Minguo ribao 15/03/44 ; Ji Xilin 1989 ; Wakeman 2004, p. 144-145 ; Minguo ribao 15/03/44 ; MZN, p. 1133-1134 ; Yuan Yuquan 2010, p. 152.

Originaire du Fujian, diplômé en agronomie de l’Université impériale de Tokyo, He Zan commence sa carrière comme directeur de l’École d’agronomie n°1 du Fujian (jiazhong nongxue xuexiao 甲種農學學校) et conseiller de l’Armée de pacification du Fujian (jingminjun 靖閔軍). Au milieu des années 1920, il change d’orientation pour devenir diplomate. De son expérience de consul, dans les Indes néerlandaises notamment, il tire la conviction que la Chine ne devrait pas privilégier l’Occident aux dépens du Japon. En désaccord avec la politique de Jiang Jieshi, il se retire sur le mont Mogan 莫干山 au nord-ouest de Hangzhou.

Au moment de l’invasion japonaise, les réfugiés affluent sur le mont, où He Zan organise les secours. Il prend alors la tête du comité de maintien de l’ordre local, avant d’être nommé maire de Hangzhou en juin 1938. Il doit sans doute cette promotion rapide au fait que le ministre de l’Intérieur du Gouvernement réformé, Chen Qun, soit lui aussi originaire de Minhou, alors que les premiers collaborateurs chargés d’administrer Hangzhou sont tous originaires de la ville. Pour gouverner la capitale du Zhejiang, He s’entoure d’une dizaine de fidèles qu’il a connus du temps de ses études au Japon.

Le 22 janvier 1939, He Zan est abattu sous les yeux de sa famille, par deux agents du Zhongtong 中統 (les services secrets civils de Chongqing), aidés par un adolescent, Shen Guoying 沈國英, qui fait le récit de cette opération après-guerre. He est remplacé à la mairie de Hangzhou par un autre natif de Minhou, Wu Nianzhong 吳念忠.

Sources : Shen Guoying 1996 ; CIG, p. 348 sq. ; He Zhiping 1996, p. 498 ; Chen Dingwen 1982, p. 208.

Taïwanais du nom de Huang Yushan 黃育山, Huang Ziqiang change d’identité et de lieu de naissance pour Jinjiang 晉江 au Fujian en 1940. Diplômé de la quatrième promotion de l’Académie de Huangpu (Huangpu junxiao 黃埔軍校), il intègre en 1926 à Tokyo l’École d’officiers de l’armée de terre (rikugun shikan gakkō 陸軍士官学校), dont il sort major. De retour en Chine en 1929, il est chargé par Jiang Jieshi de mener une mission de renseignement durant la Guerre des plaines centrales (zhongyuan dazhan 中原大戰). Instructeur à l’École d’artillerie de Nankin, il se blesse à la jambe lors d’une chute de cheval. Cet accident, dont il garde des séquelles, est vécu comme un échec pour Huang, qui rêve d’une carrière à la mesure de son talent.

Après le début de la guerre sino-japonaise, il reste dans le Nord-Jiangsu en raison de sa blessure et sert comme chef d’état-major dans la guérilla nationaliste. Proche de Wang Jingwei et ancien étudiant d’Imai Takeo, Huang rallie le Mouvement pour la paix en 1940. Wang le nomme au Comité des affaires militaires (junshi weiyuanhui 軍事委員會, CAM), mais Imai insiste pour qu’il reçoive des responsabilités plus importantes. Nommé vice-chef de la Direction générale (bangongting 辦公廳) du CAM, Huang devient le principal intermédiaire entre le CAM et le bureau des conseillers militaires japonais. Il occupe divers postes importants dans l’armée de Nankin.

Après l’assassinat de Li Shiqun en 1943, les services spéciaux sont réorganisés en octobre et passent sous le contrôle du Bureau politique du CAM dont Huang prend la tête. La nouvelle organisation est cependant déchirée par une lutte de factions opposant Huang à son subordonné Wan Lilang 萬里浪 (1906-1946) et, à travers eux, l’Armée expéditionnaire de Chine (Shina hakengun 支那派遣軍) à l’Agence de la prune (ume kikan 梅機関), notamment pour le contrôle du trafic d’opium. Le décès de Wang Jingwei prive Huang Ziqiang de son principal appui côté chinois.

Sous l’influence de Wan, Chen Gongbo supprime le Bureau politique du CAM en janvier 1945 et nomme Huang gouverneur du Jiangxi en guise de mise au placard. À la différence de Wan Lilang qui, après avoir aidé Dai Li à la fin de la guerre, est trahi par ce dernier, Huang s’enfuit pour Yangzhou dès l’annonce de la capitulation japonaise et change son nom en Li. Par la suite, il retourne à Taiwan. En 1947, le Dagongbao 大公報 (L’Impartial) de Tianjin annonce que Huang est mort des suites d’un coup de feu parti par inadvertance de l’arme d’un militaire assis à côté de lui dans un café. Selon une autre source, il serait mort dans des circonstances similaires mais au début de l’année 1946 alors qu’il inspectait une mine.

Sources : MRDC, p. 1109 ; Martin 2001, p. 136-138 ; Fu Daxing 2010.

Issu d’un milieu modeste – son père est maçon – Hirota Kōki est un enfant brillant qui se passionne pour les classiques confucéens et la calligraphie dès son plus jeune âge. Il est décidé à s’engager dans l’armée après la Triple intervention de 1895, qui voit l’Allemagne, la France et la Russie dénier au Japon le droit de s’emparer de la péninsule du Liaodong après sa victoire sur la Chine. Finalement, il opte pour la diplomatie et part comme pensionnaire dans le meilleur lycée de Tokyo. À son arrivée dans la capitale, il rend régulièrement visite à Tōyama Mitsuru 頭山満 (1855-1944), originaire comme lui de Fukuoka et influent fondateur de la Genyōsha 玄洋社 (Société du Détroit de Corée), une association ultranationaliste qui finance alors la lutte anti-mandchoue de Sun Yat-sen. Tōyama le présente à Yamaza Enjirō 山座円次郎 (1866-1914), un autre compatriote de Fukuoka qui dirige le Bureau des affaires politiques du ministère des Affaires étrangères (gaimushō 外務省). Suivant les traces de son nouveau mentor, Hirota empreinte la voie royale des diplomates en sortant diplômé de la faculté de droit de l’Université impériale de Tokyo, avant de finir major au concours d’entrée du Gaimushō en 1906, la même année que Yoshida Shigeru 吉田茂 (1878-1967). Entre-temps, Yamaza le charge de collecter des renseignements sur le continent. C’est ainsi qu’en 1903, Hirota passe ses vacances d’été à sillonner la Mandchourie à la veille de la Guerre russo-japonaise.

La carrière diplomatique conduit notamment Hirota à être nommé deux fois à Pékin, en 1907 comme stagiaire et en 1914 comme second de Yamaza, et à occuper le poste d’ambassadeur à Moscou entre 1928 et 1932. Ministre des Affaires étrangères entre 1933 et 1936, il incarne une politique extérieure tour à tour conciliante et agressive. Si elle peut apparaître contradictoire, analyse Michel Vié, elle reste cohérente dans sa volonté de rendre permanente l’hégémonie du Japon en Chine. Dans un discours remarqué devant la Diète, début 1935, Hirota se déclare optimiste au sujet des relations sino-japonaises et promet qu’une guerre n’éclatera pas sous son mandat. Cette volonté affichée d’améliorer les relations sino-japonaises est concrétisée le 18 mai 1935 par l’élévation au rang d’ambassadeur du représentant du Japon à Nankin. Dans le même temps, toutefois, Hirota favorise la stratégie de morcellement en Chine du Nord portée par Doihara Kenji et publie, le 28 octobre 1935, ce qui restera comme les « Trois principes d’Hirota » (Hirota sangensoku 廣田原則), qui fixent la politique impérialiste japonaise en Chine et annoncent les objectifs de guerre du Japon après 1937. Ces principes exigent du gouvernement chinois qu’il (1) abandonne sa politique anti-japonaise et ses liens avec les puissances occidentales au profit d’une relation privilégiée avec le Japon ; (2) reconnaisse le Manzhouguo et développe des liens économiques avec lui ; (3) coopère pleinement avec le Japon pour lutter contre les communistes. Comme ministre, Hirota contribue à transformer l’état d’esprit du Gaimushō. Alors que les diplomates japonais s’identifient depuis l’ère Meiji aux élites anglo-américaines, il affecte un style “continental” (tairikuteki 大陸的), c’est-à-dire oriental, en manifestant notamment son goût pour le bouddhisme Zen.

Devenu premier ministre à la suite de l’”Incident du 26 février 1936“, il signe le Pacte anti-Komintern et donne satisfaction aux militaires. C’est en effet sous son mandat que les crédits de l’armée sont doublés et qu’est rétablie la pratique consistant à nommer des militaires d’active aux postes de ministres de l’Armée et de la Marine, qui offre de fait un droit de veto dans les affaires civiles aux militaires. Ces derniers ne tardent pas à en faire usage en refusant de remplacer le ministre de l’Armée démissionnaire suite à des critiques, obtenant ainsi la chute du Cabinet Hirota le 23 janvier 1937. Hirota retrouve le portefeuille des Affaires étrangères en juin 1937, dans le premier Cabinet Konoe. Si sa marge de manœuvre est très étroite, voire nulle, il ne semble pas avoir cherché à imposer une solution diplomatique au conflit. Il ne prévient l’ambassadeur allemand Herbert von Dirksen (1882-1955) de l’existence d’un ultimatum dans les négociations avec le gouvernement chinois que le 16 janvier 1938, soit après son expiration. Son attitude est critiquée au sein du Gaimushō par les partisans de la désescalade tels que Ishii Itarō, exaspérés que Hirota ne tienne pas plus tête aux militaires. Ishii note dans son journal personnel à la date du 17 juillet 1937 : “Je n’avais pas imaginé que le ministre des Affaires étrangères Hirota était à ce point opportuniste et inconstant.” (Brooks 2000, p. 182).

Chose inédite dans l’histoire du ministère, il est remplacé en mai 1938 par un militaire, Ugaki Kazushige. Dans ses mémoires, l’ambassadeur américain à l’époque, Joseph Grew (1880-1965), livre l’analyse suivante de son éviction : “Hirota had fallen because he was too weak in opposing the Army while at the same time insisting that the Foreign Office has control of Japan’s foreign relations in China.” (Brooks 2000, p. 180). Bien que nommé à la Chambre des Pairs par l’empereur, il se place en retrait de la vie publique. Pour autant, son nom est évoqué pour le poste de premier ministre à chaque remaniement et il continue d’être régulièrement consulté, quoique ses avis ne soient généralement pas suivis. Dans les derniers jours de la guerre, il rencontre l’ambassadeur de l’Union soviétique Yakov Malik (1906-1980) pour transmettre la liste des cadeaux que le Japon est prêt à offrir en échange d’un maintien du pacte de non-agression. Mais il est déjà trop tard. L’invasion de la Mandchourie par les troupes soviétique, le 8 août 1945, porte un coup fatal à l’Empire du Grand Japon.

Jugé après-guerre par le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient, Hirota ne prononce pas un seul mot de tout le procès, y compris lorsqu’il apprend le suicide de son épouse. Cette attitude, que certains attribuent à l’influence du Zen, explique en partie qu’il soit le seul civil à être exécuté comme criminel de guerre de classe A. Il est, en particulier, rendu responsable du massacre perpétré à Nankin alors qu’il était ministre des Affaires étrangères, aux côtés du général Matsui Iwane 松井石根 (1878-1948) bien plus impliqué en tant que commandant en chef de l’Armée régionale de Chine centrale. Alors même qu’Ishii Itarō témoigne lors du procès que Hirota lui a demandé de mettre en garde le ministère de l’Armée contre les exactions commises à Nankin et que l’ancien ambassadeur britannique au Japon, Robert Craigie (1883-1959), dénonce une erreur de justice visant à offrir à la Chine un bouc émissaire, Hirota est condamné pour ne pas avoir suffisamment fait pression sur son gouvernement pour mettre fin au massacre. Son statut d’unique « martyr » du Gaimushō lui vaut de voir sa responsabilité dans la guerre sino-japonaise largement atténuée par ses collègues. Dans les biographies et mémoires qu’ils publient après-guerre, ils font d’Hirota la victime de l’ascendant pris par les militaires sur les diplomates dans les affaires extérieures du Japon. Son soutien aux faucons de l’armée dans les premiers mois de la guerre s’inscrit pourtant dans une politique extérieure cohérente incarnée par Hirota depuis 1933 comme ministre des Affaires étrangères et premier ministre.

Sources : NKJRJ, p. 436 ; KSDJ ; Dictionnaire historique du Japon, vol. 8, 1982, p. 17-19 ; Shiroyama 1989 ; Brooks 2000, p. 62 sqq., 74, 129, 151, 180 sqq. ; Vié 1995, p. 189, 198 ; IMTFE {48,595} ; Boyle 1972, p. 78, 145 ; Brook 2001b, p. 683.

Originaire de Tianzhang (Anhui), Hou Dachun est une figure majeure du syndicalisme shanghaien durant la « décennie de Nankin », en tant que tête de file du personnel des messageries au sein du puissant Syndicat des travailleurs des Presses commerciales de Shanghai (Shanghai shangwu zhigong hui 上海商務職工會). Également membre du Bureau local du GMD, Hou participe à la réorganisation du syndicat au début de la Terreur blanche. Le président du Bureau international du travail, Albert Thomas (1878-1932), qui le rencontre lors d’une tournée en Chine en 1928, écrit à propos de « C.D. Ou » : « des syndicalistes européens parleraient peut-être d’entente avec les patrons et de jaunisse ».

À l’automne 1930, il est accusé d’avoir détourné à son profit des marchandises confisquées dans le cadre de la campagne de boycott anti-japonais. Lors de son procès, début 1931, il est lâché par Pan Gongzhan 潘公展 (1895-1975), qui refuse de témoigner en sa faveur. Cette trahison conduit Hou, qui appartenait à la clique CC depuis 1928, à rallier le camp cantonais opposé à Jiang Jieshi. Il participe à l’unification des trois syndicats du livre, en janvier 1931, dans un Syndicat des travailleurs des entreprises d’édition de Shanghai (Shanghai chubanye gonghui 上海出版業公會), mais doit s’effacer en 1932 en raison de l’affaiblissement des « Sudistes ».

Au début de l’occupation, il travaille à Pékin pour le compte de Chongqing, avant de rejoindre le Mouvement pour la paix de Wang Jingwei. Hou bénéficie notamment de la recommandation du ministre de l’Éducation et ancien éditeur aux Presses Commerciales, Li Shengwu. Après avoir servi au Comité de formation des masses (minzhong xunlian weiyuanhui 民眾訓練委員會), au sein du Comité de pacification rurale (Qingxiang weiyuanhui 清鄉委員會), Hou est nommé à la tête du bureau des Vivres du gouvernement provincial du Jiangsu, tous deux dirigés par Li Shiqun. Si les liens de Hou avec ce dernier ne sont pas très clairs, ils sont sans doute étroits. En effet, le rapide enrichissement de Hou prend place alors que le pouvoir de Li atteint son apogée, tandis que sa chute brutale, en octobre 1943, suit de près l’assassinat de ce puissant allié. Hou bénéficie, en outre, des réseaux de son épouse Wu Yunqing 鄔雲卿, qui serait la sœur jurée de She Aizhen 佘愛珍, femme de Wu Sibao 吳四寶 (1902-1942), et l’aînée de Wu Yiqing 鄔揖卿, elle-même mariée à Hu Zheng.

Au cours de l’année 1943, Hou organise, avec ce dernier, un vaste système frauduleux consistant à spéculer sur le riz acheté pour le compte du gouvernement et de l’armée japonaise. Suite à la découverte de ce trafic lors d’un contrôle de routine en octobre 1943, Hou est arrêté le 21 janvier 1944 par la police militaire japonaise qui démantèle son réseau. Sommé par les autorités d’occupation de faire preuve de sévérité, le régime de Nankin condamne à mort Hou Dachun et Hu Zheng, qui sont fusillés le 15 mars. Également condamnés à la peine capitale, leurs supérieurs au ministère des Vivres, Gu Baoheng et Zhou Naiwen, écopent finalement de dix ans de réclusion, grâce à leurs puissants soutiens. À en croire Xue Gengxin (Joseph Shieh), Hou aurait, en réalité, détourné le riz pour le compte du PCC, mais il s’agit vraisemblablement d’un moyen pour Xue de laver l’honneur de son ami Geng Jiaji, qui est la première victime de ce scandale retentissant.

Sources : Maitron ; ZKD, p. 248 ; Ji Xilin 1989 ; Wakeman 2004, p. 144-145 ; Roux 1995, p. 245 et passim ; Minguo ribao 15/03/44 ; ZR, p. 462 ; AH 118-010100-0013-027 ; Shieh 1995, p. 164.

Né à Jianshi (Hubei), He Peirong sort diplômé de l’École d’officiers de l’armée de terre (rikugun shikan gakkō 陸軍士官学校) de Tokyo en 1906. De retour en Chine, il enseigne à l’Académie militaire de Baoding (Baoding lujun junguan xuexiao 保定陸軍軍官學校) et devient commandant de régiment dans l’Armée Beiyang. En 1915, il suit le seigneur de la guerre Wang Zhanyuan 王占元 (1861-1934), qui le nomme gouverneur du Hubei en 1919. À la chute de Wang, en 1921, He se réfugie dans les concessions japonaises de Tianjin puis de Wuhan.

Au début de la guerre sino-japonaise, He Peirong dirige le Conseil de Wuhan (Wuhan canyifu 武漢參議府) et son Comité des affaires politiques (Wuhan zhengwu weiyuanhui 武漢政務委員會). Après la prise de la capitale du Hubei en octobre 1938, il accepte de collaborer avec les Japonais, qui le placent à la tête du Comité de maintien de l’ordre (zhi’an weichihui 治安維持會) local. En 1939, l’armée d’occupation le charge d’organiser un gouvernement régional basé à Wuhan, qui devient finalement le gouvernement provincial du Hubei, dont il prend la tête en novembre. Il forme avec Shi Xingchuan, qui partage un parcours identique au sien, un binôme au service des ambitions régionalistes des services spéciaux de Hankou, dirigés par Shibayama Kenshirō.

Au moment de la formation du gouvernement de Nankin le 30 mars 1940, He est nommé membre du Comité politique central (zhongyang zhengzhi weiyuanhui 中央政治委員會), mais rentre précipitamment ce même jour à Wuhan, après avoir refusé de siéger, si l’on en croit le consul de France à Hankou, Fernand Roy. Dans un témoignage d’après-guerre, Chen Chupu rapporte que, poussés par leurs patrons japonais, He Peirong et Shi Xingchuan exigent de pouvoir participer au Comité politique central et se rendent dans la capitale sans attendre l’autorisation du nouveau gouvernement, qui est contraint d’ajouter, au dernier moment, des sièges de simples auditeurs (liexi 列席).

Afin de consolider son assise politique locale, He Peirong fonde en mai 1940 le Parti républicain (gonghedang 共和黨), qui n’est en rien apparenté au parti homonyme créé en mai 1912 par Li Yuanhong 黎元洪 (1864-1912), bien qu’il en revendique l’héritage. Soucieux de ne pas laisser se développer une force dissidente au Hubei, Zhou Fohai exige que le Parti républicain prête allégeance aux Trois principes du peuple (sanmin zhuyi 三民主義) et qu’il soumette le brouillon de son manifeste au gouvernement central pour examen préalable, comme l’ont fait les ersatz pro-japonais du Parti de la jeunesse (Zhongguo qingnian dang 中國青年黨) et du Parti national-socialiste (guojia shehui dang 國家社會黨). Contrairement à ces derniers et malgré son nom, le Parti républicain s’apparente toutefois davantage à une organisation de masse, encore embryonnaire, comme les Japonais en avaient créées à Pékin (Xinminhui 新民會) et en Chine centrale (Daminhui 大民會). C’est sans doute la raison pour laquelle le GMD “orthodoxe” de Nankin exige et obtient sa dissolution en décembre 1940, intégrant dans ses rangs les 40 000 membres revendiqués par le Parti républicain.

Tout en se déclarant loyaux au gouvernement de Wang Jingwei, He Peirong et sa tutelle japonaise ne renoncent pas à conserver une grande autonomie face à la politique centralisatrice de Nankin. Cette ambition s’exprime notamment au Jiangxi, dont neuf des onze districts occupés sont placés sous le contrôle des autorités de Wuhan, qui en tirent une partie non négligeable de leurs ressources fiscales. Désireux de s’émanciper de cette administration gourmande en impôts, les notables du Jiangxi, réunis au sein du Comité pour l’accélération de la formation du gouvernement provincial du Jiangxi (Jiangxi shengzheng cucheng weiyuanhui 江西省政促成委員會), pétitionnent auprès des autorités centrales de Nankin. Ils accusent He Peirong d'”accaparer l’administration du Jiangxi pour la placer sous sa direction personnelle“. He n’est plus là quand un gouvernement provincial du Jiangxi est finalement inauguré le 19 juin 1943. Les circonstances de sa mort, le 6 juin 1942, ne sont pas claires. Selon les sources, He est, au choix, empoisonné par les Japonais, par sa femme, ou meure plus simplement de maladie. He est un opiomane invétéré, tout comme son successeur au poste de gouverneur du Hubei, Yang Kuiyi.

Sources : HSRZ, p. 97 sq. ; MRDC, p. 388 ; ADF 503, 9 avril 1940 ; Chen Chunpu 2010, p. 94 ; AH 118-010100-0035-051 ; Horii 2011, p. 102 ; WZQS, p. 1504 ; Chen Ronghua 2005, p. 193 ; Cheng Hua 1986a, p. 28-29.

Biographical Dictionary of Occupied China

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